Coup de coeur BD de la rentrée
Marcinelle en Belgique n'est pas que la ville d'où ont émergé les grands dessinateurs de BD des années 50. C'était aussi, à la même époque, une des capitales du charbon avec ses terrils et ses corons. Et c'est aussi l'endroit d'une épouvantable catastrophe qui a coûté la mort à 262 mineurs qui reste gravée dans la mémoire des belges. Sergio Salma se propose avec cet album, très loin de ses productions habituelles, de rendre hommage à ces hommes qui ont péri en août 1956.
Si le drame de Marcinelle est le prétexte à cet album, il ne se résume pas à une simple illustration de ce fait divers. C'est surtout et avant tout un très émouvant hommage à tous ses mineurs d'origine italienne qui, après guerre, sont venus travailler en Belgique suite à un accord commercial entre les deux pays. A travers le personnage de Pietro, Sergio Salma fait revivre par touches subtiles, le quotidien de ces charbonniers venant d'un pays ensoleillé et s'enfonçant dans la mine au lever du soleil pour en sortir la nuit tombée. Tout y est suggéré avec finesse, la communauté italienne soudée avec ses habitudes de vie plutôt joyeuses et colorées, son catholicisme fervent, ses lois familiales et ses vespas. Mais aussi le racisme ordinaire envers ses "macaronis" toujours soupçonnés de tirer au flanc, les rêves de retour au pays ou le désir de rester dans cette sombre terre d'accueil. Et puis, il y a la rencontre fortuite entre Pietro et Françoise, jeune et belle bourgeoise belge, un peu esseulée, qui va faire rêver le mineur italien pourtant marié et père de famille. De fil en aiguille, le début d'un amour va se glisser dans une vie de labeur et de résignation.
Semblant de bonheur et malheur se mêlent admirablement dans cet album peu bavard mais à l'intensité dramatique parfaite. Le destin de tous ces personnages est lié à une incommunicabilité terrible. L'accident qui a causé le drame de Marcinelle est le résultat d'un malentendu entre un ouvrier belge et son homologue italien dont le français était trop rudimentaire. De la rencontre de Pietro avec son vocabulaire très utilitaire et de la belle belge, naîtra également une méprise, faisant gamberger involontairement le mineur italien.
C'est beau, fort, poignant et surtout, quel dessin ! J'avoue que j'ai été un petit peu sceptique avant le lecture de l'album, mon esprit encore imprégné des précédentes production de l'auteur. Mais, ici, quel talent ! Une émotion intense se dégage des illustrations en noir et blanc des charbonneries, du travail des mineurs, de la salle des pendus. Avec un minimum texte, chaque illustration sur le drame de Marcinelle en dit plus que des pages entières de reportages. Du grand art !
"Marcinelle 1956" n'est pas uniquement réservé aux anciens mineurs et à leurs familles, c'est avant tout une magnifique histoire en hommage à tous ces hommes qui, quelquefois au péril de leur vie, ont servi les intérêts économiques d'une Europe triomphante mais guère reconnaissante. Merci Monsieur Salma pour ce coup de projecteur qui saura , je n'en doute pas, rencontrer le chemin de beaucoup de lecteurs.
J'ai moi aussi beaucoup apprécier cet album. Un beau témoignage sur la Belgique des années 50.
RépondreSupprimerMon modeste avis : http://litterature-a-blog.blogspot.fr/2012/09/marcinelle-1956-de-sergio-salma.html