mardi 10 juillet 2018

Woman at war de Benedikt Erlingsson


Cette semaine, on nous a vanté le féminisme d'un film qui ne l'est pas, "Les Indestructibles 2" et sa super héroïne Elastigirl alors que sortait sur les écrans au même moment, un film autrement plus pêchu à défaut d'avoir un budget de bulldozer publicitaire et dont l'héroïne, Halla renvoie sa consœur de chez Pixar à ses minables travaux de force sans intérêt qu'elle mène durant deux heures.
Dans "Woman at war" , une islandaise à l'apparence banale, chef d'une chorale, mène un combat autrement plus politique que sa voisine US contre l'industrie de l'aluminium qui pollue les terres et les paysages de son île. Avec pour seules armes, de bonnes chaussures de randonnée, un sac à dos, un arc et une énorme détermination doublée d'une grande dose de malice, elle combat des lignes à haute tension, des drones, la CIA et un consortium chinois le tout, sans collant ni cape mais avec un bon pull nordique 100% pure laine. En plus de cette simplicité de mise ( mais originale pour la super héroïne qu'elle est) et d'un âge inédit pour mener un tel combat ( du moins dans l'imagination habituelle des scénaristes, une femme à la quarantaine bien entamée est généralement reléguée, quand on veut bien la faire exister,  aux affres du vieillissement), le film se permet le luxe de coller à son récit qui jamais ne faiblit, un parti-pris de mise en scène assez inédit et plutôt gonflé. Je vous laisse juste découvrir comment est intégrée la musique de ce long-métrage...
Même si la situation, comme tout film avec une super héroïne peu apparaître un poil invraisemblable, "Woman at war" fait aisément oublier ces quelques facilités pour entraîner le spectateur par la magie d'un montage qui ne laisse aucun moment de répit, par la beauté des paysages rudes et sauvages islandais ( et permettent au réalisateur quelques plans qui rappellent combien cette nature est belle mais fragile) et par cette volonté de titiller notre esprit de rébellion. On ressort de ce film d'aventures bien plus enthousiaste que de n'importe quelle production calibrée,  formatée et bourré d'effets spéciaux qui n'intéressent plus que les bouffeurs de pop corn, parce qu'il joue avec notre conscience écologique et notre envie de divertissement.
Cela quelques mois que nous voyons sur nos écrans des films originaires du nord de l'Europe, dont chacun possède une vision bien plus originale, tant au niveau scénario que mise en scène,  que la majorité des productions habituelles ( "Winter Brothers", "The rules of everythings", voire " The square", ...) . " Woman at war", sans doute un peu plus facile d'accès, possède aussi toutes ses qualités. Il devrait, si les spectateurs font un petit effort de curiosité, rencontrer un petit succès public et prouver ainsi que vraiment, il faut être de plus en plus attentif à ces productions venant du froid...Et si le renouveau du cinéma venait de par là ?




vendredi 6 juillet 2018

Qui a tué mon père de Edouard Louis


On a beaucoup vu, lu, entendu Edouard Louis dans tous les médias qui font l'opinion. On a écouté son cri de rage, ses colères froides autour de 3 thèmes assez sympathiques ( l'influence de la politique sur le corps des masses laborieuses, la fabrication des pseudos mâles avec une masculinité exacerbée par la contrainte sociale et ses diatribes bienvenues contre Emmanuel Macron). Cela a donné des interviews plutôt passionnantes car sortant du cadre lénifiant ambiant et provoqué l'envie de se jeter dans le troisième ouvrage de ce jeune prodige en haut de l'affiche depuis maintenant 4 ans. " En finir avec Eddy Bellegueule" et " Histoire de la violence" ses deux précédents ouvrages avaient une certaine force même s'ils laissaient un certain malaise s'installer ( Sincérité fabriquée ? Posture ? ).
Et donc j'ai lu " Qui a tué mon père".... J'en suis encore tout retourné ne comprenant pas toutes ces dithyrambes pour ces quelques 85 pages de raccourcis et de propos de comptoir ! En refermant le livre, j'ai eu l'impression de lire un produit marketing parfumé au politique et à la pseudo pensée philosophique, mais surtout ultra light !
Si l'on analyse un petit peu le propos de ce texte paraît-il écrit pour le théâtre ( bon courage au comédien ...et aux spectateurs) et se divisant en trois parties, il y a trois idées.
La première est le portrait totalement réévalué du père d'Edouard Louis ( par rapport à Eddy Bellegueule), qui, soudainement passe du statut de gros beauf connard à un mâle fragile enfermé dans une masculinité qu'il ne voulait pas. Pour illustrer le propos, nous avons droit à quelques anecdotes un peu trop belles pour ne pas douter de leur véracité : papa pleure en cachette en regardant un opéra à la télévision, papa  aimait danser, ...  Si ce discours sur la masculinisation forcée des hommes ( valables pour les femmes aussi) reste évidemment réel et encore peu abordé, l'écriture platounette et accumulant quelques clichés amoindrissent le propos ( Eddy de Pretto avec sa chanson "Kid" est bien plus pertinent et percutant), surtout quand Edouard Louis conclue avec une équation très péremptoire :
Haine de l'homosexualité = Misère
Mouais, ça n'élève pas le niveau même si cela peut être vrai dans la couche sociale évoquée ( et encore...) mais c'est quand même oublier, entre autre,  cette bourgeoisie bon teint, loin d'être pauvre mais franchement  haineuse qui marchait contre le mariage pour tous.
Ensuite le texte s'emballe pour une idée très pertinente, très marquée " Bourdieu" sur les marques que laisse la politique sur les corps des travailleurs pauvres. L'idée est belle, totalement en phase avec les politiques libérales menées depuis longtemps, mais méritait un traitement bien plus approfondi que celle choisie par l'auteur et ne tournant qu'autour de son père. On reste sur notre faim même si la dernière partie lorgne vers une sorte de " J'accuse " ( en version très très light) nommant tous les hommes politiques français de Chirac à Macron qui, à cause de leurs lois infâmes ont marqué encore plus durement les corps. L'écriture prend de l'emphase, se gonfle un peu...mais façon gros melon, puisque fort de ses ouvrages traduits dans 30 pays, Edouard Louis écrit : " je veux qu'ils soient connus maintenant et pour toujours, partout, au Laos, en Sibérie et en Chine, au Congo, en Amérique, partout à travers les océans, à l'intérieur de tous les continents, au-delà de toutes les frontières." C'est beau cette ambition naïve, mais savait-on pas déjà que nos dirigeants n'avaient rien de bons samaritains répandant le bien pour les plus démunis ?
Ce livre aurait dû me galvaniser, surtout qu'il prône un appel à la révolution ...mais non, il m'a déprimé. Le tam-tam médiatique occasionné par ce petit texte pas écrit, peu étayé, laisse songeur. Sans doute, Edouard Louis, en vieillissant, réajuste-t-il le rôle de ses parents ( tout à fait humain ) mais en voulant donner à cela une portée politique, il sombre à nous produire  un objet totalement marketing, parfaitement dans l'air du temps ( un mélange de vitrine, de facilité et de clichés) et devient du coup à la politique et à la pensée ce qu'est Agnès Martin-Lugand à la Littérature.
Il vaut mieux lire ou écouter ses interviews, bien plus captivantes. Edouard Louis ne serait-il bon qu'à l'oral ? 

