vendredi 11 mai 2018

Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré



Un film de Christophe Honoré, pour moi, c'est toujours avec une grande envie que j'y fonce, "Les chansons d'amour" restant sans doute un des dix films que j'emporterai sur une île déserte. Même dans ses expériences les plus radicales ( "L'homme au bain" , " Métamorphoses" ), on trouve dans son cinéma des moments de grâce qui font de lui un réalisateur que l'on a plaisir à retrouver.
Sélectionné en compétition à Cannes, le film arrive sur les écrans accompagné d'un char de louanges difficiles à éviter. Christophe Honoré, dont le travail parfois bien décrié, semble soudain faire l' unanimité.  Réalité ? Marketing ? Effet supporter ? ( Cannes c'est une compétition au même titre que le foot ou l'Eurovision, on supporte avec une ferveur aveugle son équipe ...) Peut être bien, mais avouons que quand on aligne un film possédant d'évidentes qualités, autant le soutenir à plein . Ce n'est pas tous les jours que nous sommes face à un long-métrage au scénario très écrit, avec des dialogues de haute tenue, aussi bien dans des moments de comédie pure que dans le drame, des plans magnifiques qui attrapent l'œil, un fond historique inattaquable et une jolie réflexion sur le sentiment amoureux confronté au temps qui passe. Tout ceci, plus une interprétation exceptionnelle de la plupart des acteurs ( surtout un ) font qu'évidemment "Plaire, aimer et courir vite" se hisse sans problème au-dessus de la production hexagonale habituelle ( et ceci sans le soutien de Canal + , ce qui lui offre auprès de la profession un petit côté dissident apprécié).
Cependant, cette machine aux apparences hyper bien huilées, possède quelques petits grains de sable qui coincent un peu son déroulement.
Premier grain : Vincent Lacoste. ce n'est pas qu'il soit mauvais, loin de là, surtout que le réalisateur lui a réservé pas de mal de scènes de comédie où il excelle, mais jamais je n'ai pu l'envisager en amoureux de mecs. Il le joue, pas trop mal, mais jamais il ne l'incarne. Du coup, la matière première du film, c'est à dire l'histoire d'amour, en prend cinématographiquement un coup, surtout que face à lui, Pierre Deladonchamps n'est pas que juste, il est extraordinaire ! Quelle présence ! Quelle voix aussi, qui jouit littéralement des mots que Christophe Honoré lui met en bouche et qui, par une seule inflexion, même dans scènes hors champ, amène émotion et intensité.
Deuxième grain : le déséquilibre narratif entre les deux personnages principaux , l'un peuplé de personnes secondaires importants et forts  ( chez Jacques, joué par Pierre Deladonchamps : l'ex amant, le fils, la mère de ce fils,...) qui offrent des pistes narratives, un peu survolées, mais qui attisent l'intérêt et l'autre ( Vincent Lacoste, le jeune étudiant)  narrant des amitiés de facs plus convenues même si empreintes d'une jolie nostalgie, mais un peu longuettes sur la fin.
Cette jolie fresque intimiste d'une histoire d'amour gay au temps du sida n'atteint pas tout à fait son objectif, coincée peut être entre un désir autobiographique évident, une envie de rendre hommage à des anciens qui ont compté et qui peuplent le film avec une multiplicité de références un poil lourdaudes et un discours très bien vu sur le désordre amoureux.
Malgré ces bémols , "Plaire, aimer et courir vite" reste un bon film que l'on ira voir pour le fabuleuse interprétation de Pierre Deladonchamps ( futur prix d'interprétation ? ), une formidable bande musicale et quand même cette façon bien particulière de parler de l'amour, thème universel que Christophe Honoré continue à creuser avec sincérité.


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