Profitant de quelques jours de vacances, j'en ai profité pour me plonger dans ce qui semble être le roman de la rentrée, plus fort que le Goncourt et le Médicis réunis, je veux parler de "Limonov" d'Emmanuel Carrère couronné du prix Renaudot.
Sauf si vous habitez au fin fond de la Sibérie ou si la littérature ne vous intéresse pas, vous savez déjà que l'auteur de "La classe de neige" et de "L'adversaire", nous propose cette fois-ci un portrait d'Edouard Limonov, homme pas tout à fait sympathique, à la fois auteur russe underground, homme politique (?) aux idées ambigües et personnage évidemment romanesque.
Ce livre, très facile d'accès grâce à une écriture légère et précise, n'est pas vraiment un roman, mais pas non plus une biographie au sens habituel du terme. Emmanuel Carrère profite de la vie de Limonov pour nous retracer cinquante ans d'histoire russe de 1942 à aujourd'hui. C'est complètement passionnant, même si cela passe par moment par le prisme de son héros, qui fréquente plus les bas fonds que le pouvoir, assez facilement des généraux infréquentables et des intellectuels aigris. L'auteur nous balade d'une banlieue sordide ukrainienne, au Moscou bohême des années Brejnev, puis l'exil dans les bas-fonds new-yorkais dans lesquels Limonov sera tout à tour clodo, dragueur de grands blacks gays, majordome et j'en passe. Puis ce sera le Paris des années Palace et de l'Idiot international de Jean Edern Hallier pour revenir en Russie après un détours par le conflit serbo-croate. On ne s'ennuie pas un instant et en plus tout cela nous remet en mémoire des noms, des événements que j'avais, pour ma part, un peu oubliés.
Et puis, s'ajoute à cela, Emmanuel Carrère, qui, comme dans ces derniers ouvrages, est très présent dans le livre. Il nous parle de lui, de sa mère, grande spécialiste de la Russie et même son père est évoqué, pour la première fois je crois. Si dans "Roman russe", il apparaissait sous un jour plutôt déplaisant et dans "D'autres vies que la mienne" il éclairait une partie plus solaire de sa personne, ici, dans "Limonov", il semble plus tourmenté (normal me direz-vous pour un livre qui parle de la Russie). J'ai l'impression qu'au milieu de ses projets littéraires ambitieux, il essaie, en creux de nous parlait de lui, comme s'il avait des comptes à régler avec les siens, son passé, sa vie. Je me trompe peut être, mais je le sens comme un peintre pointilliste. Son portrait est à peine commencé, nous n'avons droit qu'à quelques points de-ci, de-là, mais ses prochains ouvrages risquent de compléter un peu plus le tableau, jusqu'à délivrer une photo plus nette de sa personne.
Quoiqu'il en soit, on sent qu'Emmanuel Carrère éprouve une fascination trouble pour Limonov et qu'il sait parfaitement nous la faire partager au travers d'un livre hautement recommandable.
Wowo ! Vous avez dû vous mouiller la chemise pour écrire tout cela ! Vous êtes sacrément plus prolifique que moi! J'ai essayé de tenir un blog sur le même domaine que vous mais ça prend trop de temps. Finalement je préfère suivre les autres et le votre est vraiment bien.
RépondreSupprimercela donne envie d'en savoir plus
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