jeudi 5 juillet 2018

Les indestructibles 2 de Brad Bird


On va vite se calmer et signaler tout de suite que ces "Indestructibles 2" lancés à grand renfort de dithyrambes plutôt mathématiques ( meilleure recettes lors de sa sortie, meilleur premier jour de tous les temps, plus grosse vente de pop corn jamais réalisée en une journée, ... etc, etc, ...) ne sont en rien un chef d'oeuvre ni une suite particulièrement réussie.
La maison Pixar, entité plus ou moins indépendante de chez Disney, surfant sur la vogue des super héros et fleurant le bon coup marketing, s'est remis au travail pour produire une suite d'un gros succès de 2004 ( Les Indestructibles).  En voilà une bonne idée, pas besoin d'aller chercher quelques licences ailleurs !  La firme ressuscite donc  des héros maison qui dormaient gentiment depuis 14 ans. Si dans le passé Pixar avait produit des suites de génie ( on pense notamment au formidable Toy Story 3 ), force est de constater qu'ici on se retrouve devant un banal film de super héros, au scénario formaté et bien peu original ( des trains ou des bateaux supersoniques foncent follement dans ou sur une ville et vont l'anéantir...heureusement des super héros aux pouvoirs divers et variés vont les arrêter avec force feu, glace, étirements, ...) voire longuet et un peu bavard. ( Attention, les mouflets de moins de 8 ans risquent de vous casser les pieds lors des quelques longues scènes dialoguées et sans action). Bien sûr, les personnages des super héros sont sympas mais ici prennent toute la place au détriment des personnages secondaires qui faisaient le sel du premier volet ( le personnage de la nounou qui n'existe plus dans cette suite ou celui de la styliste Edna cantonnée ici à deux misérables scènes). Ils virevoltent dans tous les sens sans surprendre ( on a tellement vu de super héros de toutes sortes qu'il est dorénavant difficile d'innover). L'animation reste impeccable mais bien en-dessous au niveau créatif d'un Zootopie  ( 2016) ( qui reste quand même un sommet créatif visuellement et scénaristiquement).
Pour être dans le goût du jour, le service avant-vente Disney/Pixar, a également collé un label " FEMINISTE" sur le film. Là aussi, on va baisser d'un ton, car si c'est bien la maman Indestructible qui se retrouve sur le devant de la scène à faire tout le boulot, tout le scénario repose sur le cliché que l'homme à la maison ronge son frein et a du mal avec la garde des mômes. Donc le pauvre mari gère comme il peut, donc moyennement bien, les premières amours contrariées de sa fille ado ou les premiers pouvoirs de bébé. Si féminisme il y avait eu, il aurait pris un pied fou à sa paternité, mené parfaitement  sa tâche et ainsi permis aux scénaristes de se creuser un peu le cerveau pour nous servir une histoire drôle, moins convenue et vue 100 fois sur le papa dépassé par sa progéniture infernale.
Et ce n'est pas non plus le fait que le méchant soit une méchante qui rende l'ensemble plus féministe...surtout que techniquement, cette méchante n'est pas très réussie, son physique bizarrement anguleux semble avoir été conçu dans un autre studio ( et rappelle étrangement un personnage d'un film de Luc Besson quand il jouait avec la 3D).
Loin d'être la formidable suite annoncée, "Les indestructibles 2" reste un film d'animation honnête, peu surprenant, en gros une vraie machine à faire manger du pop corn à des spectateurs heureux de retrouver toujours les mêmes histoires formatées !


