dimanche 13 janvier 2019

Sérotonine de Michel Houellebecq



La grosse artillerie médiatique, accompagnée par un tirage record ( 320 000 exemplaires + 50 000 au bout d'une semaine) continue de donner à penser que Michel Houellebecq trône au-dessus de tout le monde dans la littérature française. Auteur volontiers polémique à l'image loin des codes ambiants, quasi chacun de ses écrits ( sauf ses poèmes qu'il n'arrive pas à imposer), de ses rôles au cinéma ou ses interviews créent un émoi médiatique inégalé. La sortie de "Sérotonine" n'échappe pas à la règle. Chaque chapelle intellectuelle y va de sa dithyrambe ou de sa démolition en règle, sa parka ou ses déclarations offrant à n'en pas douter des prises tellement multiples que l'on peut ferrailler dur tous azimuts. Mais quand on est un lecteur lambda, loin de ces querelles intestines, que penser de ce nouvel opus ? En cinq questions, tentons d'y répondre...

Ca raconte quoi "Sérotonine" ? 

Scripto sensu, c'est l'histoire d'un homme d'aujourd'hui, Florent-Claude Labrouste, 46 ans, contractuel au ministère de l'agriculture qui se penche sur sa vie. Il a connu des femmes, est en train de se séparer de sa dernière conquête et la prise du "Captorix", un anxiolytique qui l'aide à supporter une dépression, le prive de libido. Il va se retourner sur son passé, tenter de retrouver certaines femmes de sa vie mais aussi un ami qu'il a connu durant sa période étudiante. Cette trame pas vraiment originale mais quelque part très "houellebecquienne" de part son alliage dépression/sexe, sera l'occasion pour l'auteur de poser son regard sur notre monde globalisé d'aujourd'hui et d'en tirer des conséquences forcément sombres.

Michel Houellebecq est-il réactionnaire ? 

Son apparition en couverture de " Valeurs Actuelles"  contribue à accentuer le doute. Le roman n'en donne pas vraiment la réponse car Michel Houellebecq, vraiment finaud, jongle merveilleusement avec la bien-pensance. En prenant un personnage qui est loin de lui ressembler ( plus jeune, plus viril, plus beau), il évite le double ( même si la force de son personnage d'écrivain continue à hanter l'esprit du lecteur) et se permet jouer avec le politiquement correct, d'asséner des pensées qui pourraient passer pour extrêmes, de faire tenir à son Florent-Claude des propos que l'on écrit rarement dans une littérature française bien proprette et bien calibrée. Et pourtant, grâce à son talent d'écrivain, tout passe parce que son regard acéré, balaie notre époque comme personne ne sait le faire.

Michel Houellebecq est-il visionnaire ? 

C'est son autre marque de fabrique ou tout du moins, celle qu'on lui prête énormément. Il est certain qu'il saisit admirablement l'air du temps, qu'il perçoit les mouvements d'une société de plus en plus pressurisée par un monde aux mains des financiers. Obligatoirement, son récit va résonner, mais aussi faire raisonner, tant la multitude de sujets, d'avis, qu'il arrive à glisser sont de possibles éléments pour la discussion et l'analyse. Cependant, il n'a sans doute rien d'un prophète même si sa capacité extrême à saisir les mouvements du monde peuvent bluffer le lecteur. Pour preuve, ce fabuleux passage, écrit bien avant les gilets jaunes mais qui y fait obligatoirement penser, sur une révolte d'agriculteurs ou comment le désespoir peut conduire à la violence, mais aussi être différemment interprétée selon l'endroit où l'on se place. Et même si la fin du roman pose un questionnement inquiétant sur l'avenir de l'homme dans un monde dominé par l'économie, parler de visionnaire pour Michel Houellebecq paraît un peu facile.

Michel Houellebecq est-il un obsédé sexuel ? 

Et alors ? Il a bien le droit ! Bien sûr, "Sérotonine"  débute dans un centre naturiste, puis par la rencontre de deux jeunes filles aux formes obsédantes, ... marques de fabrique de l'auteur, dont il semble jouer ici durant le premier tiers du roman, histoire de donner raison à ses détracteurs ( qui peut être ne seront pas allés plus loin dans le livre). On trouvera aussi une partouze, de la zoophilie, pour monter un cran au dessus de l'habitude. Ce que l'on peut lui reprocher, c'est cette façon régulière de mettre en avant un personnage masculin, certes mal dans sa peau, mais misogyne, avec une vision très utilitaire de la femme ( en gros, c'est une chaudasse avec trois trous). Mais ici aussi, ce n'est durant que le premier tiers, car par la suite le roman se révélera autrement moins grivois, autrement plus nuancé.

"Sérotine", est-ce un bon roman ? 

La réponse est : OUI, sans aucune hésitation. Qui de nos jours, en France, peut écrire un roman tourne-pages ( oui, on le dévore) autour de personnages tous plus dépressifs les uns que les autres, tout en restant mordant, drôle, intelligent, en le truffant de notations (im)pertinentes sur nos vies, en invitant constamment le lecteur à la réflexion ? Il n'y en a qu'un et c'est Michel Houellebecq ! Et rien que pour cela, on comprend son succès ( même hors de nos frontières, surtout en Allemagne même si l'on s'interroge sur la portée internationale de certaines saillies sur des personnages très français comme Laurent Baffie, la box SFR ou Yves Simon). 

2 commentaires:

  1. Tu me donnes envie de le ire, moi qui n'ai lu de cet auteur que les particules élémentaires...

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  2. en tant que femme, je n'arrive pas à passer outre sa misogynie ... être réduite à "3 trous" très peu pour moi

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