Adapter les "mémoires d'immigrés" de Yamina Benguigui en bande dessinée, peut sembler inutile. Il y avait eu le livre et le film. Mais c'était il y a 14 ans, et depuis, de l'eau à couler sous les ponts et l'image des immigrés a été considérablement déformée par de nombreux discours xénophobes.
Cette adaptation en bande dessinée, par un auteur dont le discours de partage et de tolérance à toujours été au coeur de ses productions, est un magnifique et troublant témoignage de ce qui est un des hontes de notre république.
Comme dans le film, nous partageons les témoignages émouvants et révoltants de ces hommes, de ces femmes, qui ont été parqués dans des zones insalubres, comme des pestiférés, pour la plupart coupés de leur famille, travaillant comme des bêtes de somme pour une misère et sans aucune considération, mais aussi de leurs enfants tiraillés entre un héritage lourd à porter, révolte et fureur de vivre.
Mais ce que Jérôme Ruillier apporte de plus avec son dessin au trait simple, représentant tous ses personnages avec des têtes de nounours, c'est un sentiment d'universalité. Nous sommes tous humains, égaux devant la souffrance, le mépris des autres, la bêtise, la peur et l'incompréhension. En nous proposant cette relecture en 2011, l'auteur continue à faire un acte militant, fort et sensible, dans une période à l'avenir incertain.
"Les Mohamed" appuie là où ça fait mal mais avec générosité et quand Jérôme Ruillier ajoute sa touche très personnelle en faisant un parallèle entre l'intégration (heu... l'exclusion) de tous ces travailleurs et celle de sa fille trisomique dans l'école de son quartier, il nous rappelle que le racisme, l'ignorance, l'intolérance sont nichés partout.
On ressort de la lecture de cet album, bouleversé et honteux, mais fin prêt à faire circuler ces "Mohamed" dans le secret espoir qu'il puisse nous aider à combattre cette ignorance et cette indifférence qui gangrène nos sociétés occidentales.
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