jeudi 26 avril 2018

Une ombre au tableau de Myriam Chirousse


Melissa et Grégoire sont un jeune couple de la classe moyenne. Elle soulage quelques récalcitrants à la kinésithérapie en pratiquant l'ostéopathie dans un cabinet Cannois et lui regarde passer l'argent en tant qu'employé de banque. Dans un univers où le luxe est ostentatoire et le petit peuple relégué dans des faubourgs bien cachés, quand apparaît une opportunité, il faut savoir la saisir. Elle se présente à Greg sous la forme d'une proposition d'achat de maison par un copain agent immobilier. Un beau pavillon avec une piscine ( certes commune) cela ne se refuse pas, surtout à un prix bien en dessous du marché. La raison de cette braderie ? Les précédents propriétaires ont perdu leur fils de 3 ans, noyé dans la piscine... Le couple achètera la maison sans que Mélissa connaisse ce petit détail. Mais, l'ostéopathe est sacrement sensible aux ondes et sentira très vite que cette piscine a des reflets inquiétants. Et s'il n'y avait que la piscine...
Un été caniculaire sur la côte méditerranéenne, avec ses parvenus qui se pavanent sur la terrasse du Carlton mais aussi ses incendies qui réchauffent les mojitos et ses retraités à la peau boucanée servent de cadre à un roman qui avance nonchalamment, distillant quelques petits détails troublants. La piscine qui au départ prend la place d'un personnage inquiétant, s'efface petit à petit. Le reflet des personnages dans ses eaux turquoises se trouble peu à peu, chacun ayant finalement des petits secrets bien cachés. Sans aller jusqu'au suspens psychologique, "Une ombre au tableau" distille une atmosphère pesante, alourdie par un soleil de plomb et un soupçon d'érotisme ( lui aussi trouble). L'intrigue se prélasse au bord de cette piscine, prend son temps de se gorger de soleil pour ne pas aller là où on l'attend, évitant le coup de théâtre final surprenant que l'on aurait pu être en droit d'attendre. Se dessine alors un groupe d'hommes et de femmes bien contemporains, campés dans un sud de la France où le soleil fait oublier la corruption des têtes...
"Un ombre au tableau" est un cocktail littéraire bourré de glaçons que l'on déguste simplement et qui diffuse une impression de léthargie et de malaise qui, en se mélangeant, donnent un goût bien amer de l'humanité.

Merci aux éditions Buchet-Chastel et à BABELIO pour cette lecture qui annonce un été un peu pourri.


lundi 23 avril 2018

La vie effaçant toutes choses de Fanny Chiarello



Fanny Chiarello continue de creuser un sillon féministe, plus franchement teinté des théories queers. " Dans son propre rôle" , un précédent roman paru en 2015, évoquait déjà deux femmes enfermées dans leur condition déterminé par leur sexe biologique mais leur désir de liberté  se diluait dans une sorte d'hommage à une littérature féminine anglo-saxonne. Avec son dernier ouvrage, un nouvel élan semble s'être emparé de l'auteure et c'est plutôt au film de Robert Altman "Trois femmes" que  "La vie effaçant toutes choses" fait songer sauf que le nombre de figures féminines évoquées est multiplié par trois.
9  donc, 9 portraits de femmes au bord de craquer ou en train de donner le coup de pied libérateur ( mais pas au bord de la crise de nerf; ce serait vraiment trop cliché et misogyne surtout) nous sont proposés. Chacune se retrouve seule face à une désespérance que leur genre déformé par les diktats de la société leur ont insufflé au fil d'une vie qu'elles ne supportent plus. De la femme vieillie qui n'intéresse plus personne ( sauf les pompes funèbres), à Kim, enceinte après une énième FIV mais qui s'aperçoit qu'elle n'est absolument pas faite pour la maternité, à l'adolescente un peu ingrate et délurée qui prend de plein fouet la sexualité de ses parents qu'elle pensait endormis, à des femmes plus simples qui veulent seulement sortir la tête hors de cette eau stagnante qu'est la régie d'une famille et d'un travail sans âme. Ces 9 femmes, d'âges et de milieux différents se débattent dans un quotidien morne qu'éclaire une lueur de révolte qu'elle ne veulent plus camoufler.
Fanny Chiarello nous invite dans leurs pensées, juste un instant, sur une journée, mais toujours sur un moment qui peut tout faire basculer. En s'appuyant sur leurs gestes banals, sur une observation précise de leur quotidien et du monde qui les entoure, les portraits sonnent tout de de suite justes et vibrent comme un morceau de blues chanté par la voix profonde et forcément abîmée des êtres exploités par le destin.
Le roman apparaît de prime abord comme un recueil de nouvelles, mais une vraie et singulière sororité court au travers des lignes et finit par former un chœur, un groupe complètement cohérent qui donne une vraie unité au livre. Toutes les histoires sont reliées entre elles par d'infimes petits détails. Parfois même ces femmes vont se croiser, rencontrer les mêmes personnes ( une SDF, un jeune homme qui tricote, ... ), se regarder sans jamais se parler.
Nettement plus mordante, prenant le vie d'aujourd'hui avec une délicate fermeté, Fanny Chiarello signe un ouvrage... je ne dis pas roman...mais j'aura bien envie...qui ne laissera pas le lecteur ( on peut rêver que comme moi certains s'y plongeront) et la lectrice indifférent(e), le, la bousculera car elle touche du bout de sa plume à des zones sensibles propres à réveiller des envies de changements.