jeudi 28 juin 2018

Un couteau dans le coeur de Yann Gonzalez


"Un couteau dans le cœur" possède la panoplie complète des éléments indispensables à tout film français qui veut faire bander le critique branché. En premier lieu, il faut un relativement jeune réalisateur, déjà auteur de quelques courts-métrages remarqués et dont le premier long a marqué les esprits à défaut d'avoir trouvé un réel succès public. Ici Yann Gonzalez dont "Les rencontres d'après minuit", sorte de partouze au romantisme artificiel, avait à l'époque suffisamment intrigué pour que l'on soit à l'affût d'un second opus. Quand s'annonce ce nouveau long avec en tête d'affiche une star incontestée et incontestable comme Vanessa Paradis ( surement la caution bankable pour les producteurs), l'intérêt grandit. Quand le synopsis nous apprend que nous aurons droit aux amours tumultueuses et lesbiennes d'une productrice alcoolique spécialisée dans le porno gay, le monde du cinéma n'a plus besoin de viagra, le désir est là ! Les festivals tentent de programmer la chose mais c'est le prestigieux Cannes qui attrape le pompon et le place en sélection officielle.
Au milieu d'un festival un peu plan plan et en comptant désormais sur l'effet "cocorico" qui ne sévit pas qu'au foot, le film, nanti d'un semi-remorque de références cinéphiliques, trouve un écho certain dans la presse qui tresse vaille que vaille des louanges ayant toutefois un peu de mal à masquer le possible ratage de l'entreprise.
A l'arrivée que trouve-t-on ? Un film original, car étrange, hybride, mélange de polar onirique et de drame amoureux. Les deux thèmes, mal scénarisés, nous indiffèrent bien vite. Des images esthétisantes rappellent les balbutiements des premiers clips vidéos de chanteurs branchés dans les années 80 ( type Axel Bauer) ou des expérimentations qui nous renvoient à des univers plus radicaux. La musique hésite à singer la fin des années 70 même si l'on reconnaît à un moment l'intro des " Oiseaux de Thaïlande"  de Ringo ( Volontaire ? Involontaire? ). L'univers du porno gay se réduit à de ridicules scénettes, hésitant entre l'amour romantique entre jeunes garçons et pantalonnade grotesque genre Michou. Je préviens les bonnes âmes religieuses qui vont souvent voir en cachette ce genre de productions, on ne voit pas un sexe, à peine une fesse. La partie polar s'enfonce dans un onirisme rasoir dont surnage quand même l'apparition de la toujours subtile Romane Bohringer et se termine par une symbolique aussi légère que David Douillet portant toutes les pièces jaunes sur son dos et laisse le spectateur vaguement pensif. Dans ce gloubiboulga ( très années 70 non ? ) nagent deux comédiennes. L'une, Kate Moran, sans doute castée pour correspondre à l'image des mauvaises comédiennes  jouant dans les giallos ( films Z  italiens mêlant violence et érotisme) dont le film s'amuse à faire référence, ne risquait pas le prix d'interprétation, et l'autre, Vanessa Paradis, coiffure péroxydée, dialogues surécrits, arrive à n'être ni ridicule, ni décevante, signe qu'une vraie grande star se déjoue de tous les pièges.
Vous cherchiez peut être une alternative à la coupe du monde de foot ? Pas certain que "Un couteau dans le cœur" soit un bon plan...sauf à être vraiment attiré par les curiosités ( car c'en est vraiment une !) ou à être un inconditionnel de Vanessa. ( ou de Nicolas Maury...qui fait du Nicolas Maury).




