Mon premier coup de coeur de la rentrée
Le titre du troisième roman d'Isabelle Monnin est à l'image de son contenu : surprenant et romanesque.
"Daffodil Silver" évoquait pour moi quelque lieu inconnu, plutôt situé en Amérique du Nord, genre une ferme au Texas ou un canyon dans le Colorado. En fait, c'est le nom de la narratrice. Daffodil est son prénom (jonquille en anglais), donné par sa mère pour respecter une vieille tradition familiale où toutes les filles portent un nom de fleur ( et les garçons un nom d'arbre).
Nous rencontrons Daffodil, petite quarantaine, dans un bureau que l'on devine sombre et poussiéreux. Elle est face à un notaire pour régler la succession de ses parents. Et c'est à lui, dans le secret bien calfeutré de son étude, qu'elle va conter son histoire et surtout celle de sa famille et de quelques amis.
Enfant unique, elle vivra aux côtés d'un couple assez singulier. Son père, fils d'un diamantaire américain, épaule sans sourciller son épouse Lilas, obnubilée jusqu'à la folie par le décès prématuré de sa soeur Rosa à 26 ans. Cette mère consacrera sa vie à essayer de faire vivre, revivre artistiquement, cette soeur, moitié que la mort lui a arraché et dont elle n'arrivera jamais à faire le deuil.
Evidemment le pitch laisse présager une énième plongée dans un pathos larmoyant autour de la disparition d'un être cher et de l'absence comme il en existe des mètres sur les rayonnages des librairies.
En fait, deuxième surprise, pas du tout ! Ou pas que... loin de là. Sans jamais oublier que nous sommes dans un roman, en donnant constamment une épaisseur à ses personnages au travers d'anecdotes, de scènes farfelues, tendres ou émouvantes, le livre avance doucement, sûrement. Isabelle Monnin brode avec un talent inouï, une histoire où deuil et enfance se mélangent comme les fils inséparables d'une vie peu banale, extraordinaire et douloureuse. Si le fantôme de la morte rôde inlassablement au-dessus de Daffodil, elle restera une enfant sensible, ouverte à toute sorte de sensations. Et l'auteur, avec une écriture sensuelle, charnelle, poétique aussi, précise, joueuse, nous fait partager tout en finesse et en douceur, une palette de sentiments universels sans jamais verser dans la facilité. Cet équilibre subtil et délicat est maintenu jusqu'au bout. Et quand le récit se termine, ayant lentement dérivé vers la fable, le lecteur referme le livre ému et pour longtemps troublé.
La dernière surprise, toute personnelle, c'est que je ne m'attendais pas à ce que ce roman me plaise autant, ayant peu apprécié le précédent ( " Second tour ou les bons sentiments" ).
Force est de constater qu'ici, Isabelle Monnin déploie un talent d'écriture indéniable et arrive à créer un univers romanesque d'une densité rare en cette rentrée littéraire très portée sur le politique. Et quand on arrive à concilier aussi bien ces deux éléments, je ne peux que m'incliner et souhaiter que beaucoup de lecteurs cueillent "Daffodil Silver" et que quelques lauriers couronnent ce roman qui sait toucher avec autant de grâce.
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