Je déteste les camping-cars, ils se trouvent toujours devant moi sur une route de Lozère ou d'ailleurs et roulent à 30 à l'heure dans le meilleur des cas quand ce n'est pas 10 quand Christian a vu un beau paysage et qu'il veut que Françoise en profite aussi... Donc, à priori, le titre de cet ouvrage n'était pas pour moi... Et pourtant...
Ivan Jablonka évoque ses vacances avec ses parents et des amis à eux durant les années 80. Embarqués dans des combis Volkswagen, ils ont sillonné divers pays méditerranéens, alliant culture et liberté.
Ce qui peut apparaître comme juste un récit de souvenirs d'enfance dans un milieu relativement privilégié ( mère prof d'histoire, père ingénieur ), ce qu'il est bien sûr, devient en fait sous la plume de l'auteur une introspection intime sur ses rapports avec son père mais aussi une étude autant sociologique qu'historique sur les vacances en général et cette décennie, la dernière, qui permettait encore de vivre un semblant de liberté lorsque l'été fut venu.
Dans un langage simple et direct, Ivan Jablonka nous ouvre autant les portes coulissantes du combi que celles de sa mémoire, un intime, qui au fur et à mesure des pages, va tendre vers l'universel. Le lecteur gambade avec lui sur les rochers ou dans la mer mais regarde et essaie aussi de comprendre ce père qui veut à tout prix que ses enfants soient heureux. Abordant un récit de l'intime par le biais des vacances et d'un moyen de transport qui à l'époque signifiait "liberté", pas loin dans le regard, par cette descente au plus profond de lui-même d'une Annie Ernaux, " En camping-car " devient une lettre d'amour à son père, un hymne nostalgique à une époque révolue, la parfaite photographie d'un type de vacances à jamais perdu.
On oscille constamment entre le prosaïque et l'analyse, entre la mer, le vent, la route et la précision sociologique. Ivan Jablonka caresse la partie intelligente du lecteur, lui donnant autant à comprendre qu'à réfléchir mais il ne laisse pas de côté la partie sensible, qui vibrera indubitablement devant les paragraphes consacrés à cet amour paternel. ( " J'ai eu l'enfance que mon père a voulue pour moi, ..., j'ai été heureux à travers le bonheur qu'il m'organisait, si bien qu'à la fin je ne sais plus qui, de nous deux, a vécu mon enfance. " )
Ni roman, ni réelle autobiographie, "En camping-car" gambade sereinement dans les terrains joyeux de l'enfance et des vacances inorganisées. Il sent bon la liberté, l'intelligence et la tendresse, trois valeurs essentielles dans lesquelles on plongera avec autant de plaisir que dans une mer bleu-électrique chauffée par le soleil.
Merci Pierre pour avoir présenté ce livre. J'ai adoré et il fera partie d'une sélection que je propose en juin pour un après midi " Lire au jardin" à la bibliothèque du village
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