Adapter François Mauriac en 2012 n'est pas chose courante, ses romans étant un peu tombés dans l'oubli. On peut penser que les thèmes développés dans "Thérèse Desqueyroux" sont un peu démodés, que les histoires de riches propriétaires terriens et des états d'âmes d'une bourgeoise très provinciale sont d'une autre époque. C'est oublié un peu vite que l'âme humaine, quelque soit les époques ou les lieux ne change guère.
Ici, nous sommes dans les années 20, au fin fond des Landes, là où les pins forment une immensité déprimante pour quelqu'un que la sylviculture ne passionne pas. Thérèse, héritière de nombreuses hectares de résineux, s'unit en même temps que ses arbres à Bernard, lui aussi possesseur d'innombrables hectares de pins. Mariage de raison qui bien vite tourne à l'aigre. Autant Thérèse peut être originale et sensible à la culture (par les livres) que Bernard est lourd, vaguement antisémite et surtout profondément ancré dans les traditions d'une bourgeoisie confinée. Se sentant de plus en plus prisonnière, elle ira jusqu'à essayer d'empoisonner son mari.
Comme dans le roman de François Mauriac, le film est le récit d'une libération, le portrait ambigüe mais féministe d'une femme dont on a un peu de mal à partager tous les sentiments. Audrey Tautou est parfaite dans ce rôle, à la fois, coupante, glaciale et calculatrice mais aussi perdue, révoltée ou anéantie. Parfaite comme le reste de la distribution, comme la reconstitution d'époque et comme les costumes auxquels il ne manque aucun bouton. Et c'est peut être là que le film de Claude Miller pêche un peu. Il est est trop joli, l'image est trop belle. Les pins sous le soleil brulant de l'été, le lac aux eaux claires sur lequel vogue un bateau aux voiles rouges... On se croirait dans un dépliant touristique. C'est agréable à l'oeil mais à aucun moment on ne sent la résine, la terre, et surtout cet ennui énorme de vivre à l'année au milieu des pins, loin de tout. Chez Mauriac, on ressentait cette chape de silence et la tristesse d'un hiver, entouré de troncs noirs et sinistres à perte de vue, semblables aux barreaux d'une prison. On comprenait que Thérèse, qui avait connu lors de ses études la grande ville et ses attraits, voyait sa vie prendre un chemin pas vraiment conforme à ses rêves.
Ce sont ces sensations qui manquent à ce film trop léché et trop sage pour être réellement convaincant. Reste un joli portrait de femme, comme les a souvent montrées Claude Miller, volontaires et tournées vers la conquête d'une certaine liberté. Message important dans une période qui risque de reprendre quelques acquits durement gagnés.
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