jeudi 1 février 2018

Autoportrait à la guillotine de Christophe Bigot


Je ne sais qui est responsable, l'auteur ou l'éditeur, mais difficile de trouver titre plus repoussoir que "Autoportrait à la guillotine" ! Autoportrait fait tout de suite penser à un déversement de propos égocentrés, au mieux, un peu drôles ( mais qui peuvent sombrer dans la chicklit),  au pire pleurnichards ou exhibitionnistes, un genre qui à force de confidences tous azimuts finit par lasser le lecteur épris de vrai romanesque. Quant à la guillotine, existe-t-il quelqu'un qui ne frémisse pas quelque part ( et pas qu'au niveau du cou) à la simple vue du mot ? Associer les deux relève de l'inconscience ( commerciale) ou du challenge .... En fait, après lecture de ce formidable livre, je pencherai simplement pour la simple vérité, il ne pouvait pas s'intituler autrement !
Nous avons donc un quarantenaire, fringant auteur, professeur de lettres, avec une allure tout à fait sympathique ( merci Google même si j'utilise Lilo, histoire de couper un peu la tête de ce moteur tentaculaire) qui décide de se retourner sur son passé et de nous parler de lui, de sa vie depuis ce jour où une guillotine est entrée dans son champ de vision vers l'âge de six ans, par l'intermédiaire d'une scène d'un feuilleton télévisé : " Le chevalier de Maison-Rouge". A partir de ce moment là, son enfance, sa vie, vont prendre une nouvelle tournure. Cet instrument de mort va tourner à la passion, à l'obsession même et va faire de lui un passionné de la révolution française. Il va traquer les romans, les films qui parlent d'elle mais aussi s'intéresser  à tous ceux qui, de près ou de loin, l'ont approché. Quand on dit que tout se joue avant six ...mais plus sûrement dans l'enfance, terreau de la vie adulte, force est de reconnaître que la guillotine a vraiment forgé la personnalité de Christophe Bigot. Que ce soit dans son activité d'écrivain ( plusieurs romans se déroulant durant la révolution française) que dans son activité d'intellectuel ( viscéralement contre la peine de mort) ,  voire dans sa personnalité plus intime ( non, il n'a visiblement pas de relations sexuelles masochistes ou sadiques avec des objets tranchants, mais évoque inévitablement la castration ) cette guillotine se retrouve partout dans son existence même si moins présente au fur et à mesure que l'âge avance.
Christophe Bigot, très habile écrivain, sans jamais nous délester du moindre détail, nous embarque dans ce cheminement si particulier et nous passionne littéralement. En plus d'être franchement originale, son autobiographie, arrive à nous plonger dans l'histoire de la guillotine comme dans la révolution française sans jamais nous ennuyer ( on frissonne un peu parfois...ça décapite beaucoup quand même !) mais surtout brosse avec sensibilité et finesse toutes les époques qu'il a traversées dans sa vie. Il évoque l'importance de la télévision dans les années 80, des feuilletons jusqu'au Top50, la chance qu'il a eu d'avoir une passion dans la vie et de la relative protection qu'elle lui a apportée dans les années collèges ( et revient avec drôlerie sur les festivités du bicentenaire de 1789). Jamais on ne ressent une quelconque vanité ni aucun égocentrisme de sa part à nous dévoiler sa personnalité. On se délectera de passages franchement savoureux ( dans lesquels je me suis entièrement retrouvé ), je pense au chapitre sur le tire-fesses dans les stations de ski ou celle des cours de natation ! On sera aussi ému par la très délicate rencontre avec Robert Badinter.
Dans ce tournoiement de guillotines et de souvenirs, le lecteur se trouve face à un ouvrage d'une grande maîtrise et d'une vraie rigueur intellectuelle. On reste admiratif devant la formidable analyse personnelle qu'il nous livre sans jamais rouler des mécaniques... ou comment d'une passion particulière, il parvient à toucher tout le monde. " Autoportrait avec guillotine" fut mon premier grand régal de lecture en ce début 2018...comme quoi, il faut se méfier des titres...

Merci à BABELIO et aux éditions Stock pour cette très belle découverte !


5 commentaires:

  1. Perso j'aime beaucoup la couverture, on perçoit déjà que ce livre peut faire couler énormément d'encre, même sur nos ordis en 2018!

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  2. Une telle chronique ne peut que me donner envie de découvrir ce livre

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  3. Moi aussi j'ai bien envie de me jeter dans ce bouquin! Merci pour cette découverte!

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  4. Je dirais plutôt "auto-analyse des choses qui nous torturent"...J'ai aimé me replonger dans mes années 'bicentenaire de la révolution'(on se rend compte que toute notre génération en a gardé des séquelles). Cela m'a rappelé des souvenirs pour lesquels j'ignorais qu'ils m'avaient marqués à ce point: Charlotte Corday!(à cette époque on cachait toutes nos émotions sous le bonnet phrygien!) Mais on voit tout de suite que c'est aussi la génération"raconte moi des histoires", car il le fait très bien...!

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