samedi 7 juillet 2012
Dieu surfe au Pays basque d'Harold Cobert
Le projet d'écrire un roman autour de la fausse couche précoce vue par un homme est intriguant. L'intituler "Dieu surfe au Pays basque" révèle un sens aigu du titre accrocheur. Avec ces deux ingrédients majeurs, on peut penser que le livre s'arrachera grâce à un bon bouche à oreille.
C'est vrai, il est un peu question de Dieu dans cette histoire, mais, rassurez-vous, pas assez pour figurer au rayon religion. Le narrateur, marqué par une éducation chez les jésuites, s'adresse à lui au cours du livre et s'il l'insulte copieusement, c'est pour mieux le retrouver vers la fin, un cierge à la main. Rien de plus normal puisque les protagonistes de ce roman sont tous issus de familles bourgeoises forcément bien pensantes. Tout ce beau monde surfe allègrement dans les vagues de l'Atlantique et s'endort douillettement dans une de ces villas basquaises au charme suranné.
Le narrateur, fort bien né donc, a un regard assez condescendant, voire méprisant sur le menu peuple qu'il croise dans la rue ou dans l'hôpital qu'il va être amené à fréquenter. Car, malgré cette aisance innée, notre narrateur va être confronté à un événement imprévu. La grossesse de sa compagne s'interrompra brutalement dès les premières semaines, la condamnant à une fausse couche médicalisée.
Cet événement tragique pour le couple est raconté en alternance avec leur rencontre à Biarritz. Cette mise en miroir de l'histoire d'amour et de l'histoire de la mort prématurée du foetus, fonctionne bien même si la partie tragique est plus prenante que la partie romantique, un peu mièvre. Le lecteur passe ainsi de la plage du Miramar où les deux amoureux s'embrassent passionnément (Chabadabada...) à l'annonce d'un curetage express...
Le chemin de croix de la fausse couche est admirablement et minutieusement décrit. Le héros allant de la compassion à la colère, toujours formidablement amoureux de sa compagne, arrive à arracher notre sympathie. Je dis "arracher" car, j'avoue avoir eu du mal à supporter son caractère supérieur, amplifié par une écriture alerte mais un peu pédante à l'humour que j'espère ironique.
"Dieu surfe au Pays basque" se lit toutefois avec plaisir et attention. Saluons donc un auteur mâle qui ose s'attaquer à un sujet rarement abordé par ses confrères et pas du tout vendeur mais qui concerne nombre de couples et de femmes qui affrontent souvent cette épreuve dans le silence et le désarroi. Rien que pour cela, on peut se plonger et surfer dans ce roman.
PS : Les réactions étant nombreuses autour de ce billet, vous pouvez également lire des extraits de romans récents qui ont évoqué ce grave sujet. C'est ICI
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"Un sujet rarement utilisé par ses confrères" : je m'interroge sur le sens "d'utiliser" un sujet, surtout en littérature. Merci pour votre blog, que je mets dans mes favoris !
RépondreSupprimerBonjour
SupprimerTout à fait d'accord avec vous, "utiliser" est mauvais... Je corrige par "aborder" plus convenu mais également plus près de la réalité.
Totalement d'accord avec vous, je n'ai pas aimé du tout le ton et l'ambiance de ce roman. Le sujet douloureux est à peine abordé,et le reste est d'une futilité consternante. Quel narcissisisme et quel snobisme !! Très décevant de la part de ce très bon auteur.
RépondreSupprimerCher Monsieur Pierre Darracq,
RépondreSupprimerVotre critique au sujet de ce roman est certes bien écrite mais très creuse dans vos arguments.
Que mettez vous en avant ?
L'éducation jésuite du narrateur, les jolies villas bourgeoises du Pays Basque, et l'écriture pédante de l'écrivain.
Une question :
Seriez vous capable cher monsieur de décrire avec autant de finesse un sujet aussi grave et triste qu'une fausse couche ?
