Pour être franc, à part sa chaîne de multiplexes parisiens et ses société de productions et de distributions, je ne connaissais pas grand chose sur Marin Karmitz. Tout au plus avais-je eu écho de la polémique concernant sa nomination par Nicolas Sarkozy à la tête du CCA ( Conseil de Création Artistique) et fabriqué, en glanant au fil de lectures, une vague idée de personnage point facile. " Comédies" allait être l'occasion d'approfondir un peu cette personnalité marquante du cinéma français.
Le livre démarre de façon classique avec les origines roumaines et l'enfance dans une famille très aisée qui immigrera en France juste après-guerre, pays d'adoption à qui Mr Karmitz voue une reconnaissance éternelle. Puis suivront une adolescence et un début de vie adulte dans un Paris qui connaîtra mai 68 et ses nombreux mouvements libertaires. Le jeune Marin, sera un temps maoïste tout en commençant à réaliser des documentaires assez polémiques, avant de tout abandonner pour se consacrer à la création de son entreprise de salles de cinéma.
Cette première partie, ponctuée d'anecdotes et d'odeurs de tilleul, mélange de légèreté et de nostalgie, pose aussi les éléments qui ont été le moteur de sa réussite. Aux très belles convictions de gauche, que la culture peut changer la vie et les hommes ( façon de lutter contre le fascisme), aux images des cinémas, espace de lumières éclairant autant les esprits que la cité, s'ajoute aussi une foi opiniâtre dans l'envie de proposer des œuvres intelligentes et profondes aux spectateurs. Je ne peux donc que souscrire à cette démarche et les quelques anecdotes y afférant renforcent l'idée que l'on se trouve face à une personnalité soucieuse de promouvoir une culture exigeante. Cependant, nous sommes dans une sorte d'autobiographie et même si parfois Marin Karmitz se reconnaît comme pointilleux et pas toujours facile ( tiens, tiens...), le lecteur que je suis se doute bien que l'homme se présente sous son meilleur jour. Je ne suis pas parvenu à gommer que cette facilité à la réussite tient en partie à un excellent réseau que sait se fabriquer la bourgeoisie ( même venant de Roumanie) et sur lequel le jeune Marin a su s'appuyer très tôt. Avoir les adresses mais aussi les codes dès le départ, aident sans doute à créer plus aisément un petit empire même à vocation hautement culturelle. Mais les faits sont là, MK 2 représente dans Paris des pôles d'animations et d'échanges importants, souvent dans des quartiers réputés au départ difficiles, .... mais qui entendent rester sans trop de concurrence. La petite guerre menée contre les salles municipales de Montreuil, racontée dans le livre, ne m'a, par contre, pas du tout convaincu, pensant que plus les lieux culturels étaient nombreux mieux c'était. Seulement j'ai un point de vue de spectateur pas de chef d'entreprise. Et là, j'ai bien senti que le tiroir-caisse passait au final avant les jolies théories.
Déjà, un peu sceptique malgré les effets de manche pour m'attirer pleinement à sa cause, j'abordais la dernière partie avec curiosité, surtout que celle-ci apparaissait comme la raison d'être première de ce livre. Marin Karmitz veut se justifier quant à ses deux années à diriger le CCA ( Conseil de Création Artistique), passage qui lui a valu opprobre et quolibets. Mais qu'allait donc faire un homme se disant de gauche dans une institution créée par Mr Sarkozy, personnalité droitière et aux apparences aussi peu sensibles à l'art et à la culture ? C'est simple, il voulait changer les choses, révolutionner le monde culturel de l'intérieur. Le propos est convaincant et cet homme à cet endroit me m'est pas apparu comme déplacé. Une dizaine d'actions ont été menées. Lui les juge plutôt positives ou intéressantes. Sans doute le sont-elles ...ou pas.... ce n'est pas à moi d'en juger, surtout après la lecture d'un seul avis. Il semblerait que la lourdeur administrative et la redoutable concurrence avec le ministère de la culture ait eu raison du conseil qui s'est auto-dissolu par envie de liberté intellectuelle... Etrangement, dans cette partie polémique, l'engagement de l'homme de culture qu'est Marin Karmitz, sa capacité à générer des idées et à les mettre en place, m'a plus convaincu que le chef d'entreprise bulldozer qui éclaire la ville avec les façades de ses cinémas.
Mon avis reste circonspect quant à l'homme, car certaines accroches de la journaliste recueillant les propos de Mr Karmitz, placées en début de quelques chapitres, mettent le doigt où ça gratte un peu, essayant gentiment de recadrer le portrait trop joli du monsieur. Pour ce qui est du livre, par contre, ce fut un réel plaisir de lecture car celui-ci est bourré d'anecdotes autant sur certains tournages de film que sur le mouvement gauchiste des années 70. On y trouve aussi de très belles pages sur la censure, sur la violence du cinéma ( détesté) de Tarantino ou sur sur le fascisme.
Ce presque auto-portrait de Marin Karmitz nous fait découvrir un homme à la personnalité complexe et sans doute clivante, mais a le mérite de nous plonger dans certains rouages de notre société et notamment ceux autour du cinéma et du monde culturel. Ce n'est qu'un point de vue mais il est sacrément intéressant !
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