Expulsé de son appartement, un homme décide de vivre dans sa voiture garée dans une rue parisienne. C'est l'été, il s'organise tant bien que mal et observe le monde autour de lui. Au fil de ses déambulations, il croisera des personnages décalés, en marge comme lui. Et puis, il sera attiré par un étrange symbole, tracé sur un mur situé impasse Satan, évoquant à la fois l'insecte et le poisson. Fasciné par ce dessin, il va finir par rechercher l'auteur et finalement se rapprocher d'un groupuscule d'agitateurs d'origine malienne. Sorte d'anonymous aux masques Dogons, ils traverseront Paris en un cortège grossissant, rassemblant tous les exploités et les laissés-pour-compte d'un siècle d'esclavagisme et de d'exploitation libérale.
Après le succès critique de "Jan Karski" (prix Interallié 2009); Yannick Haenel s'attaque à un sujet sensible dans nos sociétés occidentales : l'exclusion, sociale bien sûr, mais aussi économique et politique. Sujet fort qui lui vaut les honneurs de la presse, souvent sous la forme d'un rapprochement avec d'autres auteurs traitant peu ou prou du même thème.
Cependant, et malgré cette thématique hautement sensible, je n'ai pas vraiment été emballé par le traitement romanesque qu'il en a tiré. Sa belle écriture n'est jamais arrivée à me passionner. Il a beau rameuter Beckett ou J.J. Rousseau à la rescousse, la sauce n'a pas pris du tout. La faute en premier lieu, à mon avis, à cette galerie de marginaux, pas vraiment surprenante, déjà vue ailleurs et surtout assez improbable. Ensuite, même si l'on trouve le postulat de départ intéressant, les idées humanistes et politiquement intenses, le traitement choisi, lourdement symbolique et agrémenté de phrases sentencieuses, plonge l'ensemble dans un ennui distingué. Le mélange discours militant et manif de la deuxième partie a beaucoup de mal à s'amalgamer, hésitant constamment entre roman et essai, sans jamais réellement convaincre malgré la diatribe irréprochable du propos.
J'ai pu admirer le style, la générosité du propos, mais tout cela m'est passé à côté, noyé par ce traitement trop irréel pour acquérir mon adhésion. Tiré un sujet aussi dense vers l'allégorie était risqué. Yannick Haenel s'y est essayé et un peu perdu je pense. Le soufflé, pourtant bien parti, s'effondre assez vite, me laissant lourdement déçu par cet essai raté de faire percevoir le monde impitoyable d'aujourd'hui par le biais d'une fiction romanesque.
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