lundi 2 mai 2016

Le dernier amour d'Attila Kiss de Julia Kerninon



Il est ouvrier, trie des canards dans une usine hongroise de foie gras, a cinquante et un an, vit seul, n'a sans doute pas un physique des plus avenants et prend un pot à la terrasse d'un bar. Arrive une jeune femme qui lui est totalement inconnue, vingt-cinq ans, belle, immensément  riche qui fonce droit sur lui et s'assoit à sa table. Une heure après, ils sont dans un lit à faire l'amour et débutent une vie commune. " Le dernier amour amour d'Attila Kiss" démarre ainsi, un peu comme une publicité pour le parfum (si chic) Impulse, mais en version inversée. C'est la princesse qui s'éprend du berger et ce, sans même échanger un regard ! C'est beau l'amour dans les livres ! Et surtout très facile ! Attila Kiss, (le nom peut sembler un peu too much, mais en Hongrie c'est paraît-il très courant, un peu comme en France les Olivier Martin) , en plus de porter un patronyme vaguement martial, se traîne, une première partie de vie pas facile,  une xénophobie énorme, relent de toutes les épreuves historiques que son pays a traversé durant le siècle passé. Face à lui, Théodora Allegria Maria Babbenberg a plus d'allure et de panache. Aussi grande musicologue que fashion victime, la vie pour elle n'est qu'une suite de facilités, seuls peut être un père qui l'a délaissée ( mais lui a laissé sa fortune et son oeuvre à gérer) et la peur d'attraper des bactéries sur les barres du métro ( prenons mon automobile mon bon, c'est plus sûr !) lui gâchent un peu la vie. Mais que voulez-vous ma brave dame, ils s'aiment !
Sur cette trame on ne peut plus improbable, au romanesque si outrancier que la directrice littéraire des éditions Harlequin aurait jeté notre auteure comme une malpropre, Julia Kerninon plaque une écriture somptueuse, mélange brillant de considérations historiques et guerrières avec une interrogation érudite et subtile sur le sentiment amoureux, l'altérité. J'ai été impressionné par l'aisance de sa plume, par sa pertinente description de la relation amoureuse associée le plus souvent à un vocabulaire guerrier, métaphore de leurs origines aussi bien géographiques que sociales. Même si elle abuse un peu trop des énumérations, l'analyse des rapports de ces deux êtres, la confrontation de leurs différences possèdent une réelle force et arrive à impressionner le réticent que je suis, sans toutefois lui faire oublier le côté peu plausible de l'ensemble. On notera une description impitoyable de l'élevage des canards qui pourra servir à Paméla Anderson lors de sa prochaine venue au pays du foie gras ainsi qu'une remarquable toile de fond hongroise que l'écriture évoque de façon sans doute ténue mais qui imprègne ce texte de façon incroyable.
Même si je reste circonspect sur le montage de ce roman qui, à mon humble avis aurait gagné à se prendre moins au sérieux en empruntant par exemple le chemin du conte philosophique, je reste persuadé que Julia Kerninon est une auteure à suivre. Quand on possède une telle plume, on a l'avenir devant soi !

2 commentaires:

  1. Comment résister à cette invitation...littéraire!
    Moi au contraire j'ai adoré le côté improbable de l'histoire, deux êtres que tout sépare...bonne dissection du sentiment amoureux, roman court mais puissant! Envie de lire Buvard en espérant qu'il n'absorbera pas mon engouement pour cette écrivaine que je découvrais.

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  2. Je viens de terminer "buvard", histoire elle aussi improbable, mais comme tout ce qui est improbable, ça m'a plu!!

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