Je viens de terminer le nouveau roman de J M Erre et je n'en mène pas large. Qu'est-ce que je vais pouvoir écrire derrière ? Comment, après un livre aussi drôle, aussi réussi, vais-je pouvoir aligner quelque chose qui soit à la hauteur ? Je voulais faire mon fanfaron et écrire léger, mais je remballe vite fait ma prose à deux balles, la queue basse et la main tremblante. Je me bornerai donc à m'incliner devant ce maître de l'humour chez qui chaque phrase recèle une trouvaille hilarante et à seulement essayer de promouvoir et faire acheter aux quelques personnes qui tomberont sur ce billet, ce cinquième chef d'oeuvre de drôlerie (et les précédents aussi, tous maintenant en poche).
Avant de vous plonger dans "La fin du monde a du retard", il serait bon de prendre quelques précautions. Tout d'abord, il vous faudra trouver un lieu isolé, discret, à l'abri des regards, on pourrait, en s'apercevant de vos fous rire incontrôlés, avoir envie de vous chiper cette cause d'hilarité. Ensuite, avant d'ouvrir l'ouvrage, écarter d'un preste coup de pied tous ces récits si plombants d'enfance malheureuse où le fait d'aduler Mylène Farmer peut être une cause de traumatisme. On laissera également de côté un esprit trop cartésien pour une meilleure propagation de l'intrigue totalement foldingue et survoltée que nous a concocté l'auteur. Et puis, il sera indispensable de se dégager du temps, car une fois ouvert, le livre résiste énormément à toute tentative de fermeture. Il serait donc dangereux de le lire alors que bébé est dans son bain (risque de noyade), que Jules-Edouard et Marie-Isaure font leurs devoirs (risque d'énervement face à aussi peu d'autonomie), ou que Solène ou Hervé (barrez le prénom inutile selon votre configuration de couple) a un besoin pressant de rapprochement physique (risque d'engueulade.) C'est qui ce J M ? Jeanne-Marie ? John-Marcel ? (barrez le prénom selon vos goûts supposés en matière d'extra conjugalité).
Une fois bien calé(e) dans votre coin, vous découvrirez Julius, petit bonhomme totalement parano, persuadé que sa connaissance d'un terrible complot contre l'humanité, lui vaut d'être la cible d'une organisation secrète. Il s'enfuira d'un asile psychiatrique en compagnie d'Alice, jeune femme ayant perdu tous ses sentiments suite à une explosion ayant occasionné la mort des 262 invités de son mariage. Et c'est parti pour 400 pages de délire, de personnages hauts en couleur, de situations décapantes et surtout d'une course poursuite haletante que vous ne lâcherez pas avant la fin.
Je sens déjà poindre un brin de scepticisme dans le cerveau intello de quelques uns. Encore du grand n'importe quoi, pensent-ils, un Gilles Legardinier version déjantée ! Et là vous faites erreur, car ici, ce roman sur la théorie du complot, pastiche survitaminée du Da vinci code, pur trésor de lecture, possède de multiples niveaux de lecture. On peut apprécier sans problème cette histoire au premier degré, tellement l'invention narrative, les dialogues percutants, l'intrigue totalement aboutie et aussi précise qu'une horloge suisse font mouche. Mais on y trouvera aussi une manière très intelligente, voire pédagogiquement brillante et drôle (J M Erre ,n'est pas prof pour rien) de réviser les mythes grecs, la théorie de la caverne de Platon, Candide de Voltaire, ... tout une pléiade de grands auteurs de tous les siècles. Et comme si cela ne suffisait pas, il brosse, en plus, un portrait implacable de la place de la culture dans notre 21 ème siècle (je vous recommande, entre autre un dialogue étourdissant sur la place de la lecture au siècle dernier ou le grandiose portrait du libraire en résistance), mais aussi un instantané gratiné sur l'état des croyances actuelles (religieuses ou autres), le journalisme people ou l'éternel combat entre les vieux et les jeunes....
Beaucoup de choses me direz-vous. Mais n'est-ce finalement pas un gros kougloff, un fourre-tout indigeste ce roman ? Pas du tout!!!!! Car c'est là que le talent de J M Erre explose. Il se permet tout et tout passe avec verve et légèreté.
"La fin du monde a du retard" est une pure merveille d'humour et d'invention qui parvient à ne jamais se prendre au sérieux tout en ayant en ligne de mire la satisfaction du lecteur, son plaisir, l'ardent désir de le faire rire mais aussi réfléchir. C'est tellement rare dans l'édition française actuelle que ce livre mérite des mètres de linéaires dans toutes les librairies de France et, allez, soyons fous, dans les espaces dits culturels des hypermarchés. A lire pour un plaisir intense et surtout FAITES PASSER LE MESSAGE !
Bonjour Pierre,
RépondreSupprimerMerci pour ce billet : J.M Erre : j'adhère ! J'ai découvert cet auteur un peu par hasard (un hasard ?). Dans une librairie, mon regard est attiré par ce nom sur la couverture rouge, Erre ! mais c'est là que j'habite, dans ce petit village du Nord ! Ce livre m'appelle, et je l'achète enthousiaste et confiante, l'auteur se serait appelé Tartenpion que je ne l'aurais peut-être pas même ouvert. Et ce fût vraiment une découverte, j'ai adoré série Z et je me suis empressée de le lui fait savoir (il m'a d'ailleurs gentiment répondu).
Alors, OUI je ferais passer le message avec un lien sur votre blog par le biais du mien (c'est assez clair comme dirait le docteur Cac?).
C'est tout à fait clair et c'est vrai, pour l'avoir croisé J M Erre est en plus un auteur très sympathique !
RépondreSupprimerMerci pour ce moment de loufoquerie subtile!
RépondreSupprimerAnne-Maëlle
Apres avoir lu une telle critique pour un livre qui me fait de l'oeil depuis sa sortie, je viens de télécharger l'objet du délire, ai prévenu chéri-chéri qu'il allait devoir ressortir sa vieille maquette que j'aimerais teeellement qu'il finisse, le chat qu'il a mangé ce matin et ce midi et que ce sera tout pour aujourd'hui, coupé les téléphones et... je m'y colle !! Merci ;-) Laura
RépondreSupprimerTrès bonnes initiatives ! Il ne faut jamais faire les choses à moitié !
RépondreSupprimerJ'ai découvert l'auteur avec ce livre et quelle belle surprise. J'ai ri!!!
RépondreSupprimerJ'ai vu l'auteur à un salon , très sympa. Du coup j'ai lu "prenez soin du chien" qui m'a beaucoup fait rire aussi! Merci pour ce bel avis.