Le premier roman de Maja Lunde, auteure suédoise plutôt portée jusqu'à présent sur la littérature jeunesse, semble avoir réuni les ingrédients d'un best-seller ( ce que l'éditeur ne manque pas de préciser en quatrième de couverture, se vantant que cette saga écologique serait en cours de traduction dans une dizaine de pays...). Sa recette surfe sur la vague écolo en focalisant sur ce sympathique petit animal persécuté par les pesticides et en passe de devenir star malgré son dard : l'abeille mais aussi, sur cette tendance d'entrelacer trois récits pour donner de la densité à des histoires qui parfois n'en n'ont pas vraiment ( comme l'épouvantable " Tresse" de Laëtitia Colombani dernièrement).
Je dois le reconnaître, les premières pages m'ont scotché et me suis donc enfoncé confortablement dans mon fauteuil... ( en fait j'étais allongé sur l'herbe, dans mon jardin, des abeilles butinant mes fleurs,... moins souple mais plus raccord !), ayant le sentiment que je tenais un ouvrage dont j'aurai du mal à me détacher.
J'ai donc été transporté en Chine en 2098. Dans des vergers surdimensionnés, une jeune mère, brave, zélée et travailleuse, Tao, se déplace silencieusement et précautionneusement sur les branches fragiles d'arbres fruitiers en fleur pour les polliniser à la main. Suite à la disparition de tous les insectes, abeilles comprises ( merci Bayer !), les chinois se sont emparés de ce nouveau créneau à fort potentiel économique : remplacer les pollinisateurs par des humains. Ce travail aux apparences bucoliques n'est qu'une nouvelle version, certes au grand air, d'un boulot débilitant, voire concentrationnaire, exploitation, semaines de 60 heures et sanctions sont le lot quotidien des ouvriers parqués dans des baraquements dont ils ne peuvent guère sortir. Premier chapitre choc et qui impose d'emblée un décor original.
Le chapitre suivant nous renvoie illico d'un trait de plume ( ou de stylo bille ou de clavier) dans l'Angleterre des années 1857. L'époque n'est guère plus joyeuse pour les travailleurs, mais le nouveau personnage que l'on nous présente, William, à échappé au labeur dans des usines que l'on imagine encrassées par la fumée noire des cheminées, puisqu'il est commerçant. Enfin, il était...car, il a fermé boutique pour dépression. On le retrouve couché toute la journée, sale et broyant du noir. Son épouse et ses nombreux enfants vaquent et vivent comme ils peuvent.
Nous avons eu à peine le temps de saisir que ce pauvre anglais dépressif avait peut être des velléités pour l'entomologie que nous sommes envoyés presto dans l'Ohio en 2007, chez George, un apiculteur assez heureux dont le seul souci pour l'instant de savoir si son intello de fils reprendra ou pas la ferme familiale.
Vous l'aurez compris, ces trois histoires vont se poursuivre, entremêlant leurs intrigues pour nous brosser une histoire des abeilles au fil des siècles, de l'invention des premières ruches accessibles à l'homme jusqu'au début de leur disparition puis des conséquence pour l'homme et son environnement. Le thème est porteur, riche. L'écriture, simple, joliment déliée. Hélas, la saga perd très vite de l'intérêt. Chacune des histoires patine invariablement. La première, quand même la plus réussie grâce sans doute à son côté anticipation, traînasse dans une Chine déglinguée pour s'acheminer vers un final que l'on avait deviné quasi depuis le début. La partie américaine contemporaine ouvre des pistes psychologiques intéressantes mais que l'auteur refuse de prendre, acheminant le récit vers la banalité. Quant à la troisième histoire, elle s'étire lentement, jouant sur des ressorts dramatiques pas toujours crédibles.
J'ai refermé le livre assez dubitatif ( oui je suis allé jusqu'au bout, c'est facile à lire !). Le thème, intéressant avec sa construction pas vraiment originale mais pertinente, a subi un traitement tellement sage, presque trop mignon, que l'intérêt tombe au fil des pages. J'ai commencé à regarder les vraies abeilles de mon jardin, mon esprit pensait à se faire une tartine de miel. Je rêvais que le texte me pique un peu... et au final, les abeilles avaient presque disparu....
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