jeudi 24 décembre 2015

L'étreinte du serpent de Ciro Guerra


"Le rêve amazonien " annoncé sur la très belle affiche de "L'étreinte du serpent" me renvoie direct à tous ces récits qui faisaient gamberger tous les enfants et adolescents jusqu'aux années soixante-dix. ( du siècle précédent). Un voyage hors du commun, à la découverte de terres souvent inconnues et peuplées de tribu pas toujours accueillantes, s'offrait à nous au travers de ces épopées, où se mêlaient exotisme, aventure mais aussi un zeste de colonialisme et de supériorité occidentale. Oui, j'ai rêvé sur ces héros où le courage et l'abnégation camouflaient une envie de domination que je ne percevais pas à l'époque.Quoi de plus normal dans l'esprit d'un enfant que cette envie d'importer  notre bonne et belle culture (imposer irait mieux, mais les récits étaient écrits de façon hagiographique) ? Il ne doit plus y avoir de contrées inconnues, la plupart des  tribus ont connu un destin tragique et celles qui ont la chance d'avoir encore quelques représentants sont en grande partie pourries par notre société de consommation.
"L'étreinte du serpent" s'empare effectivement de cette mythologie et nous plonge, nous spectateurs du 21ème siècle dans une époque révolue. Nous sommes dans les années 1900, Théo, un ethnologue allemand a rencontré un indien aux pouvoirs chamaniques et a eu connaissance de l'existence d'une plante sacrée aux pouvoirs infinie : la yakruna. Il va la dessiner, la décrire dans son carnet de voyages, mais mourra emporté par une fièvre particulièrement sévère dans ces contrées. Une bonne trentaine d'années plus tard, un autre scientifique , américain celui-là, se lancera sur la trace de ce chamane et de cette fleur si rare. C'est son périple et la rencontre avec ce chamane, toujours en vie, que nous conte le film, mêlant les deux expéditions pour mieux nous faire ressentir la difficulté qu'ont ces deux mondes à se rencontrer et à échanger.
Avec une image  noir et blanc magnifique ( mais ne dit-on pas toujours cela quand un film adopte ce procédé? ), nous naviguons dans cette forêt amazonienne, oppressante, magnifique mais déjà souillée par les occidentaux. La récolte du caoutchouc a rendu fou les hommes, les a armé de fusils, leur a fourni de l'alcool, leur a offert tout ce que l'occident à de pire y compris sa religion catholique, aveuglant jusqu'à la violence, voire la folie cannibale la plus insoutenable, ses prêtres avides d'évangélisation. Les rapports entre les explorateurs et le chaman ne sont pas simples, les uns étant sûrs de leur savoir et de leur sciences, l'autre persuadé que l'échange réel, entre les deux cultures est essentiel, chacun pouvant apporter à l'autre quelques savoirs inconnus mais essentiels pour vivre sur cette terre.
Le discours n'est pas vraiment écologique mais plus philosophique, amenant le spectateur à se questionner, voire se perdre dans cet univers clos et luxuriant. On est impressionné par la forte présence du comédien (?) qui incarne le chaman, dont le regard nous scrute au plus profond. On bascule lentement dans un univers insoupçonné. Le chamanisme n'est pas ma tasse de thé, mais Ciro Guerra, parvient, grâce à son récit imbriquant deux époques et à un scénario des plus intuitifs, à me faire accepter en douceur, le temps du film,  une possibilité d'un au-delà cosmique.... Ce n'était pas gagné avec un sceptique comme moi ! Pari réussi pour "L'étreinte du serpent" aussi exigeant que beau plastiquement.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire