Une bande de jeunes garçons, 20 ans, surfent dans l'aube naissante d'un matin de février. Retour vers la ville les yeux remplis de vagues, la fatigue, l'accident. Simon est dans le coma, hémorragie cérébrale, pronostic vital engagé. Mère affolée, père tétanisée, équipe médicale se préparant au pire. La mort est là, seulement suspendue à une machine qui ne sera débranchée qu'après avoir essayé auprès de la famille de Simon l'autorisation d'obtenir certains organes... La vie, la mort, la vie, tout ça sur une journée, tourbillon d'émotions, de drames, d'hommes et de femmes anéantis ou prêts à aider l'autre. A la télévision cela s'appellerait "24h chrono", en littérature "Réparer les vivants" parce que l'on ne fait pas dans le clinquant ou le tape à l'oeil, mais dans l'humain.
Maylis de Kérangal est une styliste du roman. Sur sa trame simple, elle insuffle son regard de grand écrivain, fouille les âmes, les cerveaux, les comportements. Elle donne corps à n'importe quelle situation, éclairant le moindre ressenti intime avec des mots que seul un grand observateur sensible peut écrire. On se retrouve tour à tour accro au surf, mère en souffrance, médecin de réanimation, malade cardiaque, infirmier spécialisé, avec doutes, tourments, désirs. C'est d'une précision redoutable, d'une intelligence époustouflante. Elle arrive à nous faire éprouver des sentiments, des sensations que bien souvent il nous est impossible de mettre en mots. De l'attente énervante d'un SMS à la posture de maîtrise absolue d'un chirurgien face à une transplantation cardiaque, rien n'échappe à son oeil et à sa plume d'écrivain d'aujourd'hui. Car, bien au-delà des personnages, c'est toute une société qui vit, qui bouge, qui souffre, qui aime, qui travaille, qui s'entraide qu'elle nous dépeint, mais aussi son décor, son habitat, sa place dans une histoire collective. C'est toute la dureté de la vie et le formidable élan que la passion de quelques uns apporte à l'humanité qui se trouvent ici réunis pour former un des romans les plus forts de l'année. Sans une once de mièvrerie, mais sans pour autant ériger des statues, l'auteure de "Naissance d'un pont" et " Tangente vers l'Est " nous offre ici un récit captivant et sensible.
Cependant, comme j'aime beaucoup, je vais quand même donner un petit, tout petit, ressenti négatif. Ce roman est exigeant, pas facile d'accès. Cette plongée constante dans l'intime des personnages est quelquefois tellement précise que le vocabulaire employé, mais plus souvent la longueur des phrases utilisées, peuvent dérouter un lectorat habitué à moins de descriptions aussi pointues. Et quelquefois, alors que le timing de cette histoire est quand même haletant, Maylis de Kérangal m'a semblé un peu pêcher par orgueil. Des références, souvent historiques ( Les Bronté, Rembrandt, ....) viennent ralentir, subrepticement, le texte, comme si à l'impeccable rendu des sentiments ou des techniques, elle voulait aussi prouver la possession d'une grande culture.
Mais qu'importe ces broutilles, "Réparer les vivants" est de toute évidence un des grands romans de cette rentrée, un véritable coup de poing littéraire dont on ne peut qu'admirer le talent d'écriture, le souffle extraordinaire et l'humanité vivifiante qu'il dégage.
Bonjour, ce livres est magnifique par le thème et l'écriture ! Contrairement à toi, j'ai trouvé que les références culturelles ( pas si nombreuses non plus) s'inséraient parfaitement et donnaient encore plus de puissance à cette histoire !
RépondreSupprimerQue de mousse dans cette écriture, que de mots et de phrasages inutiles
RépondreSupprimerOui, on peut voir ça comme ça, mais cela permet aussi d'inscrire ces personnages dans la réalité, au coeur de la vie.
RépondreSupprimerCe livre est un joyau!! Cela faisait longtps que je n'avais pas pris tant de plaisir à LIRE, à tous les sens du terme!
RépondreSupprimerTalent d'écriture, c'est indéniable. Quant au reste… je crains de n'avoir été moins emballée. Dommage !
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