Ce livre comporte deux histoires en parallèle, et est très finement écrit.
Je me présente à mon tour : Isis, Chroniqueuse littéraire mais pas critique. Lorsque je n'aime pas un roman je n'en parle pas car je respecte avant tout le travail de l'écrivain.
Bien à vous,
Isis
Puisque vous me parlez de de ce sujet grave et triste, je ne résiste pas à l'envie de publier quelques extraits de livres récents ayant évoqué la fausse couche.
SupprimerTous les goûts sont dans la nature !!! J'ai quant à moi été très touchée par ce livre et son thème. Harold Cobert aborde ce sujet douloureux et sur lequel souvent peu de mots sont posés avec beaucoup de sensibilité. Quant au "regard assez condescendant, voire méprisant sur le menu peuple qu'il croise dans la rue ou dans l'hôpital qu'il va être amené à fréquenter", je l'ai ressenti pour ma part comme le regard d'un homme révolté face aux souffrances de sa femme contre lesquelles il n'a aucune prise. D'autres blogueurs ont proposé une critique de ce livre. Je vous encourage à les lire. Il est toujours intéressant de confronter son ressenti, sa vision d'un livre à d'autres avis.
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire. Bien sûr, j'avais bien ressenti que cette condescendance était sûrement la colère d'un homme révolté et impuissant...Cependant, cet orgueil, constant dans tout le livre, m'a un peu gêné. Pour avoir connu cette situation deux fois, je ne me suis pas vraiment reconnu dans ses réactions. Dans ces moment là, j'ai plutôt été désemparé, en proie à un grand vide mais sûrement pas porté à en vouloir au personnel hospitalier ou à des anonymes. Question de tempérament, d'éducation, sans doute. Je conçois volontiers que ce roman puisse toucher le lecteur car il possède un point de vue totalement recevable et fort bien observé...
SupprimerChère Isis,
RépondreSupprimerC'est vrai que je n'ai pas adoré ce roman au ton très condescendant mais j'ai l'impression cependant de ne pas le démolir. Il y a un réel talent d'écriture (dont je suis bien incapable je vous l'accorde), une description très réaliste de son sujet qui, à mon avis de lecteur, est gâchée par ce narrateur narcissique et suffisant.
Aimant les livres et la lecture, je sais fort bien le travail qu'il y a derrière la conception du moindre roman (bon peut être pas tous) mais lorsque l'on publie, on n'échappe pas à quelques commentaires pas toujours élogieux. Je parle rarement des livres que je n'aime pas car souvent ils me sont tombés des mains. Même si j'émets quelques réserves sur celui-ci, je lirai sûrement le prochain Harold Cobert avec attention.
Bien à vous
Pierre
Meelly encore une fois écrit bien ce que je pense : "tous les goûts sont dans la nature". J'ai adoré ce livre, je l'ai dévoré. Je n'ai pas ressenti cette condescendance, preuve que tout est aussi une question de sensibilité et mon billet était forcément plutôt élogieux.
RépondreSupprimerUne remarque générale : je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas la possibilité d'écrire quelque chose sur un livre qui ne nous a pas plu. N'importe quel écrivain sait que son livre peut être adoré ou détesté, penser qu'un livre va forcément rencontrer le succès chez tous les lecteurs est, à mon avis, terriblement orgueilleux. Tant que les choses sont dites avec respect, je n'y vois aucun problème.
Au plaisir de vous lire,
Eulimène
quelle discussion!
RépondreSupprimerpour ma part, et je me rapproche du commentaire d'Eulimène,
je pense que chaque sensibilité fait réagir différemment aux épisodes de vie rencontrés et aussi aux textes lus.
Pierre, je t'encourage à continuer d'écrire et "critiquer" ce que tu lis, pour avancer dans notre réflexion commune pour donner ton avis en respectant les auteurs, tu le fais très bien d'ailleurs.
Gardons le droit de dire haut et fort ce que l'on pense...