vendredi 1 novembre 2013

Kesengawa de Naoya Hatakeyama



Derrière ce titre bien japonais, se cache un livre très simple, rempli d"émotion. L"auteur, le photographe et plasticien Naoya Hatakeyama, raconte son périple pour rejoindre la zone du tsunami, lieu de son enfance, où habitent encore sa mère et ses deux soeurs. Parti de Tokyo, il avance vers un endroit dont on ne fait que soupçonner l'état de chaos, entre angoisse, espoir et désir de savoir si sa famille a réchappé au désastre. En cours de route, il apprendra que ses deux soeurs sont vivantes mais que sa mère gît au milieu d'autres cadavres dans un gymnase transformé en morgue de fortune. 
Texte court, simple, sans fioriture. Les photographies qui l'accompagnent, prises lors de précédents séjours du photographe dans la région qui l'a vu naître, n'étaient pas destinées à être publiées, exposées. Elles étaient bien rangées chez l'auteur, dans une boîte étiquetée " Un petit coin du monde". 
Au premier coup d'oeil, ces photos sont banales, elles ressemblent à beaucoup de clichés qu'un amateur aurait pris, désireux de conserver une image de lieux connus et appréciés par l'unique fait qu'ils sont le décor d'un moment de vie. On y voit des paysages urbains relativement ordinaires, certaines fois ressemblant à des milliers d'endroits de par le monde, n'ayant en fait un intérêt que pour la personne qui y est passée ou pour les gens qui y vivent. D"autres clichés  représentent des instantanés de la vie rurale, de coutumes locales. Un sentiment de quiétude se dégage de l'ensemble. Mais le texte qui les accompagne fait planer une ombre sur cette banalité, la rendant  plus intéressante. 
Et soudain, le texte s'arrête, comme si les mots étaient dans l'impossibilité de traduire l'horreur que découvre Naoya Hatakeyama. Apparaît alors, en pleines doubles pages, l'effroyable réalité. De ces lieux paisibles aperçus précédemment, il ne reste rien, que de la boue, des amas de débris, des carcasses disloquées, une plaine de désolation, "Un petit coin du monde" réduit au néant et irrémédiablement disparu. Pas besoin de mots, le lecteur, sidéré, tourne les pages une à une et comprend l'ampleur de la catastrophe, presque viscéralement. 
Classé dans le rayon "Beaux livres" de part son format, la qualité de sa fabrication mais aussi parce que l'oeuvre d'un artiste, "Kesengawa" est un livre choc, qui sans effet morbide (aucun mort n'apparaît dans les photos de l'après tsunami) rend palpable à n'importe quel lecteur l'éphémère de toute chose sur terre. Les photographies du début deviennent les témoins d'un monde effacé, uniques fragments pour ancrer les souvenirs des survivants. C'est tout simplement poignant et donc indispensable !

Kesengawa de Naoya Hatakeyama est édité chez Light Motiv (35 euros)

Lu dans le cadre " La voie des indés", opération à l'initiative du site LIBFLY que je remercie vivement pour cette lecture. 



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