Roméo, la quarantaine bien entamée est un médecin hospitalier dont la Juliette, aujourd'hui sous Prozac et préposée à ranger de vieux bouquins défraîchis dans une bibliothèque de Bucarest, s'appelle Magda. De leurs amours est née Eliza, leur fille unique, 18 ans et au taquet pour les épreuves du bac qui l'attendent le lendemain. L'avantage quand on travaille dans un hôpital roumain, c'est que l'on a beaucoup de loisirs ( si,si, on le verra au cours du film, le temps de présence ne doit pas dépasser les 10 heures/semaine ). Et quand on a du temps et une Juliette plus prompte à rester en vieille robe de chambre qu'à revoir son kamasutra, on prend une maîtresse . L'actuelle s'appelle Sandra et exerce la noble profession de maîtresse...d'école. Deux cerveaux bien remplis donc, mais pas en matière de contraception. On ne sait si c'est par manque de pilule, de préservatifs ou un excès de précipitation dans leurs ébats, mais Sandra tombe enceinte ! C'est une mauvaise nouvelle et si le scénario prenait cette voie, on pourrait penser à une resucée d'un précédent film du réalisateur ( " 4 mois, 3 semaines, 2 jours"). Non, cette tuile sera vite évacuée car, alors qu'il allait dégrafer le soutien-gorge de Sandra, le téléphone de Roméo se met à sonner. Ah ! Zut, ces mômes alors ! Toujours là pour nous enquiquiner quand il ne le faut pas. Sa fille Eliza, actuellement en salle de soins, vient d'échapper à une tentative de viol ! N'écoutant que son coeur de père, il abandonne précipitamment l'accorte enseignante et retrouve son épouse, plus véloce à se rhabiller que lui mais un poil soupçonneuse, dans les couloirs d'un hôpital où, normalement il aurait dû être. Bon rassurons-nous, l'agresseur n'a pas violé la jeune fille mais lui a cassé le coude. L'interne chargé de poser le plâtre annonce dans la foulée à Roméo que sa fille avait déjà rencontré le loup depuis longtemps... Cette nouvelle l'aurait sans doute anéanti si soudain, le baccalauréat que sa chère Eliza doit passer le lendemain ne lui avait sauté à l'esprit ! Bon sang, comment va-t-elle faire ? Traumatisée par l'agression, elle ne pourra pas être au summum de ses possibilités ! En plus, il apprend qu'avec un plâtre, qui comme tout le monde le sait peut cacher des antisèches, la salle d'examen est interdite ! Pourtant, ce bac il faut qu'elle le passe et qu'elle obtienne 18 de moyenne ( Mention TTB quoi !) sinon, l'entrée à l'université de Cambridge lui sera fermée !
Et nous voilà devant le grand sujet du film. Comment un discret et honnête fonctionnaire va soudain prendre ce chemin honni des petits arrangements et des compromissions. Comment un père va s'enfoncer pour que sa fille réalise coûte que coûte son rêve qui est en réalité le sien.
Le film, conte moral et politique, âpre, glacial, suit à la trace ce père symbole de la Roumanie d'aujourd'hui, rêvant d'un ailleurs loin de ce pays trop corrompu et cette adolescente, image d'un avenir peut être pas si noir. La mise en scène, aux apparences simples, multiplie les détails, comme autant de petits symboles suggérant une triste réalité. On creuse un trou devant l'appartement du médecin, on brise des vitres, les chiens errent, un enfant porteur d'un masque de loup apparaît de temps en temps, ...
"Baccalauréat" nous plonge au cœur de cette société petite bourgeoise roumaine, qui, après le communisme a pensé redresser le pays, n'y est pas arrivé et rêve que ses enfants, fuient cette triste réalité, désirant pour eux une vie meilleure. Mais ce rêve a un prix : celui de la corruption. Décider de la suite pour sa descendance est-ce une bonne idée ? Ce sont toutes les interrogations d'un film très structuré, frontal mais très froid. Du bon cinéma cultivant l'austérité.
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