mercredi 7 octobre 2015

Ni le ciel, ni la terre de Clément Cogitore


L'image floue et pas bien emballante de l'affiche ne donne en aucune façon une idée de ce film intrigant à défaut d'être complètement passionnant.
Ca démarre comme un film de guerre lambda. Un petit groupe de militaires français, perdu à la frontière pakistano-afghane, surveille quelques montagnes sinistres avec au loin un village et embusqués quelques talibans. Commandés par le capitaine Bonassieu (Jérémie Renier très bien et très Jacques Perrin comme dans " le crabe tambour"), la petite troupe va connaître des pertes..enfin plutôt des disparitions. Enlèvement ? Prise d'otage ? Le quotidien assez morne de ces soldats  va s'en trouver bousculé. Les contrôles sont renforcés, la tension monte jusqu'à qu'un troisième soldat disparaisse quasiment sous les yeux d'un de ses collègues et sans laisser la moindre trace. L'angoisse monte, les esprits s'échauffent ou déraillent. Mais d'étranges disparitions sont également recensées parmi les villageois....
Très loin du reportage sur nos soldats français en Afghanistan, ce petit fort retranché a un faux air du "Désert des Tartares" ( avec, dans sa version filmée,  Jacques Perrin aussi... ) et si la mort semble rôder, c'est ici pour une interrogation plus métaphysique. Ces rudes militaires, très concrets, vont se trouver confrontés à une lutte intérieure intense contre des certitudes ancestrales et religieuses. Dans ces montagnes sinistres, les croyants et les incroyants vont se livrer à un incroyable face à face pour tenter de comprendre ce qu'il se passe. Les uns vont se réfugier dans les sourates du Coran, les autres derrière la technologie pointue des rationnels. Caméras infra-rouges et mitrailleurs avec faisceaux lumineux envahissent l'écran à défaut de faire fuir les incertitudes. En fouillant les alentours à la recherche de la vérité, les consciences s'interrogent, les spectateurs aussi.
Après un départ un peu poussif mais avec une jolie maîtrise de la caméra pour rendre tout à fait crédible ce camp retranché, la deuxième partie du film reste très convaincante malgré quelques longues scènes à la caméra infrarouge, façon oeuvre de vidéaste pour galerie branchée où l'on a un peu de mal à voir et à comprendre ce qu'il se passe, Cependant, le film propose moultes pistes de réflexion, aussi bien cinématographiques sans pour autant abuser des références, qu'intellectuelles, pour tous ceux qui aiment bien trouver des tas de signifiants aux détours des plans. Mais ce qui l'emporte c'est le formidable pari (réussi) de ce premier film qui  fait voler les codes du genre pour l'enfoncer dans un polar métaphysique vraiment passionnant. On lui pardonnera quelques coquetteries filmiques pour ne retenir que la formidable énergie créatrice. Encore une fois, je me répète, mais c'est tellement plaisant à dire, j'aime ce jeune cinéma français qui ose aller dans des zones improbables et surprenantes. Globalement réussi comme ici ou un peu moins ( "Maryland" ), la relève semble de plus à plus assurée !



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