"L'homme à la canne grise" est le portrait plein de tendresse que dresse Michèle Gazier, ex responsable des critiques littéraires dans Télérama, autour de la vie de son père. Ce n'est ni la première ni la dernière qui prendra sa plume pour évoquer une figure paternelle. L'exercice ici n'est pas forcément original, l'auteur ayant choisi de retracer les moments forts de sa vie de manière chronologique et nous ne sommes pas du tout dans l'écriture épurée et intime d'une Annie Ernaux. Michèle Gazier préfère rechercher les événements, les anecdotes, pour éclairer celui qui vécut partagé entre une vie quotidienne rendue un peu morne par sa cécité et l'homme épris de liberté qu'il était dans sa tête.
La citation de René Char, "Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler et ce n'était pas le silence." , placée en épigraphe du livre, résume parfaitement le propos. Il est beaucoup question de silences dans ce livre. Silence autour de son engagement en tant que combattant français auprès des républicains espagnols puis de son passé de résistant en Lozère. Silence autour de sa vie intérieure, intense, mais réservée à quelques rares priviligiés. Silence autour de cette vie de famille, coincé avec une femme dépressive et des enfants adorés. Et pourtant, ces silences n'en sont pas vraiment, parce que l'amour, même tu, est là, dans chaque geste, chaque décision importante, chaque renoncement. Michèle Gazier restitue avec émotion cette recherche de vérité dans le portrait de ce père, quasi aveugle, qui, toute son existence, a essayé d'écarter le brouillard jaunasse de sa vision mais aussi de sa vie. Il en ressort un homme à la personnalité double mais attachante. Il y a le héros, toujours jeune dans sa tête et dans son corps, même au seuil de la vieillesse, pétri d'idéaux et de justice et le mari, acceptant avec abnégation une vie de semi-infirme, quasi reclus auprès d'une femme malade. Et, malicieusement (?), à la mort de chacune de ses deux compagnes, sa fille note que ce sont les moments où elle l'a senti le plus libre, comme si ces unions avaient été des freins plus importants à ses ambitions, ses désirs que le fait d'être mal-voyant.
Après la lecture prenante et émouvante de ce magnifique portrait autour de la filiation et du deuil, j'ai eu l'impression qu'on pouvait aussi lire en filigrane, les regrets d'une fille pour ce père auquel le destin n'aura fourni , hélas, que les prémices d'une vie intense.
Elle sera au Salon du Livre de Nevers, mais j'hésite beaucoup pour ce livre, je n'ai pas grande attirance pour ce genre. Ton avis me fait douter, mais.... je vais aller voir sa biographie complète
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