mardi 17 avril 2018

Tristan de Clarence Boulay



Je dois manquer de romantisme car, " Tristan", le premier roman de Clarence Boulay m'a paru plus porté sur un descriptif assez plat que sur la transcription de la passion dévorante de deux êtres que tant de lectrices ont dévoré avec bonheur. Peut être que ce roman touche une partie féminine que je ne  possède pas.
Nous avons une héroïne, prénommée Ida ( comme le si joli film polonais de Pavel Pawlikowski en 2013 ? ). Pour une raison que nous ignorons, elle se trouve à bord d'un langoustier en route pour une île dont on saura assez vite qu'il s'agit de Tristan da Cunha, îlot de 270 habitants perdu au milieu de l'Atlantique Sud. Là on se dit que Airbnb peut nous loger partout puisque Ida a trouvé une chambre chez l'habitant. En fait, elle devait venir avec un fiancé qui, par les hasards du jeu de pile ou face, a dû rester en France car il n'y avait plus qu'une place de disponible sur le bateau... prouvant ainsi que quand on est de vrais voyageurs, l'option Ibiza ou Madère n'effleure même pas.
Voilà donc notre Ida feignassant chez l'habitant, traînant au lit, dessinant ( elle est illustratrice) au gré de ses envies alors que tout autour d'elle tout le monte s'agite et bosse dur. L'île volcanique est belle, sauvage, ventée, mais franchement isolée. Tout le monde se connaît, s'observe, s'épie... Ida s'essaie à l'intégration et teste les soirées entre femmes à tricoter des chaussettes avec la laine des moutons locaux. La venue du prochain bateau étant dans 6 mois... il faut bien s'occuper. Heureusement pour elle, un cargo fait naufrage non loin de là, près d'un îlet seulement peuplé d'animaux. Chouette, une occasion d'échapper aux travaux ancestraux s'offre à elle avec la possibilité d'aller nettoyer le mazout qui n'a pas manqué de se répandre parmi les manchots et les pingouins. N'écoutant que son âme écolo, elle part en compagnie de trois hommes passer quelques jours pour tenter de sauver ce qui peut l'être. Est-ce le vent ? Le soleil ? L'ennui ? On ne sait, mais la proximité d'un dénommé Saul dans la petite cabane rudimentaire où elle passe ses nuits ( les deux autres sont dans une autre cabane .. sur un bout caillou inhabité ils n'ont pas de chambre quadruple...évidemment) va lui permettre d'échanger quelques caresses et quelques fluides. Bon, ils sont amants. C'est cool. La suite vous la devinez, quand on revient au sein d'une communauté où rien que le fait de changer de pull est un événement, il va être difficile d'échapper aux regards, à la suspicion, aux commérages, ...
Certes il y a un cadre original, dépaysant et fortement romanesque. Les îles perdues font gambader l'esprit... Seulement, jamais je n'ai réussi à m'attacher à cette jeune femme un peu froide. Jamais je n'ai ressenti la passion soi-disant dévorante qu'elle éprouvait pour Saul sauf peut être dans la dernière partie, sans doute plus réussie que la mise en place de l'histoire et que la rencontre avec l'amant bien platounette et exagérément elliptique. Malgré les embruns, les langoustes, les pulls torsadés et la caresse sur le devant de la cuisse, je n'ai jamais éprouvé le moindre frisson, jamais été emporté... " Tristan" possède de la poésie, mais manque de corps. 

