dimanche 10 juin 2018

Trois visages de Jafar Panahi


Difficile de regarder un film de Jafar Panahi sans penser évidemment à son état d'assigné à résidence et à son interdiction de filmer. On imagine bien que dans de telles conditions, la ruse et le camouflage doivent entrer en ligne de compte lors de la réalisation voire de l'élaboration du scénario. Alors que l'on pourrait penser que tourner en intérieur serait vraiment plus discret, c'est en pleine cambrousse iranienne  que nous transporte le réalisateur et franchement. Exit les insupportables bourgeois à l'iphone greffé à l'oreille de "Taxi Téhéran" ( il ne reste ici que les deux acteurs principaux à la teinture parfaite, jouant leur propre rôle de cinéaste et de comédienne populaire ) et bonjour à une population rurale confite dans la tradition. Le réalisateur et coscénariste nous convie donc à un voyage au cœur de son pays qu'il regarde avec une certaine tendresse mais aussi avec une certaine ironie. Evidemment, on se doutait bien que les fins fonds de l'Iran ne regorgeaient pas de campings naturistes. Donc le patriarcat entretenu par la religion, les croyances autour de la virilité ou la place de la femme ( qui compte moins qu'une vache) constituent un des angles de ce voyage prétexte, l'autre étant un constat en filigrane autour du cinéma iranien et de la création en général.
Le propos, hautement recevable, emprunte les chemins ( je devrai dire les routes étroites et sinueuses) du maître Abbas Kiarostami dont " Trois visages" s'avère un joli hommage. Cependant, et malgré quelques scènes drôles ou bien vues, l'ensemble pâtit d'un scénario pas bien ambitieux ni particulièrement original.... Quoi ?!! ...Mais il a justement eu le prix du scénario à Cannes !!! Je répondrai que c'est une façon de soutenir depuis la Riviéra un confrère entravé. On ne pouvait lui donner autre chose, ni prix d'interprétation, ni palme, ni grand prix ( nous sommes loin du chef d'œuvre), ni prix de la mise en scène ( pas franchement inspirée ). Il ne restait que le scénario... ( et tant pis si d'autres films le méritaient plus !) .
Souffrant de quelques longueurs et d'une mise en scène platounette ( mais peut être induite par l'état d'urgence et de clandestinité du tournage), "Trois visages" nous donne quelques nouvelles de l'Iran ( comme on dit dans les festivals et permet ainsi au monde du cinéma de faire la fête en bonne conscience), nouvelles qui n'indiquent en rien une possible amélioration. Ce constat, même un peu bancal, arrive toutefois à capter notre attention car amer, lucide et empreint d'une douce malice.



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