Chez Grasset, niveau premiers romans, cette rentrée, ils ont assuré ! Gaël Faye surfe en haut de la vague des titres qu'il faut lire mais dans leur catalogue se trouve une deuxième perle : le premier ouvrage de Guy Boley, "Fils du feu".
Comme "Petit pays", il s'agit d'un récit d'enfant, d'enfance, de vie, de mort. Mais la comparaison s'arrête là. Si le récit de Gaël Faye débute façon Petit Nicolas, Guy Boley, lui, choisit une entrée en matière nettement plus littéraire. Nous sommes dans une ces forges artisanales comme on en trouvait dans toutes les villes après guerre. Deux hommes, qu'un enfant perçoit comme des demi-dieux, travaillent le fer dans la chaleur d'un brasier et au milieu d'un nuage d'escarbilles semblables à de minuscules étoiles filantes. L'un est le père du narrateur, l'autre son ouvrier, figures martiales et taiseuses d'un univers voué à l'acier torsadé, vrillé, spiralé. Personne ne sait encore que ces coups de masse seront à jamais effacés par un avenir voué au progrès mais aussi à la dureté d'un destin qui ne frappe jamais là où on l'attend. Chez cette famille vivant dans un petit quartier populaire, la grande faucheuse s'arrêtera un jour pour emporter un petit frère. Ceux qui resteront, abasourdis, anéantis, devront composer une suite avec une autre mort, celle des petits métiers. Sournoise, la folie guette...
Le roman est ample, courant sur plusieurs décennies, poignant et surtout admirablement écrit. Dés l'entrée en matière, on sent une écriture exigeante, qui peut apparaître un peu ardue avec ses envolées quasi symphoniques pour décrire le travail des hommes. de nombreuses citations mythologiques accentuent cette sensation surtout qu'elles sont accompagnées ici ou là d'un vocabulaire précis qui m'a fait me précipiter sur un dictionnaire. ( Je l'avoue, j'ignorais, entre autre, le sens du mot "hiérophante" et celui de " hongroyé" m'apparaissait flou.).Mais très vite cette langue exigeante nous emporte au coeur du récit qui de âpre au début, devient au fil des pages de plus en plus doux. sans jamais tomber dans le mélodrame. Guy Boley décrit cette enfance boiteuse, coincée entre un père devenu aussi absent que violent et une mère au deuil impossible. Nous voyons le narrateur grandir, sortir de ce nid sombre et s'émanciper sans jamais oublier d'où il vient, continuant à garder, malgré les affres de la vie, un regard bienveillant sur ses parents au destin semblable à la barre de fer torsadée du début.
"Fils du feu" est ce que l'on peut appeler sans rougir un beau roman, dense et qui vous emporte. C'est pour cela que l'on peut demander gentiment à Gaël Faye de se pousser un tout petit peu pour que l'on puisse aussi apercevoir Guy Boley, il le mérite amplement ! D'ailleurs, les membres du jury de la société des gens de lettres ont su se faufiler et lui accorder leur prix du premier roman à ce "fils du feu" qu'il ne faut pas laisser passer.
Décidément, j'en entends beaucoup parler... Je crois que je vais me laisser séduire par tous ces commentaires élogieux! Merci du conseil!
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