Dès les premières pages, j'ai été happé. Un joli trait de plume, une entrée en matière à l'humour plaisant mais n'arrivant pas à masquer le mal être du personnage principal pour qui la vie se résume à presque rien : un studio dépouillé dont le mobilier se réduit à l'indispensable, un boulot abrutissant, une petite vie intérieure qui joue des coudes pour se sortir de ce marasme social et un nom dont il a honte : Guylain Vignolles que tout le monde change en Vilain Guignol. Il traîne cette contrepèterie comme un boulet, une marque infamante qui l'enferme inexorablement dans le monde des invisibles.
Comme soupape, pour prouver qu'il existe un peu, chaque matin dans le RER de 6h27, Guylain lit à haute voix une succession de pages arrachées à des livres inconnus, pages récupérées dans une énorme machine appelée communément pilon et qui broie tous les livres invendus de France. Assis toujours sur le même strapontin de la même rame, il obtient l'attention de tous les voyageurs qui l'écoutent en silence.
Ca démarre fort bien.La situation est originale, généreuse.Et ça continue encore plus fort. Une fois sortie du RER, Guylain entre à l'usine et se retrouve toute la journée face à cette monstrueuse machine nommée Zerstron 500, engloutissant sans faillir des tonnes de livres mal aimés. Ses mâchoires de ferraille qui n'aiment que la destruction, les recrache sous la forme de pâte à papier. Le récit tourne petit à petit au fantastique tellement ce pllon prend l'allure d'un monstre impitoyable. Je me suis dit que je tenais un petit bijou de roman entre les mains.
Mais soudain, le roman bifurque, prend une autre direction. On partait pour une fable un peu kafkaïenne et l'on se retrouve dans le chemin plus que balisé du roman tendre qui met en avant les sans grade de notre société. Les bons sentiments ne sont pas loin. D'autres personnages tout aussi en marge font leur apparition, une histoire d'amour commence à s'esquisser...
Je n'ai rien contre les histoires qui nous émeuvent, qui font parler avec humour et bon sens ceux que les romans bourgeois ne voient jamais, mais, comment dire, ça sent le filon, le bon coup d'éditeur cherchant à surfer sur la vague de "La liste de mes envies" de Grégoire Delacourt .
Force est de reconnaître que "Le liseur du 6h27" est vraiment bien fait. Il y a du style, de l'humour, un brin de folie et beaucoup de chaleur humaine. C'est un livre qui à coup sûr fait du bien, ne prend pas la tête et saura plaire au plus grand nombre. Malgré tout, je mets un petit bémol car les 50 premières pages sont tellement réussies qu'elles laissaient augurer un livre autrement moins conventionnel et surtout pas un développement faisant un mix de tous les livres à succès de Barbara Constantine et de Grégoire Delacourt ! C'est évidemment bien plus original que Mme Pancol, moins industriel que Mr Lévy, mais moins maîtrisé que "Bon rétablissement" de Marie Sabine Roger qui joue pourtant dans la même cour. A lire, pour passer un agréable moment.
PS : Je suis allé traîner sur le net et j'ai vu que l'éditeur (et beaucoup de monde d'ailleurs ) croyait au succès de ce livre. Déjà vendu déjà dans 20 pays, l'auteur est programmé à la grande librairie jeudi prochain, les journaux parlent de phénomène éditorial...Le bulldozer de la promotion est en route. Ca devrait donc bel et bien marcher !
Je sens que je vais le laisser de côté. J'ai eu ma dose, pour l'instant, avec ce genre de bouquin
RépondreSupprimerc'est exactement ce que j'ai ressenti. Ça démarre sur les chapeaux de roue puis....arc-en-ciel et bisounours.
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