lundi 25 juin 2018

Quinzaine des réalisateurs /Les jeunes années de Bruno Icher


Attention voici un essai pour les cinéphiles, les vrais... pas les fans d'un cinéma planplan conventionnel. Si " Les Tuche"  ou "Baby-Sitter" 1 et 2  font dresser de plaisir les poils de vos bras, passez votre chemin. Bruno Icher, l'auteur, s'adresse aux rats des ex ciné-clubs, aux aficionados de l'art et essai ainsi qu'aux habitués du festival de Cannes qui continuent de se ruer chaque année à LA fête de la Quinzaine ( mais aussi aux projos bien sûr, les veinards !). Gageons que quelques uns de ceux là, hormis le plaisir de se dandiner aux sons d'un DJ branché tout en mixant diverses substances, auront la curiosité de se plonger dans cet ouvrage relatant la naissance de cette fameuse section parallèle de Cannes : La quinzaine des Réalisateurs.
Issue de la mouvance contestataire naît avec mai 68 et qui avait débuté, pour le cinéma, avec la polémique du débarquement par André Malraux du fameux Henri Langlois de sa cinémathèque ( véritable dieu cinéphile vivant même si pas mal barré), cette quinzaine naîtra grâce au regroupement de réalisateurs désirant secouer un festival un peu trop guindé et aux sélections trop diplomatiques. Appelée pour sa première session " Cinéma en liberté", la quinzaine balbutiera joliment durant ce mois de mai 1969, projetant tout un tas de films venant de pays dont on n'imaginait même pas qu'il puisse y exister une quelconque parcelle d'industrie cinématographique. L'Asie, L'Afrique, L'Amérique du sud, les pays sous domination communiste, le Québec purent quasi pour la première fois accéder à un festival international. Dans cette effervescence post soixante huitarde, où toute une frange d'artisans et d'artistes divers du cinéma rêvaient d'internationalisme et de liberté absolue, les films de cette future quinzaine provoquèrent le choc escompté. Si les journalistes français patentés ont plutôt boudé cette naissance (contrairement à leurs confrères étrangers), les rencontres entre les divers réalisateurs(trices) furent fécondes. Un lieu inédit pour professionnels venait de se créer, permettant des échanges entre cinéastes  ( souvent dans le fameux Blue Bar), créant souvent en marge souvent  des jougs de l'industrie. Citons au hasard, Werner Herzog, Barbara Loden, Paul Morrisey, Ruy Guerra, Glauber Rocha, Ousmane Sembene, ...  Grâce à l'équipe passionnée de la Quinzaine et à son patron Pierre-Henri Deleau, le cinéma mondial fut mis en ébullition. La création devint, peut être pas plus intense, mais se voyait enfin offrir la possibilité d'être plus diffusée. Les années 70, pour ceux qui s'en souviennent, fut une période intense pour les cinéphiles ( tout du moins en France) où Paris ( et un peu en province) regorgeait de petites salles affichant des films singuliers, foutraques, libres...et du monde entier, où l'on créait autant de ciné-clubs qu'aujourd'hui d'équipes de foot.
La Quinzaine des Réalisateurs a dépoussiéré le vénérable et emperlousé festival de Cannes, permis la vision d'œuvres peu visibles et bouleversé pas mal l'industrie cinématographique. Si aujourd'hui, plus embourgeoisée sans doute et moins révolutionnaire, la Quinzaine continue à faire fonctionner avec talent ses têtes chercheuses ( on lui doit les découvertes de Chloé Zaho, Deniz Gamze Erguven ou Damien Chazelle ...oui celui de LaLaLand) ou à soutenir contre vents et marées des cinéastes comme Miguel Gomès ou Bruno Dumont, le présent ouvrage nous plonge vraiment dans cette folie créatrice d'une époque où l'on avait des idéaux à défendre. Essai sur des passionnés pour des passionnés mais  aussi pour les curieux, " Les jeunes années" de la Quinzaine regorge d'anecdotes et raconte très bien l'ébullition créative d'une époque bien révolue.

Merci au site BABELIO et aux éditions Riveneuve pour la découverte de ce livre. 

dimanche 24 juin 2018

Bécassine ! de Bruno Podalydès


Aussi incongrue que puisse apparaître cette nouvelle adaptation de Bécassine au cinéma, vieille BD que la légende et qu'une chanteuse/enfant des années 80  a rendu hautement désuette voire cruche patentée, force est de reconnaître que le film de Bruno Podalydès possède un charme certain, celui de la candeur enfantine.
Evidemment, pour des producteurs, miser quelques millions d'euros sur une héroïne bretonne d'un temps très ancien dont les derniers lecteurs sont heureusement encore vivants mais hélas peut être dans une EPAD sinistre, relève du défi. On peut se demander à qui s'adresse cette production. Je vois mal un jeune public gavé de produits 3D autrement plus funs, se ruer dans le sillage d'une jeune rosière en costume folklorique... Lors de la séance où j'ai visionné la chose, nous étions 6 spectateurs dans la salle...heureusement 8 cannes ou béquilles complétaient l'assistance.... Mais faisons fi ( comme dirait la marquise de Grand-Air délicieusement incarnée par Karin Viard) des calculs financiers qui relèvent parfois de lubies qui nous échappent et laissons nous porter par ce film franchement agréable à regarder.
Bruno Podalydès parvient avec bonne humeur à inscrire parfaitement sa naïve héroïne dans sa filmographie. On retrouve ainsi, en plus de sa bande d'acteurs habituels ( son frère Denis Podalydès, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté, Michel Vuillermoz, ...), sa joie absolue à filmer de mirobolantes inventions le rendant ainsi LE metteur en scène des bricolages de génie et surtout cette jouissance ludique de jongler avec la simplicité, ce plaisir de créer de simples moments merveilleux relevant de l'enfance jamais enfuie. Il tire sa Bécassine ( formidable Emeline Bayart ) dans son univers aussi inventif que foutraque, toujours emmailloté dans cette tendresse qui imprègne tous ses films. Cette fille aux allures simples, qui s'émerveille de tout, qui ne voit le mal nulle part, triomphera au final  grâce à sa prétendue crédulité, gommant ainsi son image trop surannée de bécasse patentée.
Et du coup, dans un monde assez malveillant, où l'enfance est confisquée de plus en plus tôt aux enfants par des parents attirés par les facilités d'un modernisme qui broie les esprits, "Bécassine!" le film, fait figure d'oasis de fraîcheur pimpante, amusante, ingénieuse, loin des premiers cordées. Assurément un joli film mais uniquement pour les adultes qui ont gardé une âme d'enfant. ( et n'écoutez pas ce collectif breton qui appelle au boycott, il n'a pas dû bien voir le film...)


