Antoine Audouard, auteur et éditeur connu, s'effondre à 56 ans, victime d'un AVC. C'était en juin 2012. Heureusement pour lui, dans son malheur, c'est le côté gauche qui est paralysé, le côté droit du cerveau étant celui de la mémoire et du langage. Donc, c'est en pleine conscience que l'écrivain va vivre ces longs mois "d'après coup" comme il dit et qu'il décide de les retranscrire quelques années plus tard.
Antoine Audouard est sans doute fort sympathique, les nombreux amis qui le soutiennent, les nouveaux amis qu'il n'arrête pas de se faire au cours de ses nombreuses semaines d'hospitalisation ou de rééducations diverses en sont le témoignage. Antoine Audouard possède également une jolie plume alerte, allègre, parfois piquante, parfois sensible ( le beau portrait de son ami Guy) et rend la lecture de son récit agréable. Mais malgré le malheur de l'écrivain et toute cette bienveillance étalée à longueur de pages, j'ai encore eu l'impression d'être resté à la marge du livre, un peu comme les pauvres autochtones d'un pays de bord de mer qui ne peuvent franchir les barrières derrières lesquelles se prélassent d'autres humains, plus riches, insensibles au monde qui les entoure.
Certes l'auteur lutte pour retrouver l'usage de ses membres et ce n'est pas une partie de plaisir. Même s'il a la pudeur de ne garder que les bons moments, de reconnaître qu'il jouit d'une certaine chance dans la vie ( celle de vivre du bon côté), jamais il n'arrive à se départir de cette suffisance de classe. C'est donc en toute normalité que sa convalescence va le voir partir souffler à Nantucket ( c'est si joli !) , faire des cures ayurvédiques d'un mois en Inde, décider de se prouver qu'il peut encore faire du jogging et donc de parcourir Brooklyn Bridge à New-York. Bien sûr, il a des tonnes d'amis aussi bien médecins, que journalistes ou d'autres bien placés pour obtenir des permis de séjour à quelque étranger en situation irrégulière mais porté sur les techniques yogis ( comme quoi , quand on est privilégié on peut aider très efficacement). Et l'on assiste donc sur plus de 400 pages, à la renaissance d'Antoine Audouard, j'en suis ravi pour lui, mais aussi, en arrière fond, en toute innocence, de l'étalage d'une vie aisée, où l'on prend l'avion comme le métro, où les amis architectes aménagent en deux temps trois mouvements son intérieur pour l'aider dans ses déplacements, où le lecteur lambda sent que vraiment le fossé s'agrandit de plus en plus...
Je reconnais toutefois qu'Antoine Audouard glorifie sur deux pages notre système de soin et le service hospitalier exemplaire ( à Paris, on va à l'hôpital, en région... les cliniques aguichent les clients pour mieux les détrousser ) qui lui a permis d'avoir les meilleurs soins et les meilleurs spécialistes sans avoir déboursé un euro de sa poche ! Il est loin d'être ingrat...
Cependant, l'AVC, ou tout du moins les suites qu'il a eu sur Antoine Audouard, sont aussi le prétexte à parler des siens ( beaux, sympathiques, généreux, fidèles) et à jeter un regard assez zen sur le monde qui l'entoure. Ce ne sont pas les quelques piques sur l'égoïsme des gens dans le métro ou le manque d'aménagements dans les villes pour les handicapés qui vont ternir ce récit chaleureux mais cultivant quand même un certain entre soi bien actuel.
La réponse est peut-être que la partie gauche du monde a disparu pour lui...? On dénote même aussi très rapidement par ce choix de couverture une vision à gauche encore perturbée, où on a juste envie de faire disparaître le côté 'gauche' de l'image...!
RépondreSupprimerBien vu !
SupprimerVous avez bien décrit ce que j'ai ressenti en commençant la lecture de ce livre.
RépondreSupprimerLe ton est facile "oui connard je t'ai entendu" et en effet ses proches sont tellement cool, comme son ami médecin "qui doit aussi s'occuper de sa fiancée chinoises" qui en plus est tellement intelligent qu'il adore les bouquins de Audouard...