Voici donc ce qui peut être considéré comme la suite de "Jeune fille", publié en 2007 et qui permet à Anne Wiazemsky de jeter un coup d'oeil par-dessus son épaule et de nous raconter sa vie finalement très romanesque.
Bien sûr, pour peu que l'on ne soit pas passionné de cinéma, on risque d'être un sérieusement agacé à la lecture de ce qui est somme toute le récit d'une jeunesse dorée. Anne, l'héroïne et l'auteur, vit avec sa mère chez son grand-père qui n'est autre que François Mauriac. Nous sommes en 1966, le grand écrivain tient toujours son billet dans "L'express" et elle, à 18 ans, a débuté au cinéma sous le direction de Robert Bresson.
Tout n'est pourtant pas rose pour la jeune fille : elle doit repasser son bac en septembre, craignant une mauvaise note en philo et commence à étouffer dans son milieu bourgeois un rien conservateur.
Je vous rassure tout de suite, le problème de la philo est réglé lors d'un cocktail chez Gallimard où elle est invitée par son camarade de classe Antoine (Gallimard, bien sûr). Elle demandera tout simplement à un grand philosophe présent à ce raout de lui donner quelques cours durant l'été.
S'émanciper de son milieu si sclérosant s'avère également facile. Il lui suffit d'envoyer une lettre, courte mais directe, à un grand réalisateur de la Nouvelle Vague et hop, le tour est joué. Ils deviennent vite amants, et malgré une vague désapprobation familiale, se marieront en cachette.
Nous avons là, la trame d'un psychodrame bourgeois, du type qui font grincer les dents du commun des mortels, qui ne vit plus à l'époque de la fascination des riches mais plutôt dans une exécration de tous ces nantis pour qui tout est normal et facile. Ce roman semble écrit pour toute une frange de la société parisienne, celle qui brille et qui pétille à longueur d'année dans les gazettes aux papiers glacés. L'irritation pointe son nez au détours de quelques anecdotes piquantes pour l'auteur, mais un rien snobinardes pour le lecteur lambda.
Mais, pour moi, le roman est sauvé par toute sa toile de fond cinématographique. Comme j'aime le cinéma, j'ai adoré découvrir un Jean Luc Godard intime, amoureux, jaloux, possessif et pouvant tomber dans la méchanceté, voire la violence. Il est, à lui seul, un vrai personnage de roman. On assiste à la préparation et au tournage de "La chinoise", moments proches de la comédie et dont l'auteur nous fait une description assez ironique. Au-delà du côté people de cette évocation, toute cette époque pré-soixantehuitarde est formidablement restituée, avec ses maoïstes, la fac de Nanterre et le cinéma totalement foutraque d'un Godard, diaboliquement intelligent mais un rien fêlé. Tout cela est remarquablement écrit, sans affect, comme si la vie n'avait imprimé aucun jugement sur ce passé.
Ce roman est à conseiller à tous ceux qui aiment le cinéma et pas seulement aux adorateurs du cinéaste suisse. Les autres, à moins d'être des lecteurs assidus du Figaro, n'y verront que le récit plaisant, mais un poil agaçant, d'une jeune bourgeoise dessalée.
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