lundi 18 juin 2018

Mon autre famille de Armistead Maupin


Maman a profité que Dad aille à son congrès annuel de la NRA au Texas pour inviter mon grand tonton Armistead. Je ne l'avais encore jamais rencontré mais j'en avais entendu parler, surtout au moment où mon grand frère Bobby a quitté la maison et que daddy lui criait " C'est ça ! Va rejoindre la Maupin à Tataland !". Moi, j'ai regardé dans le dictionnaire, je n'ai pas trouvé cette ville...
Maman n'en parlait pas trop de son oncle, mais comme il est célèbre avec ses romans " Les chroniques de San Francisco", elle avait quand même envie de le voir car la famille c'est sacré...
Il est gentil tonton Armistead, un peu rasoir parfois, mais gentil. Il nous a parlé de son enfance en Caroline du Nord. J'ai trouvé que son papa ressemblait au mien mais en plus méchant quand même. Comme mon papa, il n'aimait pas les noirs, ni les gais ( pourtant ça doit être rigolo, un gai...). Comme papa, il adorait aller à la messe, à la chasse et je suis sûr qu'il aurait voter Donald !
Là où j'ai été épaté c'est quand Tonton Armistead a dit qu'il avait fait la guerre !WOAW ! Ca avait l'air super la guerre, là où il était ! Il s'est bien marré, a passé son temps à se baigner, à se promener dans la jungle. Ca ressemblait à une colo le Viêt Nam ! Et pis, grâce à la guerre, hé ben il a rencontré le Président ! ( Nikon ...je crois... ou quelque chose comme ça !).
Après, tonton, il a été journaliste puis écrivain. Il n'arrêtait pas de dire à tout le monde qu'il était gai. C'était même un des seuls à l'époque... C'était fou quand même ce que les gens devaient être tristes quand tonton était jeune ! Et comme il était très très gai, hé ben, tout le monde le connaissait et il croisait plein de messieurs qui l'aimaient pour ça. Moi j'ai dit que j'allais faire pareil pour avoir plein de copains mais maman m'a dit d'arrêter de dire des bêtises et d'écouter tonton qui justement parlait d'un monsieur qui faisait du cinéma et qui avait un très très gros zizi. Maman a craché un peu de thé et a dit que de toutes les façons ce monsieur était mort à cause de cette maladie que Dieu avait envoyé pour punir les gais.... Quelle drôle d'idée il a ce Dieu d'être méchant avec des gens drôles, je crois que je ne vais plus que le prier en play-bac le  dimanche à l'église.
Il est gentil tonton Armistead, mais à la longue ses histoires ne sont quand même pas bien rigolotes. Parfois j'ai pas bien compris pourquoi il disait que quand on aimait chiner dans les brocantes ou être bronzé, c'est qu'on était gai. Daddy aime ça les brics à bracs et bronzer au bord de la piscine, mais moi, je ne le trouve pas toujours très drôle...
Une fois parti, j'ai discuté sur skype ( en cachette) avec mon frère Bobby et je lui ai raconté la visite de tonton. Il m'a dit : " Tu sais il a écrit ses souvenirs ...mais ses chroniques c'est ça vie et c'est beaucoup, beaucoup mieux !"
Mais comme j'ai encore un peu de mal avec la lecture pour me faire une idée, j'ai préféré regarder ( en cachette, car Dad dit que c'est pas bien pour les petits garçons) Bob l'éponge...J'ai trouvé ça gai !


samedi 16 juin 2018

Une fille comme elle de Marc Lévy


Parfois cité dans mes chroniques histoire de bien situer un roman évoqué, je l'avoue humblement, je n'avais en fait jamais lu une seule ligne de Marc Lévy qui pourtant publie annuellement avec une régularité de métronome depuis l'an 2000. Il était grand temps que je me plonge dans cette littérature qui se vend par millions d'exemplaires et de savoir enfin ce qui plaît tant ( ou que l'on arrive à faire lire et aimer ) à nos contemporains. Il y quelques semaines, j'avais testé une œuvrette de Mme Martin-Lugand... et il faut que je sois honnête, après cette expérience qui m'avait fait  côtoyer le vide, une plongée dans un roman du king de la détente absolue me tentait autant qu'un emploi et surtout le salaire d'une caissière pour le PDG de Carrefour.
"Une fille comme elle" se présente sous une jolie jaquette au lettrage gaufré d'un bel effet. La typographie large et aérée facilite la lecture et chaque chapitre débute par un joli dessin à la plume de Pauline Lévêque qui rend l'ouvrage vraiment sympa...à feuilleter. L'histoire quant à elle se résume ainsi : Chloé, comédienne cul de jatte rencontre Sanji, geek indien. Ils vont se croiser, se toiser, s'apprécier malgré quelques incompréhensions et finalement s'aimer. Oui, je sais, "cul de jatte" vous irrite l'œil... Marc Lévy ne l'emploie jamais mais comment appeler quelqu'un que l'on à qui on a amputé les deux jambes ? Assurément cette romance, franchement incongrue dans l'univers du roman sentimental, relève du défi. Il faut bien l'avouer, l'auteur s'en sort rudement bien, arrivant à faire exister joliment cette jeune femme handicapée sans l'ombre d'un regard condescendant, ni même faussement militant, posant sur elle juste de la normalité et de l'humanité et glissant subrepticement quelques remarques bien senties sur nos réactions idiotes ou blessantes en présence de personnes en fauteuil roulant. Face à cette jeune femme que l'on sait évidemment " resplendissante" , Marc Lévy écorne un peu plus le schéma classique du roman sentimental, en lui offrant comme objet de désir un indien ( d'Inde). On joue sur la mixité mais rassurez-vous Sanji ressemble à un mannequin et jouit d'un compte en banque à faire pâlir les enfants Bolloré ! ( C'est dingue, dans les romans populaires, les mecs magnifiques et à carte Platinum vivent seuls et attendent comme des rosières le grand amour romantique).
Nous retombons donc malgré ces détours sur la romance bien calibrée et nous allons pouvoir, avec les deux jeunes héros et leurs acolytes, sauter les obstacles qu'immanquablement on aura poser sur leur route. Dans le cadre d'un bel immeuble New-yorkais avec entrée en marbre et ascenseur non automatique ( avec liftier), les futurs amoureux devront vaincre le modernisme inéluctable, les traditions familiales et quelques coups du sort. Si le roman se lit sans trop de déplaisir, le dernier quart s'enlise pas mal avec une pseudo intrigue policière très mal ficelée. Franchement Marc, un peu plus de temps et de réflexion aurait été nécessaires. Pensez à vos lecteurs qui pourraient vous quitter un poil déçus et du coup peut être snober votre prochain ouvrage.
Au final, "Une fille comme elle" , dans son genre, reste tout à fait honnête. Marc Lévy sait planter, un décor, y placer des personnages un peu décalés,  trousser quelques dialogues sympas et même délivrer quelques messages. J'ai connu de bien pires romans... Et même si la fin déçoit, je peux tout à fait comprendre l'engouement des lecteurs. Marc Lévy est un conteur simple et bienveillant. Pas de quoi se moquer, ni crier au scandale...ni au génie non plus...

