dimanche 3 juin 2018

Du tout au tout de Arnaud Le Guilcher


Bienvenue dans l'univers d'Arnaud Le Guilcher  ! Vous ne connaissez pas ? Chanceux que vous êtes, vous allez donc avoir le plaisir de le découvrir ! Faire l'impasse plus longtemps sur un auteur qui fait autant de bien aux zygomatiques qu'au cerveau serait une faute de goût! Je l'avoue, j'ai joué mon snob et fuit son précédent ouvrage qui traîne depuis des mois dans une pile à lire, son titre, "Capitaine Frites", m'évoquait un humour à la Patrick Sébastien... Mal joué ! Car, après la lecture de "Du tout au tout" , il devient évident qu'il va vite sortir de son purgatoire littéraire !
Le bandeau accrocheur sur la couverture annonce une sorte de nouveau Boris Vian. Un peu trop publicitaire ? Si Boris Vian reste inégalable, force est de reconnaître qu'Arnaud Le Guilcher parvient sans problème à se faire un place bien méritée dans un genre qui allie humour et univers déjanté visionnaire.
Le héros de ce sixième opus , Pierre Pierre ( oui nom, prénom identiques !), jeune homme d'aujourd'hui arrive au bout de longues études guère exaltantes et pas vraiment propices à l'insérer dans le monde du travail. Heureusement pour lui, il possède une chose rarissime : l'émotion absolue... qui se manifeste par un torrent de larmes dès lors qu'il voit, entend, touche une vraie œuvre d'art ( donc pas Jeff Koons, ni Louane, ni les Tuche). Repéré par un magnat de l'entertainment, il sera chargé de trouver une future star de la chanson du niveau d'un Jacques Rel ( ainsi nommé dans le roman). Une jeune femme charpentée, peintre...en bâtiment, aussi grande gueule que grande chanteuse réaliste, lui tapera dans l'oreille. Dès qu'elle ouvre la bouche, l'émotion fond sur l'auditoire. L'enregistrement d'un disque se met immédiatement en route. Mais branle bas de combat, l'usine à œuvres d'art dans laquelle bosse Pierre sera rachetée par une méga multinationale qui se mettra à appliquer des méthodes dantesques sur des employés désormais obligés de produire de la médiocrité...
Toute ressemblance avec la réalité n'est absolument pas fortuite. Sous couvert d'une histoire un peu délirante mais bourrée d'humour, Arnaud Le Guilcher s'inspire du fonctionnement de nos multinationales spécialisées dans le loisir, pour brosser un tableau jusqu'à l'outrance d'un prolétariat qui finira par crever sous les diktats d'une poignée de décideurs obnubilés par le profit et seulement guidés par des algorithmes.
L'humour léger du départ vire petit à petit au noir. Et si le roman sacrifie à un final un peu convenu et vaguement optimiste, le plaisir reste immense de sillonner un univers inspiré, osant les éléments merveilleux. Dans ce décor démentiel d'un empire culturel qui se déglingue, on rencontrera, entre autre, Mohair, un chat tout aussi émotif que son maître mais qui lui gonfle ou rétrécit au gré de ses émotions, des fleurs étranges, un vent assourdissant qui transporte les voix du passé, une chanteuse qui guérit ou rend beau les acnéiques. Loin d'amoindrir son propos, tout cet attirail aux apparences hétéroclites, crée un ensemble aussi jouissif qu'original aussi convainquant qu'inventif. Oui, il ya du Boris Vian dans Arnaud Le Guilcher et c'est une excellente nouvelle ! Ce n'est pas tous les jours que l'on tombe sur un roman, drôle, facile à lire, empreint d'une douce poésie et qui fait passer, mine de rien, un joli message bien (im)pertinent.
Laissez tomber la médiocrité, les récits manufacturés, lisez Le Guilcher, vous croirez encore et toujours au pouvoir des auteurs ( et des fleurs !). 

1 commentaire:

  1. Il sera bon de passer rapidement ,par le guichet, l'acheter!

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