Pas besoin d'avoir lu les métamorphoses d'Ovide pour s'installer dans une salle de cinéma et découvrir le nouveau long métrage de Christophe Honoré. Et surtout, il ne faut pas se sentir rejeté par ce titre qui fleure bon la grande culture classique, l'adaptation est ici très libre. Même si vous n'avez jamais mis le nez dans cette oeuvre écrite en l'an 1 après J C, vous en connaissez, au moins de nom, les protagonistes : Narcisse, Philémon et Baucis, Io, Hermaphrodite, Jupiter, Bacchus, ... et vraisemblablement un bout de leur histoire, car ces héros issus des légendes grecques, font tout de même partie de notre patrimoine culturel. En les replaçant dans un contexte actuel, au bord des autoroutes ou au milieu de rares terrains vagues laissés vacants par les constructions de tours d'habitations, le réalisateur, avec cette relecture, interroge surtout notre époque, ses croyances ou son manque de croyance, mais aussi le cinéma en général, le sien en particulier, en proposant un film libre de toute convention.
"Métamorphoses" reste tout de même un exercice de style propre à dérouter le spectateur habituel des comédies à la française ou des adaptations académiques des grands classiques de la littérature. Histoires enchâssées, comédiens amateurs, non recours au morphing et autre technique numérique de trucage pour les transformations, liberté d'une caméra prenant le temps de filmer ce qui lui plaît, absence de psychologie, envie un peu professorale d'amener le spectateur à se plonger dans l'oeuvre d'Ovide, composent un film assez unique et somme toute original. Christophe Honoré joue avec le thème (assez en vogue en ce moment) de la métamorphose pour essayer de montrer que rien n'est jamais acquis, que tout est possible surtout dans un monde où les dieux ont décidé de reprendre du service. Mais au milieu de ce projet, surgissent aussi les envies personnelles du réalisateur et notamment le plaisir qu'il prend à filmer, caresser, explorer, admirer les jeunes gens qui ont été castés pas forcément pour leur plastique ni leurs talents de comédiens, mais pour leur facilité à se dénuder à l'écran. Il aime les corps jeunes, nus et les magnifie en s'attardant sur un grain de peau, une bouche, une main, une nuque. Cette sensualité n'est toutefois pas réservée à la jeunesse car les corps vieillis de Philémon et Baucis sont filmés de la même manière lors de la très jolie scène de leur mort. Cet intérêt esthétique n'emprunte cependant rien à la statuaire grecque auxquels les personnages pourraient renvoyer, mais bien à une frontalité toute contemporaine. Les corps, si importants dans le film, sont montrés avec le naturel de leur beauté brute, sans obéir d'aucune façon aux diktats de la mode et de l'imagerie actuelle. Cette liberté se ressent aussi dans le ton général du film dont l'agencement des scènes, plastiquement très belles, ne prend jamais le chemin d'une narration linéaire mais chemine au gré de la fantaisie d'un scénario qui cherche à interroger un texte classique sur ce qu'il dit de notre époque plutôt que de le reproduire factuellement.
Dire que c'est totalement réussi serait mentir. Le manque de talent de certains comédiens, la lourdeur de certaines métaphores, le propos sous-jacent totalement intello et forcément clivant, réservent ce film à un public ou fanatique de Mr Honoré ou passionné d'Ovide (ça doit bien exister ) ou venu avec l'idée de se rincer l'oeil avec toute cette jeunesse dénudée ou de cinéphiles curieux, lecteurs des Inrocks. Personnellement, même si je n'ai pas pris autant de plaisir qu'avec les précédents films du réalisateur, je préfère mille fois "Métamorphoses" à un cinéma planplan formaté pour combler les grilles des chaînes de télé le dimanche soir !
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