lundi 16 avril 2018

Des histoires vraies de Sophie Calle



Si l'on connaît mal ou pas du tout l'œuvre de Sophie Calle, se plonger dans cette 5ème édition " Des histoires vraies"  s'avère une excellente façon de découvrir un petit pan des activités artistiques de cette formidable artiste française.
Sophie Calle fait de sa vie et de son intimité une œuvre d'art. Dis comme cela peut apparaître un peu abrupt voire difficilement imaginable surtout si on rajoute que pour cela elle mêle photographie, écrit, exposition d'objets divers, scénario originaux la mettant en scène, ...
Dans ce dernier ouvrage, qui contient quelques inédits, on a déjà un petit aperçu de sa démarche créative, aussi fascinante qu'inventive, aussi drôle que tragique, aussi intime qu'universelle dans le questionnement qu'elle induit sur la nature de chacun de nous quant à être exhibitionniste ou voyeur.
Au fil des doubles-pages ( photo + texte), nous savons beaucoup de choses de la vie privée de Sophie Calle, ses doutes parentaux, ses amants, ses maris, ses petites manies ( tenir le sexe de son mari quand il urine), ses expériences ( stripteaseuse dans une baraque foraine, jouer au dé la venue d'un homme dans son lit, ...), son fétichisme ( pour des tasses de café ou ses chats), ses idées lumineuses ( à un new-yorkais inconnu lui écrivant qu'il rêvait de dormir dans son lit, elle envoya par avion son sommier,son matelas  avec ses draps, sa couverture et son oreiller, lui demandant de le lui renvoyer une fois son rêve réalisé). Et au milieu de toute cette vie consacrée à faire de sa vie une œuvre, c'est surtout le thème de l'absence qui revient ( ses chats, son père, sa mère, les hommes qui l'ont quittée, ...) de plus en plus prégnant au fur et à mesure que l'âge avance.
Mais ce qui rend la chose encore plus intéressante, ce sont finalement les textes que Sophie Calle écrit, éléments indispensables de la plupart de ses expositions, véritables petits bijoux de précision, de concision, simples et secs. Chaque récit, en fait un cartel d'exposition, est comme une petite nouvelle de quelques lignes, surprenant, où l'impudeur paraît simple voire pudique, où éclate l'inventivité et où la tension est palpable à chaque mot. Petit exemple :  un dessin lacéré d'une femme nue ( Sophie Calle évidemment ) et en face, on lit un petit texte intitulé " La lame de rasoir" : 
" Je posais nue, chaque jour, entre neuf heures et midi. Et chaque jour, un homme à l'extrémité gauche du premier rang  me dessinait pendant trois heures. Puis, à midi précisément, il sortait de sa poche une lame de rasoir et, sans me quitter des yeux, il lacérait méticuleusement son dessin. Je n'osais bouger, je le regardais faire. Il quittait ensuite l'atelier, abandonnant derrière lui ces morceaux de moi-même. La scène se renouvela douze fois. Le treizième jour, je ne vins pas travailler."
Voilà une infime partie de ce qui vous attend dans ces histoires vraies, œuvres d'art d'une de nos plus grandes artistes contemporaines, réunies dans une très élégant ouvrage joliment relié. Pour le prix d'un roman habituel, vous aurez l'essence même d'un esprit hors du commun, vous découvrirez des émotions comme peu de romanciers arrivent à le faire, vous serez éblouis par le reflet de vous même que Sophie Calle vous renvoie. Une expérience à ne pas rater !



dimanche 15 avril 2018

Le figurant de Didier Blonde

 

