vendredi 22 août 2014

Nous faisons semblant d'être quelqu'un d'autre de Shani Boianju


Ce premier roman d'une jeune auteure israélienne nous est annoncé comme "un coup de poing singulier et provocateur ". Concrètement, ce slogan n'est pas totalement faux, mais une fois le livre refermé, je suis resté un rien circonspect quant au résultat.
Trois amies d'enfance, Yaël, Lisa et Avishag vivent dans une petite ville posée au milieu des cailloux par des colons en quête de judéisation d'une région située au bord de la frontière libanaise. Tout y suinte l'ennui, la résignation et l'état d'alerte permanent, ponctué par des explosions lointaines de missiles, accentue la puissance des rêves et des désirs de ces jeunes filles. Mais, à dix-huit ans, le service militaire les appelle et les séparera. Chacune vivra ces vingt-deux mois obligatoires comme un parcours initiatique qui bouleversera à jamais leur vie.
Le message que veut crier Shani Boianju est fort et évident. Ce passage dans l'armée de toute une jeunesse, garçon ou fille, laisse une empreinte indélébile dans ces jeunes cerveaux et démolit la vie future de façon irréversible même si l'on a eu la chance d'en revenir vivant. Nul n'est à l'abri de comportements extrêmes, déstabilisants voire suicidaires.
Cependant, la construction employée affaiblit passablement le propos. Nous sommes dans un mix entre roman et recueil de nouvelles. Les trois jeunes filles servent de fil conducteur mais chaque chapitre peut se lire séparément, mélangeant alors anecdote militaire vécue par l'une d'elle avec une résurgence du passé. La fulgurance du présent se retrouve bien souvent affadie par ce mélange d'un passé moins prenant. Si les deux premiers tiers du livre arrivent à convaincre par la force de certaines histoires, la dernière partie s'essouffle, l'auteure maniant mal l'art de l'ellipse. Son récit, qui aurait pu enfoncer le clou encore plus profondément, devient moins convaincant comme si elle avait peur d'aller trop loin dans la dénonciation.
Avis en demi-teinte, même si ce roman recèle de belles scènes, notamment, celle érotico/guerrière d'une leçon de tir au fusil. Le message est fort assurément et de plus en plus présent dans les oeuvres littéraires ou cinématographiques israéliennes qui parviennent jusqu'à nous, mais ici, le propos se dilue dans une construction mal équilibrée qui, en voulant décrire un maximum de faits, n'arrive qu'à perdre un peu l'intérêt du lecteur en route.

Livre lu dans le cadre de l'opération  "On vous lit tout, en partenariat avec Libfly et le Furet du Nord"

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