vendredi 10 février 2012

Crépuscule de Michaël Cunningham


Je viens de terminer le dernier roman de Michaël Cunningham dont au moins deux de ces précédents livres, "Les heures" et "La maison du bout du monde", m'avaient  très agréablement impressionné. 
Je ne pense pas que ce "Crépuscule" laisse une trace impérissable dans la littérature contemporaine. 
Pourtant la quatrième de couverture pouvait, comme d'habitude, laisser croire à un possible chef d'oeuvre... Je vais essayer de vous la décrypter.
Au coeur d'un New York insomniaque, un roman éblouissant sur l'art, le désir, le couple, la mort.
Là, c'est clair, c'est la phrase type sur laquelle moultes chroniqueurs littéraires vont pouvoir broder à l'infini, surtout s'ils n'ont pas lu l'ouvrage. New York la nuit, c'est chic et clinquant. Les thèmes abordés, pas forcément originaux, sont de ceux qui font le régal de tous les magazines féminins et ainsi l'éditeur est sûr que le bouquin arrivera à s'intégrer, même petitement, dans la page "Livres à lire" ou "On adore".
Le grand retour de Michaël Cunningham pour une oeuvre d'une douloureuse beauté.
Quand sont employés les mots "grand retour", c'est, même si on ne connait pas l'auteur, le signe d'un grand écrivain. On imagine une foule d'aficionados qui attend, bave aux lèvres, ce nouvel opus. L'éditeur parle d'"oeuvre", il ne s'agit bien sûr pas d'un quelconque roman, écrit par un nullard mais bien de quelque chose qu'on a intérêt d'avoir lu si l'on veut pouvoir faire partie de l'élite. Passer son chemin serait signe de mauvais goût : Cunningham publie une oeuvre, Marc Lévy sort un nouveau best-seller, ce n'est pas du tout la même chose. Ajoutez à cela "douloureuse beauté", et vous savez tout de suite qu'on l'on a affaire à du lourd, les sens du lecteur seront mis à rude épreuve.
La suite de la présentation est un peu maladroite, cette description des personnages, bourrée de clichés,  peut indiquer à un lecteur un peu averti que l'originalité a du passer son chemin : Peter et Rebecca (ce n'est pas Kevin et Cindy) ou le couple new-yorkais par excellence ( ici, ça frise le pléonasme) : lui est galeriste, elle est éditrice, ( C'est fou ce que les écrivains aiment les professions brillantes et chics, et si en plus ils sont beaux et vivent dans un loft, on aura tous les lieux communs du roman américain poussif) ils ont la quarantaine fringante, (ben tiens, et je vous rassure, ce n'est pas dit ici, mais Rebecca a une ravissante jupe Prada et Peter a tout juste un tout petit embonpoint qui le rend totalement désirable) un superbe loft à Soho, ( pfff, mais c'était une affaire malgré les cloisons ultra fines qui font qu'on entend tout d'une chambre à l'autre), une fille en route pour l'université ( là, ce n'est pas vrai, elle est prépare des cocktails dans un bar d'hôtel. En plus, horreur, elle a des grosses chevilles... et donne plein de soucis à papa/maman parce qu'ils se demandent comment ils ont fait pour faire une fille aussi moche et ayant une profession aussi nulle) et des amis brillants. (Heu, là, faut pas exagérer, ils n'en ont pas beaucoup d'amis. Les relations sont soit mondaines chiantes soit uniquement professionnelles.)
En un mot, la quintessence de la réussite et du bonheur. ( Ca me laisse sans voix !)
Jusqu'à l'arrivée de Mizzy, le frère de Rebecca, jeune beauté androgyne de vingt-trois ans au charme ambigu.
Ici, mon appétit de lecteur est sérieusement attiré. J'imagine déjà un hommage à "Théorème" voire à "Mort à Venise", tout du moins un sujet dérangeant avec de la séduction, du sexe. Bon, on va éliminer le sexe tout de suite, puisque les deux personnages masculins échangent juste un baiser (mais sans la langue) seulement à la page 240 alors que le livre en fait 300 en tout. Autant vous dire que ce le thème pseudo sulfureux n'est quasiment pas traité. 
Fasciné, envieux de la liberté de Mizzy, troublé par ce prince gracieux et décadent qui lui rappelle tant son défunt frère, Peter va tout remettre en question, ses artistes, sa carrière, son mariage, le monde qu'il avait mis tant de soin à se construire...
Ils sont au rayon marketing de chez Belfond ! C'est vrai que ce thème, qui aurait pu être intéressant, n'est, en fait, qu'à peine traité sur les 50 dernières pages. Le lecteur que je suis avait depuis longtemps fait son deuil de lire un chef d'oeuvre. 
Bourré de clichés, sans aucune originalité, "Crépuscule" est une grosse déception. Michaël Cunningham, en étirant la mise en place de l'intrigue à l'extrême, passe complètement à côté de son sujet. L'écriture, banale et sans relief, donne une impression de livre de gare sans inspiration. 


4 commentaires:

  1. J'en suis à la page 190, et j'ai toujours l'impression d'être dans l'incipit... D'accord en tout point avec vous. Avant de commencer le livre, votre critique (sur sens critique) m'avait enlevé l'enthousiasme de lire enfin un nouveau Cunningham, mais j'espérais toujours. mais là, je crois que...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et bien rien n'est venu... En plus de manquer de profondeur et de donner tort à tout l'argumentaire Belfond, ce roman se paye même le luxe d'être mal écrit ! Je posterai mon article dans l'après-midi.

      Supprimer
  2. Déception partagée: j'ai mis votre lecture décapante de la 4e de couverture en lien chez moi. Cunningham peut mieux faire.

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour le lien et espérons que son prochain roman soit à la hauteur de notre attente.

    RépondreSupprimer