mercredi 25 avril 2012

Deuxième génération de Michel Kichka


Une BD sur la shoah, le souvenir de l'holocauste, les camps, Auschwitz, Buchenwald, ça vous dit ? Oh, non, encore une, non merci,  me direz-vous. Eh bien vous auriez tort de faire la fine bouche, car celle-ci est tout simplement formidable. 
Si vous observez la couverture, en noir et blanc, un camp de concentration en fond, vous apercevez tout de même le petit personnage en costume, marchant sur un calot de sinistre mémoire. C'est ce petit bonhomme qui fait toute la différence entre une habituelle évocation de la shoah et ce roman graphique qui restera dans votre bibliothèque. Ce personnage, avec son carton à dessins sous le bras, c'est l'auteur, Michel Kichka, né en Belgique et vivant dorénavant en Israël. Lui, il est né après guerre. Son père rescapé des camps l'a élevé, ainsi que ses frères et soeur, dans l'ombre de la shoah. L'ombre seulement, car, papa est un taiseux. Il ne raconte jamais les camps, les horreurs qu'il a vécu, les souffrances endurées, ni même sa judéité. Le jeune Michel ne peut qu'imaginer, fantasmer, recréer par rapport aux informations qu'il récolte. C'est le thème des deux premières parties de ce roman graphique qui en compte 4 plus un épilogue. C'est à la fois drôle, émouvant, porté par un dessin, proche de celui de Gotlib, qui donne à ces souvenirs une coloration inédite et particulièrement sincère. 
Les deux dernières parties, tout en gardant la même veine humoristique et graphique, ont un ton plus psychologique. Après le suicide de son jeune frère, l'auteur va s'intéresser de plus près à ce passé si lourd quand son père va s'en libérer en accompagnant des écoles à Auschwitz, contant aux jeunes par le détail les abominables années d'emprisonnement. Les rapports restent distants tout de même, le fils refusant d'accompagner le père lors de ses voyages ou de lire son livre de souvenirs. Se pose alors à Michel Kichka la question de cet oppressant passé qui s'immisce perpétuellement dans sa vie quotidienne. Qu'en faire ? Comment s'en libérer ? Comment vivre avec ?
Le résultat est ce superbe album. Inventif par sa mise en page, se permettant de jouer avec pertinence avec la grandeur des cases, il donne ainsi une parfaite illustration de ses souvenirs et une distance toujours juste. 
C'est un régal pour les yeux et pour l'esprit. C'est vif, mordant, un peu décalé jamais ennuyeux ou tire -larme même si l'émotion est constamment présente au détour d'un dessin, d'un détail parfois, d'une phrase. En fait c'est du grand art. Le sujet était casse gueule mais Michel Kichka, en créateur de génie, nous offre un album intelligent sur cette deuxième génération partagée entre oubli et devoir de mémoire.
A lire absolument !

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