On retrouve les éléments qui figuraient déjà dans "Smocking/ No smocking" : la campagne anglaise à différentes saisons, des décors un soupçon trop clinquants et volontairement minimalistes, et des illustrations fournies par une pointure chic du monde de la bande-dessinée (Floc'h est remplacé aujourd'hui par Blutch, très en vogue ces temps-ci ). La nouveauté cette fois réside dans l'introduction de quelques plans réels du comté de York où se déroule l'action, mais surtout de ces grandes bâches peintes qui emplissent le fond de l'écran (de la scène ?) et au travers desquelles les acteurs se glissent , apparaissant et disparaissant avec fluidité. Et pour compléter ce côté inventif, Alain Resnais ne résiste pas au plaisir d'utiliser de gros plans de ses acteurs filmés sur un quadrillage blanc et noir et de nous offrir deux courtes séquences avec une taupe en peluche sortant de terre au début du film pour y retourner à la fin. On peut y voir une propre représentation du cinéaste qui a su observer l'humanité de moultes façons depuis plus de 60 ans et nous quitte en s'enterrant tout en gardant un oeil malicieux.
L'originalité d'"Aimer, boire et chanter" est perceptible uniquement dans le dispositif installé, le film, reposant sur un récit assez conventionnel, ne bouscule guère. Les acteurs posés dans ce décorum très factice, éclairés très artificiellement sont au diapason : ils surjouent un peu.
On est partagé entre intérêt vague et des moments d'agacement. L'oeil, alors vagabonde un peu, trouve ici ou là quelques éléments qui peuvent apparaître comme symboliques. Ainsi, une des rares scènes d'intérieur, au décor très nu, mettant en scène Dussolier (au rôle anecdotique) et Sandrine Kiberlain, fait dire à un personnage revenant d'une représentation théâtrale, qu'il s'est ennuyé, que la prochaine fois, il ira au cinéma ! (mais peut être pas voir du théâtre filmé par Resnais). Et bien sûr, on ne peut que s'interroger, et être un rien ému, lors du dernier plan du film, la caméra surplombant une tombe, les acteurs jetant une dernière fleur... Impression de testament cinématographique comme si le réalisateur pressentait sa fin proche.
Plutôt moins ennuyeux que "Les herbes folles " ou "Vous n'avez encore rien vu" ses deux précédents films, sans pour autant retrouver la verve d'oeuvres plus anciennes que nous avons tant aimées, "Aimer, boire et chanter" se laisse regarder sans susciter un grand émoi. La seule émotion qui ce dégage de cet exercice de style, est de ressentir cet esprit frondeur d'adolescent qu'Alain Resnais a eu jusqu'au bout, cherchant toujours à créer et à présenter au public des films originaux.
En adaptant une pièce vieillotte pas des plus audacieuses, ce ne sont pas quelques bâches peintes, même misent en scène avec talent, qui vont porter cette comédie un peu poussive vers les sommets cinématographiques d'antan atteints par ce grand cinéaste. A voir pour rendre hommage à ce grand homme...
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