lundi 12 octobre 2015

Zaï, zaï, zaï, zaï de Fabcaro



"Zaï zaï zaï zaï", oui c'est bien ces mots étranges qui font partie d'un refrain qui eu du succès en son temps, sans doute un peu oublié maintenant, chanté avec entrain par Joe Dassin et qui l'obligeait à aller "Siffler sur la colline". Dire que cette onomatopée ait un grand rapport avec l'histoire que nous conte Fabcaro serait mentir (quoique...). Par contre, une chose est sûre, c'est que l'on tient là un des albums les plus étonnants, les plus aboutis et les plus intéressants de cette rentrée.
Il va m'être extrêmement difficile de raconter quoique ce soit de ce road movie, non pas parce que la difficulté est grande mais uniquement parce qu'il m'est impossible de déflorer le moindre rebondissement, le plaisir du futur lecteur en serait gâché. Pour faire court et appâter le chaland disons que ça débute dans un super-marché, temple de la consommation contemporaine. Nous , sommes à une caisse banale et les achats se montent à 37,50 €. L'hôtesse derrière son tapis roulant et son scanner demande, comme l'enseigne le lui oblige, si le client possède une carte de fidélité. Le héros (car ce sera un héros) fouille dans sa poche et ne trouve pas cet instrument de fidélisation (et de surconsommation). C'est bête, elle est restée dans son autre pantalon qui a filé au sale. La caissière se raidit soudain face à ce bonhomme qui enfreint une des règles principales du consommateur. Elle se voit obligée d'appeler un vigile qui demande au contrevenant  de le suivre dans un endroit à l'abri des regards, ce crime anti-libéral pouvant faire tache d'huile.
Ce que je vous raconte là ce sont les deux premières planches. Vous l'aurez compris, cette histoire  va dérouler juqu'au bout son fil absolument délirant mais rendu totalement passionnant. Sous des dehors tragi-comiques, Fabcaro va dresser un portrait impitoyable de la France d'aujourd'hui, gavée de médias, d'infos creuses, une France livrée corps et âmes aux sirènes d'un monde préfabriqué et au langage vide de sens et de valeurs. A coup de petites scénettes qui peuvent faire parfois penser aux "Frustrés" de Claire  Brétécher par l'acuité sociologique de l'auteur, le récit avance sans jamais rien lâcher et conduit cette histoire aux apparences absurdes vers une réflexion  politico-philosophique sur notre société. Le dessin, bicolore où un ocre/kaki  sert de de couleur d'ambiance, rappelle un peu celui de Bastien Vivès pour ses à-plats de noir. Il permet par son imprécision un redoutable effet miroir sur le lecteur, vertigineux regard sur notre quotidien.
Sous de titre sautillant, se cache donc un roman graphique aussi délirant que puissant et inventif, un bonheur de lecture que je recommande plus que chaudement. C'est édité chez "6 pieds sous terre" et cela coûte 13 euros seulement !




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