Carole Matthieu exerce la profession de médecin du travail au sein d'une entreprise de démarchage téléphonique. L'ambiance dans l'open-space aux tonalités gris métal n'engendre pas la gaieté. Le management imposé aux employés ressemble fortement à une version moderne des galères royales où la brimade psychologique a remplacé le fouet. Sous chimie médicale, ces nouveaux forçats du libéralisme craquent les uns après les autres. L'un d'eux a même agressé cette pauvre Carole Matthieu alors que celle-ci ne leur veut pourtant que du bien. Mais une agression laisse toujours des séquelles et la brave médecin sombre petit à petit dans une dépression qui s'aggravera au fur et à mesure qu'elle prendra fait et cause pour ces salariés au bout du rouleau.
Après Discount , Louis-Jean Petit continue d'explorer le monde du travail et ses souffrances hélas devenues ordinaires. Pour traiter du sujet, fini l'humour solidaire, voici venu le temps du drame psychologique à la sauce suspens. Si la description sans nuance de cette entreprise fait froid dans le dos, le film quant à lui sombre très vite dans un maniérisme très peu convaincant. Alors que les germes de la révolte, matés avec pugnacité par les cadres dirigeants, voient le jour à la suite de meurtres troubles, Carole Matthieu, elle, erre comme un fantôme dans les couloirs de l'entreprise, le visage fermé, sans doute pour nous signifier la profondeur d'une névrose qui la ronge petit à petit. Sauf que très vite on se désintéresse de ce personnage trop hiératique et de cette histoire qui s'égare dans un montage intello/arty.
Au bout d'un moment, mon attention a déambulé elle aussi. Je me suis mis à penser au casse-tête auquel le réalisateur a dû faire face pour filmer la star Isabelle Adjani qui, là c'est une évidence, refuse d'apparaître vieillie à l'écran. Enveloppée dans un ample et long manteau rouge qu'elle ne quitte quasiment jamais, sa silhouette vacillante hante l'écran. Et quand il s'agit de filmer son visage, nous ne verrons surtout que des cheveux artistiquement plaqués, laissant dépasser un bout de nez et une bouche toujours d'une admirable jeunesse. Soudain, ce n'est plus une pathétique médecin du travail que nous voyons mais une grande actrice qui essaie de retenir, encore et toujours, le temps et une image qui, quoiqu'elle fasse, lui échappera toujours. Alors qu'importe le film, qu'importe les comédiens qui l'entourent, pourtant tous impeccables, j'ai regardé cette actrice habitant un personnage neurasthénique essayant d'accomplir une mission quasi impossible , toute colère rentrée mais se coulant aussi, poignante de fragilité, dans ce diktat sociétal et artistique qu'est le jeunisme. L'effet miroir de ce rôle, encore aux portes de la folie, reste très troublant et vampirise un film qui oscille sans cesse entre le film social et la mise en image d'une actrice fragile et émouvante, ces deux thèmes n'étant hélas pas très compatibles.
Merci pour votre verve si juste qui me fait souvent rire! Merci pour les belles découvertes (Ah-ga-ssi, Jimmy P., Bird Peolpe, Augustine, Vingt-et-une nuits avec Pattie, Le goût des merveilles... — Léonor de Récondo, Jean-Marie Laclavetine, Frédéric Ciriez, Olivier Bourdeaut, Maylis de Kerangal, Christian Oster, Alexandre Seurat...)
RépondreSupprimermuriel
PS : Matthieu avec 2 t
Merci pour votre message ! :) Et erreur ( horreur !!!) corrigée . Merci beaucoup !!
SupprimerEt trois fois dans le texte ;-)
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