Nous sommes en février 1968. Le narrateur ( peut être l'auteur lui-même), encore étudiant, se balade à Paris, rue Caulaincourt dans le 18ème. Sans doute un peu rêveur ou distrait, il traverse involontairement le champ de la caméra d'un tournage de film, le " Baisers volés" de François Truffaut. Il se retrouve soudain plaqué contre un mur de façon assez violente par le réalisateur lui-même. De cette rencontre fortuite ne naîtra ni une amitié avec ce géant du cinéma français, ni un procès pour agression mais juste une opportunité pour débuter quelques figurations dans ce film et dans quelques autres. Quasi cinquante ans après, à l'âge où la nostalgie joue sa mélodie sournoise dans la tête de ceux pour qui la vie est bien entamée, le narrateur va revenir sur ce passé de figurant, se souvenir des quelques figures toujours anonymes, ces silhouettes fugitives jamais créditées dans un quelconque générique qu'il a croisées à cette époque et parfois aperçues dans quelques films, mais aussi d'une certaine Judith, jeune fille un peu mystérieuse avec qui il a bu un Orangina en arrière-plan du film de Truffaut. A partir d'archives, de photogrammes et de rencontres, il va partir à la recherche de ce passé aujourd'hui enfui mais dont il reste pour l'éternité d'infimes traces, dans des coins de pellicules.
En lisant "Le figurant" on pense tout de suite à Modiano, mais un Modiano dont le curseur interrogatif se rapproche un peu de nous, évoquant une période moins sombre que celle de l'occupation. Il y a chez Didier Blonde la même envie d'enquête à rebours autour d'un passé nostalgique, avec, pour moi, un plus par rapport à notre dernier Nobel : une écriture d'une extrême élégance qui allie une grande douceur narrative avec un sens du rythme et du récit qui tient son lecteur en haleine jusqu'au bout. Nous plongeons à sa suite dans les coulisses d'un film mythique mais on se laisse aussi porter par ce portrait bienveillant autour d'un groupe d'anonymes profitant de la lumière de tournages pour se constituer une sorte de célébrité parallèle connue d'un monde ultra restreint. Et au-delà de cette histoire très joliment romanesque, en plus de creuser le sillon du temps passé à jamais perdu, c'est également un subtil questionnement sur les traces que nos vies peuvent laisser, les empreintes d'un passage que l'on peut trouver au bord d'un écran, d'une photo ou accrochées dans les souvenirs d'inconnus croisés.
" Le figurant" nous donne bien sûr envie de revoir " Baisers volés", de traquer nous aussi la silhouette du jeune homme qu'il fut, du couple éphémère qu'il forma avec Judith à l'écran, de ressentir des émotions peut être oubliées mais restera sans doute un des romans de 2018 qui nous aura le plus touché.


lundi 9 avril 2018

Sainte Victoire de Clara Luciani


C'est le printemps ! On l'espère chaud...sur beaucoup de plans et voilà que depuis vendredi explose déjà une première grenade... pas dans la rue mais  dans nos oreilles.
Déjà un peu repérée depuis un an avec la sortie d'un EP ( " Monstre d'amour") , Clara Luciani publie donc un premier album dont le titre " La grenade",  mis en avant depuis un mois, lui permet d'attirer l'attention. Ce n'est pas tous les jours qu'une jeune chanteuse sort un titre féministe au refrain entêtant. Du coup, portée par l'affaire Weinstein, la voilà propulsée chanteuse à texte et militante... ce qui pourrait être pire comme étiquette. Or, à l'écoute des onze titres, le portrait doit être plus nuancé.
Clara Luciani, tisse un autoportrait sensible et inspiré d'une jeune femme d'aujourd'hui, battante certes, car la vie et une passion passée mais dévorante l'ont rendu plus forte, mais aussi pleine d'interrogations. Dans cette veine, on retiendra surtout l'excellentissime " Drôle d'époque" ( " J'ai pas l'étoffe, pas les épaules , pour être une femme de mon époque...") qui marque une rupture à la mi-temps de son album ( mais aussi un miroir féminin à la chanson " Kid" d'Eddy de Pretto). Les six titres précédents, tous merveilleusement produits,  de la reprise quasi disco du " The bay"  de Metronomy au très rythmique " Comme toi" accrochent l'oreille avec bonheur mais préparent surtout à l'arrivée des derniers morceaux tous plus parfaits les uns que les autres. " Monstre d'amour" , "La dernière fois" "Dors"  et " Sainte Victoire" , concluant magistralement cet album qui apparaît soudain comme une perle comme en a pas entendu depuis longtemps ... enfin depuis Juliette Armanet.
Donc, ce printemps sera celui de Clara Luciani, de sa silhouette longiligne dont la guitare électrique n'est nullement un accessoire de mode mais surtout de sa voix qui fait élégamment les montagnes russes dans des mélodies parfaites et dont on retiendra son inimitable timbre qui place du grave dans des aigus. Dès ce premier album, elle se positionne comme une évidence, un talent que l'on adopte immédiatement.  Si l'on veut jouer au jeu des références, elle serait la fille secrète qu'auraient eu ensemble Françoise Hardy et Etienne Daho, sauf que leur progéniture aurait su garder le meilleur de ces deux aînés et en tirer un style totalement personnel. C'est ça le talent ! " Sainte Victoire"  en est la parfaite illustration !





