La bande annonce donnait l'impression d'une sitcom à l'hôpital, le film est, à l'arrivée, bien plus que ça. En suivant le parcours d'un jeune médecin effectuant son premier internat dans le service hospitalier de son père, mandarin un poil glacial, Thomas Lilti parvient à faire un film à la fois populaire et exigeant.
Grace à un scénario bien construit, pédagogique dans le bon sens du terme, c'est à dire faisant passer des messages clairs mais sans lourdeur, il parvient à faire oublier sans mal Docteur House et consorts pour nous proposer une vision nettement plus réaliste de l'hôpital français. Bien sûr tout y passe, le manque de moyens, le personnel en sous effectif au bout du rouleau, la langue de bois des médecins, la gestion comptable des lits, les patients à la merci de cette organisation où chaque place est acquise de haute lutte. Et au milieu de tout ça, des hommes, des femmes, patients ou soignants, avec leur humanité ou le peu qu'il leur reste, leurs doutes, leurs certitudes qui arrivent à être ébranlées sans pour autant changer. J'y ai appris la place exacte de ces internes étrangers qui sont les principaux interlocuteurs des usagers : les FFI (Faisant Fonction d'Interne), personnel qualifié mais exploité par un système fleurant le paternalisme.
L'histoire mêle la rencontre entre un jeune gommeux français et son collègue médecin algérien mais interne comme lui, confrontés à la mort et à la souffrance et qui vont en quelques semaines se trouver emportés dans un tourbillon frénétique, très bien rendu dans le film par une réalisation nerveuse mais qui sait s'arrêter au bon moment pour capter, un regard, une main fripée qui serre un drap. Le constat sur le système est froid et sans appel mais l'humain surgit de partout que ce soit sous la forme de la colère, du désespoir ou de l'humour, véritable bouée de survie pour tout le personnel hospitalier.
J'avoue avoir un peu tiqué quant au choix de Vincent Lacoste pour incarner le jeune interne. J'ai eu du mal à accepter que le jusque là lycéen un peu débile puisse devenir interne... Mais la cohésion des acteurs qui composent la distribution, tous parfaits, parvient à faire oublier cette image qui colle à la peau du jeune acteur qui, ici, montre que son registre est peut être moins limité que je pouvais le penser, sans être pour autant renversant.
Hormis cette petite réserve et peut être quelques scènes à la fin un peu trop démonstratives, "Hippocrate" est vraiment un bon film qui arrive à mener à bien son projet d'immersion au sein d'un hôpital, avec un regard personnel et toujours très finement placé, sans jamais laissé aucun spectateur en route. On sourit, on s'indigne, on détourne le regard de l'écran parfois ( les ponctions lombaires, j'ai eu du mal), on s'attriste, on compatit, bref on vit avec tout ce personnel soignant à qui ce film rend également un bel hommage. Un bon moment de cinéma simple, bien fait et qui n'a pas peur de parler au coeur du public sans aucune mièvrerie.
PS : j'ai l'habitude de regarder les génériques jusqu'au bout et qu'elle ne fut pas ma surprise de voir mentionné, à la toute fin, que Marianne Denicourt portait des bijoux Van Cleef and Arpels ! Est-ce bien raisonnable à l'hôpital ? Quel intérêt que ce placement produit ? Pas sûr de la rentabilité du truc, la joaillerie portée avec une blouse blanche d'hôpital serait-elle indispensable à la crédibilité d'un personnage ? On peut donc se dire que le cinéma n'est pas prêt de jeter aux orties ses clichés de frime et de chic mal placé !
Je fais le "serment" de parler de ce film autour de moi, car il faut qu'il soit vu!
RépondreSupprimerJe partage les propos de Pelloux:"film très réaliste". Et oui, c'est aussi ça les Urgences, le monde hospitalier aujourd'hui. Enfin un film sans clichés, qui m'a fait revivre mes années hospitalières; tous les sentiments qui nous traversent dans une même journée, une belle leçon de vie, et de lutte! A-Maëlle