jeudi 14 juin 2018

Le sexe du ministre d'Olivier Bordaçarre


Avec un titre pareil, la facilité serait d'imaginer un récit gaillard mettant en scène un ministre  occupant le moindre quart d'heure de temps libre à réviser le kamasutra dans quelques alcôves dorées d'un palais que notre République met à la disposition de nos gouvernants. Les friands de littérature leste bavent déjà d'envie, les aficionados de la chose ...politique augurent d'un récit à tiroirs, où l'on reconnaîtra peut être, entre les lignes, quelques politiciens connus.
Si je ne peux affirmer qu'Olivier Bordaçarre a totalement inventé son personnage principal, je peux, par contre d'ors et déjà calmer les amateurs de gaudrioles. Ils ne trouveront pas une compilation de scènes chaudes dans ce roman qui ressemble plus à un conte moderne dont l'inspiration n'est pas à chercher du côté de chez Emmanuelle Arsan mais plus chez Gogol ou Kafka.
A l'annonce de ces deux noms célèbres, nul doute que les lecteurs de " Mais qui soulève donc l'édredon? " ont fuit mais que les curieux et peut être les amateurs de fantastiques, sont prêts à tenter l'aventure. En lâchant trop vite le mot " fantastique", peut être que certains pragmatiques froncent les sourcils et détournent le regard d'un roman que je qualifierai quand même de jouissif.
Avec une plume franchement malicieuse, grinçante, ironique, Olivier Bordaçarre brosse le portrait particulièrement haut en couleurs d'un politicien de gauche encore plus arriviste que .... là on peut mettre une quantité de noms qui se bousculent au portillon. La cinquantaine bedonnante, le cheveu artistiquement entretenu, ministre de la santé et donc idéalement placé dans  les starting-blocks pour devenir président de la République ( l'ambition de toute sa vie), Claude Phalène, sautant avec la même aisance d'un plateau télé au lit de sa sculpturale maîtresse comédienne de deuxième zone, jouit de cette certitude que sa route est toute tracée et le mènera sans GPS vers le saint Graal élyséen. Sauf que, malgré une armada de technocrates dévoués à sa cause, le destin se montrera plus capricieux voire franchement malin.
Pour des raisons de confort de votre future lecture, je ne dévoilerai rien de l'intrigue, totalement barrée mais ô combien réjouissante. Il faudra vous laisser porter par un récit qui mélangera avec talent le décapage de nos mœurs politiciennes et le verbiage ad hoc avec une très très originale situation personnelle de ce pauvre homme malmené par des événements qui le dépassent complètement. Rater ce roman très réussi serait une faute de goût. L'humour y est roi, l'écriture soignée et malicieuse, le sens du récit parfait. De la première à la dernière ligne on ne le lâche pas et, pour vous appâter un peu plus ...oui il y est question de sexe... Mais je n'en dis pas plus, à vous de découvrir quel sens donner au mot... 

dimanche 10 juin 2018

Trois visages de Jafar Panahi


Difficile de regarder un film de Jafar Panahi sans penser évidemment à son état d'assigné à résidence et à son interdiction de filmer. On imagine bien que dans de telles conditions, la ruse et le camouflage doivent entrer en ligne de compte lors de la réalisation voire de l'élaboration du scénario. Alors que l'on pourrait penser que tourner en intérieur serait vraiment plus discret, c'est en pleine cambrousse iranienne  que nous transporte le réalisateur et franchement. Exit les insupportables bourgeois à l'iphone greffé à l'oreille de "Taxi Téhéran" ( il ne reste ici que les deux acteurs principaux à la teinture parfaite, jouant leur propre rôle de cinéaste et de comédienne populaire ) et bonjour à une population rurale confite dans la tradition. Le réalisateur et coscénariste nous convie donc à un voyage au cœur de son pays qu'il regarde avec une certaine tendresse mais aussi avec une certaine ironie. Evidemment, on se doutait bien que les fins fonds de l'Iran ne regorgeaient pas de campings naturistes. Donc le patriarcat entretenu par la religion, les croyances autour de la virilité ou la place de la femme ( qui compte moins qu'une vache) constituent un des angles de ce voyage prétexte, l'autre étant un constat en filigrane autour du cinéma iranien et de la création en général.
Le propos, hautement recevable, emprunte les chemins ( je devrai dire les routes étroites et sinueuses) du maître Abbas Kiarostami dont " Trois visages" s'avère un joli hommage. Cependant, et malgré quelques scènes drôles ou bien vues, l'ensemble pâtit d'un scénario pas bien ambitieux ni particulièrement original.... Quoi ?!! ...Mais il a justement eu le prix du scénario à Cannes !!! Je répondrai que c'est une façon de soutenir depuis la Riviéra un confrère entravé. On ne pouvait lui donner autre chose, ni prix d'interprétation, ni palme, ni grand prix ( nous sommes loin du chef d'œuvre), ni prix de la mise en scène ( pas franchement inspirée ). Il ne restait que le scénario... ( et tant pis si d'autres films le méritaient plus !) .
Souffrant de quelques longueurs et d'une mise en scène platounette ( mais peut être induite par l'état d'urgence et de clandestinité du tournage), "Trois visages" nous donne quelques nouvelles de l'Iran ( comme on dit dans les festivals et permet ainsi au monde du cinéma de faire la fête en bonne conscience), nouvelles qui n'indiquent en rien une possible amélioration. Ce constat, même un peu bancal, arrive toutefois à capter notre attention car amer, lucide et empreint d'une douce malice.



