jeudi 2 mars 2017

Tenue correcte exigée au Musée des Arts Décoratifs



Le musée des Arts Décoratifs nous propose avec son exposition "Tenue correcte exigée" une plongée dans les petits scandales que le vêtement et ses créateurs ont engendré au fil des siècles.
Dans une suite de vitrines joliment organisées, mêlant aux vêtements des tableaux et des objets, nous déambulons dans un endroit relativement sombre, slalomant au milieu de groupes massés devant leur guide et donc collés devant les pièces exposées ( et souvent en train de smser sur son portable).  . Rançon du succès d'une présentation riche et légère,... mais attention aux apparences !
Le vêtement, et par extension la mode, restent symboles de légèreté. L'exposition, avec une pédagogie douce, pour peu que l'on lise les cartels, nous prouve le contraire. De tout temps, l'excentricité vestimentaire précède les changements sociétaux. Bien sûr, quand Marie-Antoinette, grande élégante provocante, revêt une sorte de pantalon pour une chasse à courre, elle fait figure de pionnière à une époque où le port du pantalon par les femmes relève de la science-fiction. Toutefois, la lutte pour le  passage de ce vêtement masculin dans la garde-robe de madame Toutlemonde, est remarquablement mis en scène. Des premières culottes pour vélocipèdes, aux premiers pantalons de Gabrielle Chanel, en passant par le smoking de Marlène Dietrich ou de Yves Saint-Laurent, tout est là, sous nos yeux, entre nostalgie et libération de la femme.
Face à ce combat, la jupe pour homme apparaît encore  comme une  proposition jugée incongrue, même si devant des modèles Dries Van Noten ou Jean-Paul Gaultier, certaines visiteuses trouvaient cela pas si vilain au final.... En tous les cas, l'homme en jupe ou en robe a suscité de la part des visiteuses moins de commentaires négatifs que les propositions unisexes de la fin des années 60, souvent de longues tuniques, parfois pas loin des robes de bure des moines mais quelquefois plus luxueuses ou clinquantes, avec des découpes un peu sexy comme dans les modèles d'inspiration sumérienne de Jacques Esterel qui ont laissé pantoises un couple de soixantenaires bien mises qui n'imaginaient pas une seconde Jean-Edouard dans un tel accoutrement.
Tout au long de l'exposition, court ce sentiment que le vêtement répond à une norme mais que, surtout depuis le 20 ème siècle, les couturiers veulent casser à tout prix ces diktats, interrogeant implicitement, ou frontalement parfois, le concept de genre mais aussi d'une supposée bienséance, variable selon les périodes. Alors, on découvre ou redécouvre avec émotion ou curiosité, le premier bikini tout comme le premier maillot de bain féminin seins nus, la première mini-jupe ( ce n'est pas celle de Mary Quant!), la robe bustier Gaultier portée par Madonna ou les jupes pour homme Rick Owens laissant apparaître le pénis.
L'exposition nous rappelle toutefois que dans le marché de la mode, il a été un temps où le scandale devenait obligatoire pour faire parler de soi et donc, à terme, vendre. Sont ainsi exposées des pièces dites scandaleuses ou importables, de chaussures trop hautes aux magnifiques robes insectes de Thierry Mugler. Pour moi, la plus surprenante, parce que quasiment une oeuvre d'art, est sans doute une des robes du défilé Dior par John Galliano sur le thème des SDF ( qui a valu à la marque une manif justifiée devant sa boutique de la rue Montaigne ). Cependant, si  l'on regarde la robe de près, ce mélange d'objets de récup avec cet alliage hallucinant de papier journal et de tissu vieilli, déchiré, fascine comme l'oeuvre troublante d'un créateur sans doute génial.
Quoiqu'il en soit, passionné de mode ou pas, cette promenade dans les vêtements qui ont causé scandale, en plus d'être une véritable machine à remonter le temps, démontre aussi que ces bouts de tissu ne sont pas uniquement des objets de consommation ordinaires, mais parfois, sous les idées visionnaires de créateurs souvent en avance sur la société,  des éléments de combat pour une vie plus proche des désirs de liberté de l'humain.

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