1980. Jérôme Demortelle, quittant son Dieppe natal, s'installe à Paris et compte bien percer dans le milieu musical tout en poursuivant une licence en histoire de l'art.
Avec un titre nous rappelant le Rastignac de Balzac, Benoît Duteurtre inscrit d'emblée son nouveau roman dans un lignage déjà bien balisé : la montée à la capitale d'une jeune personne rêvant de réussite. Seulement, Jérôme n'a pas l'ambition d'un Rastignac, ni l'allure bien tournée d'un Bel Ami. C'est un jeune provincial bien élevé, qui, malgré une dégaine vaguement punk, garde le vernis de sa bonne éducation.
Dans ce Paris qui commence à devenir la proie des investisseurs, où les petits bars, les commerces de proximité s'effacent au profit des chaînes de vêtements et des restaurants américains, Jérôme fera des rencontres illusoires. Déjà les portes de la notoriété sont gardées par des physionomistes impitoyables, le talent et la culture laissant la place à la vitrine et au clinquant. Ce ne sont pas les vagues petites célébrités hippies sur le retour ou les jeunes rockers cocaïnés qui lui permettront de se faire une place sous le soleil des projecteurs du Tout Paris.
Roman nostalgique, "A nous deux, Paris !" se lit facilement. Benoît Duteurtre sait mener un récit, le ponctuant d'un humour léger, parfois mordant mais jamais méchant. Il glisse de nombreux détails historiques ou sociologiques sans jamais être pesant. L'évocation du Paris des années "Bains Douches" et des différents styles de musique ayant émergé ces années là, est parfaitement rendu.
Cependant, il m'a manqué quelque chose pour faire de ce roman un vrai coup de coeur. Peut-être est-il trop à l'image de son héros : un poil trop sage, un peu trop policé. Bien sûr Jérôme fume des joints, s'envoie des rails de coke, a une sexualité hésitante mais malgré tout ça, il manque un peu de folie. Même si les trois épilogues qui achèvent le livre secouent un peu le lecteur, il m'a manqué ce petit quelque chose qui fait qu'un roman ne sera pas l'aventure d'un soir (comme après une nuit aux "Bains Douches") mais un de ceux qui resteront ad vitam aeternam dans ma bibliothèque.
"A nous deux, Paris !" est un bon livre mais destiné à une génération tranquille, qui attend un moment romanesque bien écrit ronronnant intelligemment sur les genoux. Dans une rentrée romanesque très dense, c'est déjà un bon point.
Critique intéressante ! Cette petite chose qui fait que le roman bascule et ne s'oublie pas. Tandis que d'autres... Je n'ai lu qu'un livre de lui (Les Pieds dans l'eau sur mon blog) et j'ai eu l'impression qu'il n'avait que sa propre vie comme matière première à ses romans : c'est un peu pauvre et nombriliste quoi !
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