Que serait le roman français contemporain sans la figure de la mère ? Quel(le) écrivain(e)n'a pas écrit sur celle qui donna lui donna la vie, souvent pas mal de névroses ( remarque applicable au père s'il y a, bien entendu) et donc le terreau nécessaire pour stimuler l'inspiration littéraire ? Quel(e) auteur(e) n'a pas eu une maman toxique, trop aimante, hystérique, diabolique, incestueuse, ... ? Combien lisons-nous par an de ces portraits revanchards ou amoureux dédiés à celles qui nous ont donné le sein, le biberon ou rien du tout ? "Trop !" diront certains.
Cependant, régulièrement, sont offerts à notre curiosité des romans montrant l'inépuisabilité de ce thème si banal. " Fugitive parce que reine " rejoint les rangs bien fournis de ce genre mais dès les premières lignes accroche le lecteur, signe que l'on peut encore surprendre. Il faut dire qu'ici la mère est bien gratinée. En plus d'être très belle femme, elle cumule quelques particularités qui rendent la vie auprès d'elle moins anodine que chez le voisin. Oubliez le train-train habituel de la famille papa/maman/enfants/déjeuner/dîner/coucher et (surprise!) vacances à La Baule ! Catherine ( c'est son prénom) possède le caractère bien trempé de celles pour qui la vie se dévore. Egocentrique, nymphomane, vulgaire, neurasthénique, cyclothymique, névrosée, kleptomane, alcoolique, dépensière, ultra aimante, ... et j'en passe, toute une panoplie de défauts qui rendent aux yeux des enfants extérieurs le personnage tellement plus sympa que la mère en serre-tête penchée sur les devoirs du soir et surveillant d'un œil la pizza qui dégèle et de l'autre un texto d'Hervé ( chut...c'est l'amant du moment).
La première partie du livre, compilation de faits bruts arrivés durant l'enfance de l'auteure, séduit d'emblée par une écriture maîtrisée qui sait magnifier ce flot narratif sans réelle temporalité. Le portrait qui se dessine, sans concession, surprend, étonne, passionne. Et dès que le lecteur commence à se dire : " Ca va être comme cela jusqu'à la fin ? Ca va finir par me lasser...", hop, la première partie se termine pour embrayer sur une partie plus classique, façon biographie sur cette cette femme vraiment peu ordinaire. Le rythme rapide emprunté fait que les pages se tournent sans que l'on s'en aperçoive. On commence à sentir poindre le souffle de l'excuse, le parcours sinueux amenant la compréhension et nous donne à ressentir l'amour de ces filles pour cette mère qui, bien qu'ayant contracté un mariage dans la grande bourgeoisie parisienne, n'a pas eu un vie si facile.
Le livre se conclura par une troisième partie plus lacrymale, sur le vide de son absence qu'il faudra que l'auteure affronte désormais.
On referme ce roman intrigué, assez abasourdi par ce récit. Cette plongée à l'intérieur d'une grande bourgeoisie déjantée, bien réelle ( on peut en retrouver la traçabilité sur le net, aucun nom n'ayant été changé) suinte d'amour malgré un portrait sans concession.
Encore une fois, on s'aperçoit que malgré la banalité du sujet, il existe toujours des auteurs pour le colorer de façon originale et prenante. La belle écriture inspirée de Violaine Huisman nous prouve que le thème de la mère est décidément inépuisable ...et continuera à nous passionner jusqu'à la nuit des temps ( sauf si les progrès de la société libérale dirige l'élevage de nos futurs enfants sur un modèle batterie).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire