vendredi 2 février 2018

L'amour après de Marceline Loridan-Ivens

 

Marceline Loridan-Ivens, après le bouleversant témoignage de son emprisonnement à Birkenau, reprend l'histoire de sa vie après guerre, où jeune femme, elle se retrouvait avec ce qu'elle considère comme un supplément qu'elle ne doit pas gâcher. Mais comment vivre une vie de femme, se laisser aller au désir, à l'amour , à la passion après avoir été un corps nié, enfermé, déshumanisé ? C'est le fil rouge de ce livre qui s'attache surtout à nous parler de ses rencontres, de ses amours et des hommes de sa vie. Grâce à l'ouverture d'une vieille valise remplie de photos et de lettres ( mais qu'ouvrirons-nous en 2040 pour nous rappeler de nos écrits amoureux via SMS ou applications? ), Marceline, la vue bien réduite, se souvient de cette petite ( par la taille) jeune fille qui faisait tout pour se singulariser. Dans le Paris des années 50, à Saint Germain des Près où une Juliette Gréco déambulait toute en noir, Marceline accentuait son roux et portait des tenues voyantes aux terrasses des cafés où elle apostrophait les intellectuels pour leur demander  ce qu'il fallait qu'elle lise,voulant pallier à des études que la déportation lui avait volées. Elle rencontre évidemment  des hommes et, chose rare à l'époque, partage leur lit, devinant sans doute que les épreuves des camps avait détruit son appareil reproducteur mais cherchant aussi, sans y arriver, un chemin qui mène au plaisir, révélation qu'elle aura plus tardivement. Elle se remémorera aussi ses deux maris, l'un qu'elle n'ira jamais rejoindre à Madagascar et un deuxième dont elle sera la compagne aussi bien dans la vie que dans le travail.
Le récit nous montrera une femme combative, engagée politiquement, libre en apparence ( on n'efface pas certaines choses qui vous suivent jusqu'au dernier souffle malgré le recul et l'humour) en tous les cas faisant fi des diktats sociétaux des époques traversées, pouvant aimer deux hommes à la fois sans heurts ni problèmes, restant fidèle amicalement à d'anciennes amours et décidant de mettre fin à sa vie sexuelle passé cinquante ans mais pas à vivre comme bon lui semble.
De cette vie qui peut paraître dissolue pour certains ( alors qu'elle n'est que celle d'une femme qui a su s'emparer de la liberté) je retiendrai cette jolie description de son moteur avec les hommes ( et les femmes)  : " chercher la connivence, les convictions, et laisser le corps s'abandonner parfois." Un programme à méditer dans une époque qui semble vouloir le contraire à force de maîtrise et de repli sur soi-même.
Ce récit, simple à lire, égrène les souvenirs comme beaucoup d'ouvrages de ce genre, avec de belles envolées. Marceline Loridan-Ivens donne toutefois une magnifique leçon de vie et semble s'être appropriée la phrase de Jung mise en exergue : "La vie non vécue est une maladie dont on peut mourir...". Elle est bel et bien vivante et c'est un bonheur de pouvoir partager son expérience !


Marceline et son mari Joris Ivens.

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