L'histoire, au premier regard, peut sembler banale : une femme, son mari, son amant. Trio de vaudeville ? Pas du tout! Car, ici, se greffe un élément sacrément perturbateur, le puritanisme intégriste de toute une communauté de la Nouvelle Angleterre du 17 ème siècle. Au début du livre la femme, Hesther,, dont le mari est porté plus ou moins disparu, est jugée pour un grave péché de chair qui a donné naissance à un enfant. Conduite sur un échafaud à être observée pendant des heures par une population fanatisée par des prêches, elle sera ensuite libérée mais condamnée à porter une lettre écarlate sur sa poitrine le restant de sa vie, le A d'Adultère. Elle vivra à la périphérie de la ville, seule avec sa fille, gardant secret le nom du père...qui n'est autre que le pasteur de la communauté. Rongé par le remords et le mensonge, ce dernier, hébergera un vieux médecin qui n'est autre que le mari de l'héroïne, réapparu pour exercer une vengeance aussi subtile que diffuse.
Personnages de tragédie, ce trio va se révéler être le porteur de plusieurs messages toujours contemporains. J'évacue tout de suite le raccourci historique de la lettre écarlate et de l'étoile jaune imposée par les nazis, mais on y pense fatalement. Mais là où le symbole de judéité ne menait qu'à un destin funeste, le A rouge est finalement présenté ici comme un symbole de libération, libération de dogmes ineptes et débiles mais libération féminine également.
Eloignée de cette communauté austère, Esther se créera un monde intérieur intense. Hawthorne décrit très bien ce cheminement : "Hesther Prynne, forte du courage qui faisait partie de sa nature et qu'avait renforcé sa longue solitude, ...avançait sans règle ni commandement, dans un désert moral aussi vaste et aussi sombre que la forêt vierge... Depuis des années, elle considérait de ce point de vue spécial les institutions humaines et tout ce que les prêtres et les législations humaines avaient établi, exerçant sa critique sans plus de respect que l'Indien n'en ressentait à l'égard du rabat du prêtre... Le sort qu'on lui avait imposé, l'avait libérée. La lettre écarlate était un passeport pour des régions où les autres femmes n'osaient s'aventurer.... Il semble bien que les sept années d'ostracisme et d'humiliation l'aient préparée à la révolte." J'ai pensé bien entendu à toutes ces populations actuelles (surtout féminines) réduites à un état fantômatique pour les femmes et fanatique pour les hommes, avec des préceptes d'un autre âge. Et quand l'auteur écrit un peu plus loin: " Elle défit les brides du bonnet qui enserrait sa chevelure, et ses belles tresses épaisses tombèrent sur ses épaules du charme et de la douceur à ses traits. ", j'y ai pensé encore plus fort !
L'autre grand message de ce livre est la prise en compte de son être intérieur, ne pas se mentir quant à ses vrais désirs. Ici, ce sont les deux héros masculins qui vont éprouver les affres du mensonge, les tourments des désirs réfrénés. Afficher ses vrais envies au grand jour leur est impossible à cause de cette société puritaine plus prompte à légiférer et condamner selon des principes iniques, que de comprendre l'humain dans sa globalité. L'amant sera rongé par le mensonge et le mari, aux désirs finalement assez troubles (n'est-il pas quelque part amoureux de l'amant de sa femme ? ), n'y trouvera aucun réconfort. Le chemin est long pour l'acceptation de soi. Ce message, plus que jamais d'actualité, est ici magnifié par cette histoire d'amour à l'allure universelle.
Ce classique de la littérature peut parfois paraître un peu démodé à cause d'un style un peu désuet, mais la force des personnages, la parfaite description de sentiments et la dose de féminisme assez gonflée pour un roman de cette époque, font que la lecture de cette "Lettre écarlate" est doublée d'un vrai moment de réflexion. Et quand on lit à la fin du livre : " L'apôtre de l'émancipation féminine serait une femme certes; mais aussi pure que belle et fière, et sage aussi, non pour avoir souffert, mais par l'action éthérée de la joie, capable de montrer comment l'amour, devenu sacré, nous donnerait le bonheur en embellissant la vie", l'auteur lâche prise, imaginant un monde merveilleux qui hélas n'est pas encore arrivé, mais dont on peut toujours espérer l'avénement. Un classique à (re)découvrir car il fait, malgré ses 162 ans, encore écho auprès des lecteurs du XXI ème siècle; enfin, chez moi, ça a marché.
Quelle longue et surtout constructive critique - Pour un non spécialiste de la littérature anglaise, je trouve que tu as su voir l'essentiel dans cette œuvre. Il est vrai que ce roman date un peu mais malgré cela il reste encore au goût du jour, tout simplement car le thème traité reste contemporain de toutes les époques. Tu me vois ravi que la magie à marché avec toi :) Ce roman à le mérite de nous embarquer dans cette Amérique puritaine et a, j'en reste persuadé, été source d'inspiration pour certaines féministes car n'est-il pas aussi question de cela : porter cette lettre est une marque d'humiliation mais aussi un moyen pour ces femmes de l'époque de s'assumer et d'aller à l'encontre des idées, des normes et des valeurs de ces temps lointains : finalement en les jugeant et en les punissant, les hommes ont donné aux femmes une occasion de s'affirmer et de s'élever contre cette société assez rigide.
RépondreSupprimerPour finir, je dirai que ce livre gagne à être ouvert et lu
Bonjour,
RépondreSupprimerJe suis actuellement en train de réaliser un travail sur la lettre écarlate en Ecosse (j'étudie à l'étranger) et je souhaiterai savoir quel chapitre contient votre citation ? J'ai des difficultés à la retrouver en anglais et j'aimerai la repérer dans le bouquin.
Merci d'avance.
La première citation se situe au début du chapitre 18.
Supprimerla dernière à la toute fin du chapitre 24