Quand on est lecteur, tomber soudain sur des nouvelles de Yasunari Kawabata, c'est comme un long moment de silence après un concert de rock ou un instant de félicité, flottant sur la mer, avec uniquement l'eau, le vent et le soleil pour compagnons.
A un époque où beaucoup d'auteurs jouent les gros bras avec force descriptions, dialogues trashs, style ampoulé ou intrigue tarabiscotées, relire le maître du roman délicat japonais nous remet doucement dans une littérature où les mots simples et précis ont, si l'on y est attentif, la force d'une déflagration.
Ce recueil de six nouvelles parues initialement dans les années 50/60, présente un éventail assez complet des thématiques et du savoir-faire de ce prix Nobel de littérature. Délicates comme la plus pure des estampes, chaque nouvelle nous plonge dans un univers singulier, où les personnages dialoguent simplement. ou sont confrontés sans une once d'étonnement à quelques fantômes. Les mots d'une apparente banalité ouvrent pourtant des portes pour des contrées plus secrètes, au lecteur de les franchir pour accéder à de troublantes rencontres. Il est aidé en cela par la nature dans laquelle sont placés les personnages et qui devient parfois le moteur du récit. Ainsi, dans la nouvelle " Une rangée d'arbres", mettant en scène une famille ordinaire, les feuilles tombantes des gingkos en disant bien plus sur l'effritement de cette cellule familiale que les quelques paroles apparemment anodines qu'ils échangent. Et dans la dernière nouvelle, tous les sens sont convoqués pour nous faire ressentir l'essence même de la vie au travers des rendez-vous amoureux de deux jeunes gens devant un temple dédié aux défunts.
Aussi délicat qu'une estampe peinte sur de la soie, ce recueil de nouvelles est un petit bijou secret et personnel, Condensé de l'oeuvre de Kawabata ou jolie porte pour y entrer, le style dépouillé mais empli de mille sensations subtiles et implicites nous offre un moment de grâce et de subtilité admirablement rendu par une traduction soignée. Le lecteur que je suis a été réinitialisé par ces textes purs et si justes. Il va avoir du mal à négocier son retour à des littératures plus contemporaines.
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