jeudi 14 mars 2013

Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont


Je l'avoue, j'ai toujours aimé le cinéma de Bruno Dumont, ses acteurs inconnus aux allures improbables, ses longs plans fixes sur la morve qui coule sur un visage frigorifié, ses films un peu radicaux, pas aimables où une violence sous-jacente suinte de tous les plans.
Avec "Camille Claude 1915", Bruno Dumont a changé de fusil d'épaule.Pour une fois, il a confié le premier rôle à une star, Juliette Binoche. Il n'a toutefois pas résisté à l'envie de l'entourer de vrais aliénés aux visages pas faciles qui ne sont pas sans rappeler d'ailleurs quelques unes des sculptures de l'artiste. Et c'est peut être la seule petite réserve que je ferai sur ce film car on a un peu l'impression quelquefois de vivre les aventures de Binoche chez les fous, tellement l'actrice est présente et rayonne de son talent. Mais qu'importe ! Ces trois jours de la vie de Camille Claudel, placée par sa famille dans un asile dans le Sud de la France, sont d'une intensité folle. Elle attend avec impatience la venue de son frère Paul, certaine que quand il la verra si calme, il la fera sortir bien vite de cet endroit sordide. On la sent fragile, très fragile, un peu désaxée mais bien vivante. Elle vit un quotidien sinistre entre les consultations face à un médecin affable mais plus réceptif à l'argent envoyé par la famille qu'à sa détresse  et les nombreuses déambulations au bras de pensionnaires durement atteints par la folie. Débordante d'espoir quant à un retour parmi les siens, Camille Claudel se heurtera à un frère confit de bondieuseries et totalement hermétique à sa détresse, comme surement tout bon chrétien illuminé. Il faut bien le dire, le Paul Claudel présenté dans le film m'a semblé bien plus fou que sa soeur. S'agenouillant au bord des routes pour prier, totalement amoureux de son corps, complètement irradié par un lumière divine, il pourrait échanger la place avec Camille, hélas beaucoup trop dérangeante.
Je ne vous cache pas que ce film n'est pas facile facile... Le réalisateur prend son temps, s'attarde sur les visages, traquant la moindre expression, le tout dans des plans d'une précision et d'un beauté inouïes. Juliette Binoche a déclaré dans la presse qu'elle n'avait jamais été autant nue que dans ce film. C'est vrai, mais plus au figuré qu'au propre. En acceptant de jouer sans aucun maquillage (mais avec une teinte de cheveux parfaite), elle envoie valser toutes ses consoeurs liftées ou exigeantes sur la place de la caméra et prouve, qu'en plus d'être une comédienne admirable, elle reste infiniment belle avec ses rides, ses défauts et sa peau un peu vieillissante. Elle irradie littéralement dans ses habits gris et habite son personnage comme on l'a rarement vu au cinéma. C'est un grand numéro d'artiste, filmé par un esthète.
Film exigeant et austère, sans musique, esthétiquement superbe, il offre à Juliette Binoche un rôle à la mesure de son immense talent mais ne passionnera peut être que quelques spectateurs pour qui le cinéma n'est pas qu'un divertissement mais aussi, parfois, une plongée dans les abîmes de certaines âmes.



1 commentaire:

  1. Je crois que je suis passée totalement a côté. Je me suis rarement autant ennuyée...

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