Un île, Lampedusa, au sud de l'Italie. Des pêcheurs, vieux, plus très nombreux, qui pêchent plus de détritus que de poissons. Un bateau, vieux lui aussi, qui vaut 100 000 euros de subventions européennes si on le met à la casse. Une famille, simple, rêvant de ce pactole pour prendre un nouveau départ. La même famille qui vit l'été dans son garage pour louer sa maison à des touristes. Des touristes, nombreux, venus sur l'île pour faire la fête et se dorer sur les plages grises de sable volcanique. Voilà le décor et le point de départ du film. C'est classique,déjà un eu social et c'est filmé avec les couleurs d'un film des années 50. Et puis, le grand père de la famille modeste découvre en mer une embarcation remplie de clandestins...
A partir de ce moment là, le film prend une tournure beaucoup plus grave. La famille de pêcheurs va recueillir une femme enceinte et son fils. Elle accouchera dans le garage... Pendant ce temps, la police va récupérer tous les clandestins pour les ramener à la frontière.
A partir de ce sujet brûlant d'actualité pour l'Italie en particulier et pour les autres pays de la communauté européenne en général, le film va dérouler tous les poncifs habituels : les méchants policiers, les touristes indifférents, le plagiste qui ne veut surtout rien voir, l'égoïsme de certains, la révolte d'autres. Du vu, du revu mais seulement ici la sauce prend bien grâce à un scénario qui ne se pose jamais en donneur de leçon. Emanuele Crialese ne juge jamais et préfère titiller la conscience (bonne ou mauvaise) du spectateur. Il joue sur les oppositions qu'un tel sujet ne peut éviter : les radeaux surpeuplés des clandestins face aux bateaux bourrés de touristes dansant et plongeant dans la mer, les bons vieux pêcheurs arguant la règle millénaire du secours en mer contre les règles de non assistance et de dénonciation de la police.
Là où il emporte le morceau c'est dans toutes les scènes qui opposent la femme africaine et la mère italienne. On voit se tisser petit à petit un lien entre elles. Le sentiment d'humanité et de révolte va les souder peu à peu. C'est filmé sans prétention, tout en retenue et les deux comédiennes sont absolument formidables.
Mais s'il y a une scène à retenir, c'est celle de la promenade romantique de deux jeunes gens, la nuit sur une petite embarcation qui se trouve soudain assaillie par une nuée de clandestins. Moment intense d'une violence physique et psychologique inouïe, glaçante, dérangeante, elle symbolise parfaitement notre monde actuel, partagé entre pays riches et pays pauvres et les convoitises que cela suscite.
"Terraferma" réussit à nous émouvoir là où, à mon avis, "Le Havre" échouait par trop d'effets décalés. Sa mise en scène sobre et sans chichi lui donne la force requise pour chatouiller la conscience de tout bon occidental obnubilé par son nombril.
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