Il y a dans "Canada" tous les ingrédients d'un grand roman américain, un de ceux qui peuvent vous emporter très loin ou vous marquer profondément.
Nous sommes durant l'été 1960, dans une petite ville sans vraiment d'âme, avec une famille d'américains moyens. Le père , Bev, ancien capitaine d'aviation, se dévalorise un peu plus chaque jour en échouant à trouver un métier qui pourrait donner un nouveau sens à sa vie ainsi que quelques dollars de plus pour faire vivre sa famille. Encore bel homme, un peu hâbleur, il forme avec son épouse Neeva, à l'apparence terne et au physique plus que quelconque, un couple un peu dépareillé. Ils sont les parents de jumeaux de quinze ans : Berner, une jeune fille au bord de la rebellion et Dell, son frère cadet de quelques minutes, qui sera le narrateur de ce récit.
Cette famille classique et sans histoire, va exploser un jour d'été, lorsque les parents commettent un hold-up dans une petite succursale bancaire du Montana et se retrouvent emprisonnés. Les enfants, oubliés des services sociaux, se sépareront, l'une prenant la route pour la côte est, l'autre passant clandestinement la frontière pour atterrir dans un endroit sordide du Saskatchewan au Canada.
Intrigue prenante, écriture magnifique (et admirablement traduite sans doute), on a affaire à un grand romancier qui sait aussi bien sonder les âmes que nous projeter avec infiniment de finesse et de précision dans le salon d'un pavillon ordinaire que dans un un hôtel miteux, perdu au fin fond d'une contrée pas riante pour deux sous.
Seulement, malgré cet indéniable savoir faire, je suis resté un peu sur ma faim. Divisé en trois parties (la dernière ne faisant qu'une vingtaine de pages), le roman s'attarde essentiellement sur deux éléments de l'intrigue. : le hold-up avec le ressenti du narrateur sur cet élément fondateur de sa personnalité et son séjour canadien dans un bled inhospitalier et froid, peuplé de rebuts de la société.
Moments forts, bien sûr, extrêmement bien rendus, trop peut être... tout y est décrit minutieusement, méticuleusement, aucun détail, même le plus infime n'est épargné. Cette précision extrême, tant dans le décor que dans la tête du personnage principal, se déroule au détriment de l'intrigue qui n'avance guère, surtout dans la première partie. On ne s'ennuie pas (mais on n'en est pas loin), car on est porté par l'écriture et l'atmosphère aux rendus vraiment impressionnants. Mais, tout ça pour quoi ? me suis-je demandé au bout d'un moment.
D'accord pour ausculter deux événements traumatiques et initiatiques qui laissent une trace indélébile toute une vie. D'accord aussi pour cette brillante réflexion autour des frontières, de celles qui, géographiquement mais aussi psychologiquement, séparent les êtres, le bien et le mal. Mais, j'aurai aimé en savoir un peu plus sur les conséquences et les résonances dans la vie adulte des personnages. Ce n'est pas le court épilogue qui m'a contenté. Trop vite brossé, il apparaît en fait comme une conclusion un peu hâtive et, au final, décevante.
"Canada" aurait pu être le grand roman d'une Amérique insatisfaite, en proie à des désirs impossibles. Ca l'est quelque part bien sûr, mais sans pour autant embarquer totalement le lecteur, le laissant un peu désemparé, face à un personnage principal peut être pas assez attachant et une intrigue trop ramassée pour donner le frisson d'un très grand livre.
Ce livre a été lu dans le cadre de l'opération "On vous lit tout", organisée par le site des mordus de lecture Libfly et le Furet du Nord.
J'ai souvent des problèmes avec les romans américains, un peu trop bavards à mon goût. Mais chut !!! j'ai peur que nousne soyons pas nombreux à penser cela.
RépondreSupprimerL'action au cinéma, les longs bavardages explicatifs à la littérature ? Oui, c'est un peu ça en schématisant.
RépondreSupprimerJe viens de le terminer et je lis les différents avis avant de faire ma chronique et je trouve très juste ce que vous écrivez, on reste un peu quand même sur sa faim et les commentaires élogieux de certains parlant d'un roman qui fera date sont vraiment exagérés même si on trouve des moments magnifiques au détour de chapitres très intimistes.Le lecteur de Noir, par contre, n'y trouvera pas son bonheur,tout suspense étant tué par ce teasing littéraire.
RépondreSupprimerj'avais un peu peur de la troisième partie. J'aurais presque préféré m'arrêter avant. Un grand roman pour moi.
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