lundi 26 mars 2012

Belle famille d'Arthur Dreyfrus

Pas de méprise, ce roman ne traite pas des rapports tendres et sournois de personnages avec leur belle famille. Ici, il faut prendre le terme dans un sens plus propre. Cette "Belle famille" est tout ce qu'il y a de bien : un couple de cardiologues dans la petite quarantaine, trois enfants mâles, un 807, une belle maison à Granville, une éducation morale et religieuse parfaite, bref  l'archétype de la famille bourgeoise sans histoire.
Mais, dès la troisième page, l'auteur commence à égratigner la belle façade, le couple ne va pas si bien. Laurence est un peu psycho-rigide, engoncée dans les bonnes manières de sa caste, délaissée par un mari qui a plus d'intérêt pour le cognac que pour la bagatelle et les pontages coronariens dont il tire ses revenus. Les enfants vivent leur vie d'enfant en knickers et Madec le deuxième, plus sensible, flirte avec la mort plus souvent qu'à son tour.
Rangeant serre-tête en velours et  Paraboot, la famille part en vacances en Italie dans un complexe touristique au bord de la mer. Et là, c'est le drame.Un soir, seul dans le bungalow, Madec meurt accidentellement. Sa mère en découvrant son fils sans vie, dans un moment d'égarement, fait disparaître le corps du haut d'une falaise.
S'inscrivant dans la lignée d'un Balzac de la comédie humaine et d'un Emile Zola avec un naturalisme contemporain, Arthur Dreyfus nous livre ici un roman tout simplement jubilatoire.
Passée la première partie, un chef d'oeuvre de cynisme et d'humour noir, vrai dézingage de cette famille bien sous toutes les apparences, le roman prend une toute autre tonalité à la mort de l'enfant.
Inspiré de la célébre affaire de la petite Maddie disparue au Portugal il y a quelques étés, la deuxième partie se colore de sombre et du brillant des paillettes qui scintillent sous les projecteurs des médias qui ne tardent pas à s'intéresser à cette disparition. Le lecteur est pris dans le tourbillon médiatique obscène que déclenche cette affaire avec, en creux, le portrait d'une mère plongeant peu à peu dans le déni de mort. C'est à la fois haletant comme un polar mais aussi passionnant par la description sans fard d'une humanité prête à tout pour vivre un moment de gloire, une couverture de VSD ou garder une place dans un ministère.
Roman totalement maîtrisé du début à la fin, "Belle famille" a tous les atouts pour connaître le succès et même une adaptation cinématographique, à la seule condition de trouver un réalisateur aussi inspiré qu'Arthur Dreyfus (la tâche sera ardue car l'auteur a placé la barre très haut).

2 commentaires:

  1. Très bel article ! Avez-vous lu son premier roman, La synthèse du camphre ? Il vaut aussi le détour.

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  2. Je ne connaissais pas le premier roman d'Arthur Dreyfus mais je vais m'empresser d'ajouter à ma pile à lire pour cet été. Et s'il est aussi intéressant que tu le dis...je sens que je vais me régaler

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