samedi 9 juin 2018

Volontaire d'Hélène Fillières



On peut être comme Josiane Balasko campant la mère de l'héroïne du deuxième film d'Hélène Fillères, un peu rétif à l'armée et par extension à s'embarquer en salle devant une histoire d'apprentissage de la vie au sein d'une école d'officiers de la marine ( un reste des années d'après 1968 ? ). L'ordre, la discipline, la camaraderie, l'effort, tout un éventail de valeurs qui semblent resurgir par-ci par-là au cinéma, en littérature comme pour interroger sur une époque qui se cherche, irriguent le film mais accompagnées d'un vague regard autour de la féminité. Malgré tout, rien de nouveau dans "Volontaire" , film un poil militariste. Même écrit et mis en scène par une femme, il emprunte les voies ultra balisées et assez habituelles d'un personnage principal, qui malgré l'adversité ( ici sa famille, son physique frêle et un chef dur mais ambiguë ), triomphera de tout. Et ce n'est pas la touche féministe qui  rendra l'ensemble plus intéressant, ni même les rapports tendus et que l'on essaie de rendre troubles entre le commandant et la jeune aspirante.  Tout roule banalement dans un univers qui hésite entre le clip vachement mignon pour école militaire sévère mais juste et le film psychologique ( assez raté). Lambert Wilson, le regard dur, soupire mécaniquement, regarde l'horizon avec fermeté et en rajoute pas mal dans le genre psycho rigide mais, malgré tout, on pressent très vite qu'il ne se passera rien ( non, nous ne sommes pas dans "Portier de nuit", ni dans "GI Jane " et encore moins dans " Les bidasses en folie", on a les références qu'on peut!).  On se dit qu'il porte bien le costume de commandant ( même si à son âge, les vrais sont tous en retraite ) et on  comprend le trouble de l'héroïne. Alors, on pourrait prendre son mal en patience, admirer le rectiligne qu'induit cet univers dans la mise en scène et attendre gentiment et sagement que la fragile jeune fille ait fait ses preuves...Sauf que... Oui, il y a un sauf ... un élément qui rend ce film visible et peut être moins anodin qu'il y paraît: sa comédienne principale Diane Rouxel. Il est évident que pour elle, il y aura un avant et un après "Volontaire". Certes on avait apprécié sa prestation dans "La tête haute" d'Emmanuelle Bercot mais aussi dans "Les garçons sauvages" de Bertrand Mandico ( bien moins identifiable puisque jouant un garçon), mais là, au naturel, elle explose littéralement! Belle, vraiment très belle, sensible, juste, déterminée, elle irradie le film de sa présence et le sauve du néant.
A défaut d'une officier de la marine qui luttera vaillamment pour notre pays nous découvrons une future star du cinéma français et donc la seule bonne raison pour foncer enfiler ses rangers et son treillis et voir ce "Volontaire" par ailleurs bien fade.


mardi 5 juin 2018

Que ferais-tu ? Guido Van Guenechten


Et encore un album pour enfant sur la différence ! Un ! A une époque où les discours se gorgent des mots "tolérance" ou "bienveillance"  pour masquer une réalité bien plus sombre et bien plus dure, ne faisons pas les difficiles, un album de plus sur le thème ne peut pas faire de mal.
Celui-ci, écrit et illustré par GuidoVan Genechten, que les plus petits connaissent  pour les mignonnes aventures de "Petit poisson blanc", s'adresse à un public un peu plus grand, disons à partir de 4 ans, un âge où les messages peuvent atteindre sinon leur but mais un certain degré de compréhension.
Le point de départ peut paraître étrange puisqu'un petit garçon se réveille avec des bois de cerf sur la tête. Rarissime en effet et donc possiblement ouvert à de multiples interprétations et interrogations.
Pour ce qui est du questionnement, et c'est la grande originalité de cet album, le texte se compose quasi uniquement de questions. On s'adresse directement à l'enfant. "Que ferais-tu si tu te réveillais en pleine nuit avec des bois sur la tête ? ". L'illustration simple et douce invite à la réflexion sans induire une réponse ... De ce petit problème qui va rendre l'enfant différent, on va creuser un peu, questionner les sentiments qui en découlent, la colère, la honte, puis éliminer les quelques solutions qui lui permettrait de redevenir comme avant avec notamment l'impuissance de la médecine... Derrière ces images aux apparences rassurantes se créent soudain  un petit sentiment d'angoisse, heureusement rapidement écarté car, bien évident la deuxième partie de l'album va permettre l'accoutumance. Ok, j'ai des bois...Et si j'en tirai le meilleur parti ?
L'histoire va devenir un peu plus drôle, l'humour permet de vivre mieux, c'est bien connu. Et toujours sous forme de questions, l'album va tenter d'amener le jeune lecteur, doucement, vers l'acceptation de cette différence. Je dis " tenter" car la dernière illustration va reposer la question de départ, en insistant un peu plus, peut être pour sentir s'il y a un début de cheminement intérieur après la lecture, mais plus sûrement parce que l'auteur sait bien que l'idée des différences qui enrichissent le monde relève parfois plus du joli concept que de la réalité.
"Que ferais-tu ?" , joli album bien plus finaud que l'on croit, sait parfaitement parler aux enfants autour d'un thème important et leur apprendra en plus,  par imprégnation, à bien inverser sujet et verbe lorsqu'ils poseront des questions.  

