vendredi 21 septembre 2012

Le bruit des clefs d'Anne Goscinny


Les éditions Nil dans leur collection "Les affranchis" demandent à des auteurs d'écrire "la lettre qu'ils n'ont jamais écrite". Annie Ernaux, Yves Simon et beaucoup d'autres se sont déjà pliés à l'exercice. Paraît ces jours-ci, la lettre d'Anne Goscinny à son père, René, le créateur, faut-il le rappeler, du petit Nicolas, d'Astérix ou de Lucky Lucke.
"Le bruit des clefs" est un long courrier , foisonnant, d'une fille encore désemparée par la disparition de son père trente-cinq ans auparavant. Elle a tant de choses à dire que les mots se butent, s'entrechoquent, dans un déferlement d'anecdotes, de souvenirs plus ou moins heureux, tendres ou émouvants.
C'est un peu foutraque mais derrière chaque phrase, une émotion difficilement contenue suinte au fil des pages, donnant au lecteur un sentiment de vide intense. A cause de l'héritage laissé par René Goscinny et des nombreux hommages auxquels elle se doit de participer, ce père qui a quitté l'auteur quand elle avait neuf ans, hante littéralement sa vie. Il est toujours présent, faisant perdurer ce manque d'une enfance escamotée et volée doublement, sa mère ayant été atteinte d'un cancer dans les années qui ont suivi. Entourée des héros immortels créés par son père, Anne Goscinny vit, survit peut être, grâce au génie de son père qui la porte, année après année, comme un ange bienveillant.
Quand elle écrit : "De ton univers, tu es le seul mort. Moi j'aurais aimé être l'un de tes personnages : une enfance qui ne finit pas. Une bulle dans une case. C'est tout.", on ressent fortement le chagrin qui l'accompagne. Nous, lecteurs, notre enfance (et notre âge adulte aussi) a été bercée, enchantée par l'humour de son père. Elle, n'a eu que quelques petites années d'un amour formidable et partagé qui s'est brusquement arrêté en 1977. Cette enfance volée, ce deuil quasi insurmontable, vécu au milieu de héros emplis d'humour, cette recherche éperdue et impossible d'un nouveau père sont superbement résumés dans cette phrase à la fin de sa lettre : "Quand je te lis, je ris aux larmes. Qui vient d'abord des larmes ou du rire ?". Poignant !



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