Julien Blanc-Gras à l'aube de la quarantaine, âge où l'on bascule vers une autre portion de la vie, que certains, plus prosaïques, appellent passer au stade vieux con, se reproduit. Un petit garçon naît et avec lui, en plus des chamboulements inévitables dans une vie de couple, son regard, jusqu'à présent exercé à voir le monde ( c'est un écrivain-voyageur), s'ouvre sur sa vie. Quelques questions politico/philosophiques viennent le questionner. Les attentats de Paris en 2015 et le sentiment de guerre larvée résonnent dans sa tête. Est-ce bien raisonnable de faire naître un enfant dans un monde où potentiellement il devrait moins bien vivre que ses parents ? Et que lui transmet-on alors que des réflexes inconscients de peur affleurent dans le quotidien ? Et puis la vie continue, avec d'autres attentats, qui maintenant ébranlent toujours les êtres mais sans les étonner et un petit garçon qui grandit et qui suscite un émerveillement paternel de tous les instants.
"Comme à la guerre" se présente un peu comme le journal de bord d'un père. On y trouve un humour décalé qui démontre de façon sous-jacente que le mâle contemporain, plus proche de sa progéniture que les générations précédentes, plus attentionné, pétri de principes éducatifs ( Montessori, nouvelle papesse de l'éducation branchée) garde toutefois un certain recul. Tout ce qui concerne ce cheminement parental de l'élevage du garçon dans un 21 ème siècle urbain et traversé par une myriade de courants ou d'événements, s'avère très bien vu et superbement écrit. On pourra le relire dans 20 ou 30 ans , et on aura un magnifique portrait de ce que sont ces néo-bourgeois parisiens des années 2010 qui roulent en scooter, courent le monde et lorgnent vers un véganisme total.
Cependant, et en voulant, à juste titre, faire un lien avec sa famille et notamment ses grands parents, il a inclus quelques chapitres comportant des extraits d'un journal tenu par un des ses grand-pères durant la guerre de 40 et les récits d'engagement de son autre aïeul durant la même période. Ici, l'humour contemporain fait place à un devoir de mémoire personnel et plus émouvant pour l'auteur que pour le lecteur. Les récits exhumés, assez factuels, même s'ils retracent des événements historiques, ont du mal à s'intégrer dans l'ensemble. Si Julien Blanc-Gras arrive à justifier ces passages en les reliant avec son journal, trace de sa vie pour son ( ses) descendant(s), le roman souffre un peu de ces tonalités un peu différentes. ( " Pour rendre hommage à celle de mes aïeux, je ne peux qu'offrir ce petit mausolée de papier, qui sera remis à la génération suivante.")
" Comme à la guerre", bien que très marqué parisien branché, reste agréable à lire, et décrit parfaitement son époque de l'intérieur. Julien Gras-Blanc a donc gagné son pari : offrir un journal que son enfant aura plaisir à relire dans des décennies... et sans doute d'autres lecteurs qui retrouveront l'esprit si particulier de ces années du début du 21ème siècle.
Il a été cité comme à recommander par un des participants du Masque et la plume dimanche, mais je ne pense pas le lire, comme tu dis trop parisien-branché
RépondreSupprimerOui, c'était Fredéric Beigbeder...
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