Merci au site BABELIO et aux éditions Samir pour la découverte de cet album !

lundi 4 juin 2018

A Juliette de Fabienne Le Clauze


"A Juliette" est le journal d'une mère dont la fille s'est suicidée à 14 ans.
Que rajouter sur cette terrible épreuve de la vie ? A priori rien. On lit...
Sauf que ce récit va rencontrer des lecteurs qui, pour certains, chercheront une voix en rapport avec les épreuves qu'ils traversent, d'autres un peu par hasard. Evidemment, le lecteur compatira, suivra cette mère passant de l'incompréhension à l'effroi, se débattant dans les filets noirs du deuil et de la lente reconstruction. Mais ce lecteur va se poser inévitablement des questions, essayer de comprendre ce geste qui défie la raison.
Le texte, nullement littéraire ( sur le même thème, il vaudra mieux  se plonger dans le formidable roman de Sophie Daull "Camille mon envolée"  ), se présente comme le récit brut sur plus d'une année de ce deuil si difficile à faire. Le ton adopté, nullement pleurnichard, tombe par contre facilement dans le rose bonbon, peuplant le récit que de gens bons, généreux, attentionnés, formidables, présents, chaleureux, ...
Et soudain, quasi dès les premières pages, derrière ce malheur, apparaît en filigrane une autre triste histoire, parfaite illustration de la chanson "Foule sentimentale"  d'Alain Souchon ( 1995).
"Oh là, là , la vie en rose
La vie qu'on nous propose
Des quantités de choses
qui donnent envie d'autre chose..."
Oui, Juliette, 14 ans, s'est jetée sous un train. Ses parents, aisés et aimants, répondant à la perfection aux injonctions sociétales du moment, semblaient avoir tout bon depuis le début : Psychologue dès les 3 ans pour éradiquer les moindres petits problèmes, mise en évidence d'un très fort potentiel intellectuel ( il a suffi à un psy de voir une photo de Juliette pour repérer un QI hors norme), puis scolarité dans un collège privé ( payer, consommer pour la réussite et un futur réseau), piano, gymnastique, cours particuliers de math, vêtements de marque, Iphone à 12/13 ans, voyages, ...
" Le rose qu'on nous propose
D'avoir des quantités de choses
Qui donnent envie d'autres choses..."
Et puis une maman présente, aimante, bichonnante, plateau du petit déjeuner apporté au lit, chouettes SMS de Juliette depuis sa chambre pour qu'on vienne lui donner un bisou avant de s'endormir, ...
"Aïe, on nous fait croire
Que le bonheur c'est d'avoir,
De l'avoir plein nos armoires
Dérisions de nous dérisoires
Car..."
...Oui, Juliette était sentimentale, follement sentimentale, jusqu'à en mourir...
"Foule sentimentale
On a soif d'idéal
Attirée par les étoiles, les voiles, 
Que des choses pas commerciales..."
Malgré tout ce bonheur apparent, la vie lui était insupportable. Soudain, dans cette jeune fille aussi belle qu'intelligente, surgit le poids de ce que nous impose insidieusement nos sociétés occidentales depuis des années.
"Il se dégage 
De ces cartons d'emballage
Des gens lavés, hors d'usage..."
Juliette, inconsciemment, rejetait ce monde factice, médiocre, commercial, qui est désormais à l'intérieur de chacun de nous puisqu'il arrive même à s'insinuer dans les textes écrits et lus à l'église lors de ses obsèques, qui parleront d'Iphone, de connexion WIFI, ...
"On nous Claudia Schieffer
On nous Paul-Loup Sulitzer"
Pour ce témoignage, on changera les paroles et on chantera :
" On nous Patrick Poivre D'Arvor"
Oui, l'ancien présentateur TV, en plus d'une petite préface, hante le livre. Le soir de la mort de sa fille, l'auteure a écrit un petit mail à la star. Elle ne le connaissait pas, mais se souvenait qu'il avait vécu un malheur similaire. Une correspondance suivie en découlera...
On peut me sentir un brin circonspect face à ce témoignage, surtout par rapport à un texte encombré de cette guimauve narrative très contemporaine. Mais le récit, parce que sans trop de filtres, laisse apparaître en filigrane le portrait éclairant d'une famille d'aujourd'hui.
Et puis, il y a Juliette qui est au centre de l'ouvrage. Comment ne pas avoir une pensée pour elle, innocente victime de nos sociétés de vitrines et de bonheur standardisé ?