mercredi 1 avril 2015

Le journal d'une femme de chambre de Benoît Jacquot




Quel intérêt en 2015 de refaire une adaptation de ce journal d'une femme de chambre après plusieurs adaptations dont la dernière a plus d'un demi-siècle? On me rétorquera que la lutte des classes, bien que larvée est toujours d'actualité. On me dira que l'antisémitisme de l'époque rappelle bien la montée xénophobe actuelle. Cependant, la vision du nouveau film de Benoît Jacquot ne me convainc pas tout à fait, non par son histoire, mais par le traitement.
Le film nous propose un beau portrait de femme en avance sur son temps par son envie d'émancipation qui se butte aux codes bien serrés d'une société étriquée. Le roman, autant que je me souvienne, s'attachait beaucoup plus à décrire une société bourgeoise se vautrant dans l'abjection, l'esclavagisme social et cachant sous une mise proprette des secrets inavouables. Si tout cela est présent sur l'écran, c'est le personnage de Célestine qui accapare la caméra. Et c'est là que pour moi le bât a blessé.  
Mes lecteurs réguliers ricaneront en signalant mon masochisme à encore aller voir un long métrage avec Mlle Seydoux et penseront que j'ai encore fait une fixette sur elle. Point du tout ! Elle n'a rien à se reprocher cette fois-ci portant avec grâce le costume d'époque et, sans pour autant atteindre des sommets, fait plutôt bien ce qu'on lui a dit de faire. Ce qui m'a gêné c'est l'imagerie qui l'entoure dans le film. Pour nous montrer que Célestine a une capacité de réflexion supérieure à celle de ses maîtres souvent autoritaires ou prétentieux, en plus d'arborer une mine altière et à la limite de l'insolence, on l'a costumée comme une grande bourgeoise, changeant de belle toilette à chacune de ses sorties. On se dit qu'elle gagne rudement bien sa vie cette femme de chambre ! Du coup, on croit moins à son personnage et on se demande si Célestine/Léa Seydoux n'incarne finalement que le désir du cinéaste pour une belle jeune femme libre de son corps mais pouvant jouer aussi les femmes soumises. Un fantasme de réalisateur pour la soubrette d'un autre siècle, surtout que la caméra ne la quitte jamais, la filmant souvent au plus près, avec une préférence pour les plans offrant sa nuque. Tout cela est très joli c'est vrai mais détourne un peu l'attention de l'histoire. 
Je passerai vite certains mouvements surprenants de caméra façon clip dans les scènes de soumission domestique ( les montées d'escalier épuisantes ) mais je m'attarderai sur la présence de Vincent Lindon dans le rôle de l'homme à tout faire. L'acteur, spécialiste des rôles de taiseux amoureux, ne surprend guère ici, mais a du se fâcher avec toute l'équipe son du film.  Dans la première partie du film où son jeu bien rodé, se résume à quelques regards en coin et à des dialogues d'une syllabe, pas souci de compréhension. Les choses se gâtent quand enfin il s'exprime enfin. Si sa diatribe antisémite est audible, la plupart des dialogues avec Célestine/Léa Seydoux sont inaudibles ou difficilement compréhensibles, souvent parasités par d'autres bruits ambiants ( le bruit du sommier métallique quand il honore Célestine de sa rude ardeur). Comme on ne saisit pas bien ce qu'il se trame, on s'interroge, fronce le sourcil, venant à regretter une fonction "replay" au cinéma. Mais le film continue et qu'importe, Léa Seydoux est toujours aussi belle en robe longue !
C'est donc avec une légère frustration que l'on quitte la salle. Dans les grandes lignes l'oeuvre d'Octave Mirbeau a été respectée, mais je ne suis pas certain que ce portrait de femme en révolte arrive à toucher grand monde de nos jours tellement il est détourné par cette attention exagérée sur une actrice plus que sur le personnage.





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