dimanche 8 avril 2018

Fais-moi taire si tu peux ! de Sophie Jomain


Lors du dernier salon du livre à Paris, en arrivant à proximité de l'énorme espace du groupe Flammarion, j'avise une longue, très longue file qui serpente, déborde dans les stands des concurrents. Mais diable quel auteur célèbre dédicace donc à proximité ? Sûrement quelqu'un qui a fauteuil réservé chez Busnel et chez Ruquier... Curieux je remonte cette colonne dense et pépiante composée en grande majorité de jeunes femmes... Peut être qu'un chanteur à succès venant d'écrire une autobiographie ? Cent cinquante mètres plus loin, j'arrive enfin devant le comptoir des dédicaces et j'aperçois deux stagiaires au bord de la syncope et  essayant de jouer les attachées de presse bienveillantes mais guettant du coin de l'œil l'arrivée d'au moins Mylène Farmer... J'avise la pancarte suspendue au-dessus d'elles et je lis : Sophie Jomain, dédicace à 12h30 ! Je l'avoue ... je n'avais jamais entendu parler de cet auteur dont pourtant des piles monumentales attendaient sagement d'être arrachées par la file qui bientôt allait prendre des dimensions invraisemblables. Je passais, mon chemin, mon but étant le stand POL ...mais je notais le nom de cette star de la littérature et me promis d'aller voir un peu plus tard de quoi il retournait. 
Et je l'ai fait. Sophie Jomain vit de sa plume ( pas si nombreux que ça les auteurs qui n'ont pas un autre boulot !), publie deux livres par an depuis maintenant une huitaine d'années, des séries fantastiques ou de chick lit. Pas étonnant donc que ce mini phénomène d'éditions m'est échappé, je ne fais pas partie de la cible visée. ( je m'en doutais car j'aurai dépareillé au milieu de la file du salon du livre !). Mais voici qu'est sorti il y a peine un mois un nouveau titre de l'auteure chez &H... ( habituellement, elle publie chez Pygmalion). &H ? Késako ? C'est la version grand format de chez Harlequin ! La collection classieuse de l'éditeur que les lectrices visées paieront un peu plus cher ...
C'est donc avec une curiosité un peu mitigée, faut bien l'avouer, que je me suis plongé dans " Fais-moi taire si tu peux !" , la romance du printemps selon l'éditeur mais aussi coup de cœur de certains libraires  (en regardant de plus près il s'agit d'Audrey de l'espace culturel Leclerc de Tonneins  et d'une consœur du Cultura de Marsac).
Que dire du roman ? Tout d'abord, il est certain qu'il entre dans le moule de l'éditeur, à savoir que la jeune femme du départ, forcément célibataire, va rencontrer dès les premières pages un homme, beau, grand, suintant de virilité qu'elle va détester tout de suite pour mieux se jeter dans ses bras à la fin. L'histoire se bornera à installer des péripéties qui l'amèneront progressivement à changer d'avis... Pas de surprise donc, la jeune  Louise, employée chez une fleuriste va détester Loïc, dont le métier est saboteur de mariages. ( on notera que les professions sortent un peu de l'ordinaire). L'histoire, cousue de fil blanc, à la psychologie sommaire et improbable ne brille pas par son analyse des comportements. Comme toujours dans le cadre de cette littérature, l'auteur s'attarde assez lourdement sur la description des intérieurs mais surtout sur les tenues de l'héroïne dont le dressing est bien garni ( il faut bien l'ancrer dans une réalité ...mais qui fasse un peu rêver la lectrice). En situant son récit dans l'univers des mariages ( plutôt somptueux) , le rêve est doublé ( ce qui justifie sans doute la parution dans une collection prestige, faut que la lectrice en ait pour son argent ). Sur plus de 330 pages, nous suivront les démêlés de cette brave Louise que nous verront enfin succomber aux charmes testostéronés du bellâtre qui cache un cœur sensible sous sa  cuirasse de muscles.
Je l'avoue, je n'ai pas été vraiment passionné par ma lecture, sans grande originalité, mais cependant il me faut noter deux ou trois choses qui me font comprendre pourquoi Sophie Jomain draine un public nombreux et fidèle. J'ai pu apprécier la mise en place très rapide du récit qui, même si répondant à des stéréotypes, plonge le lecteur immédiatement dans l'action. L'improbabilité de la situation de départ amène malgré tout  quelques chapitres plutôt drôles, troussés sans façon et donc pas déplaisants. Mais il y a une chose qui m'apparaît essentielle sous le stylo de Sophie Jomain ( on ne peut pas réellement parler de plume), c'est l'absence totale de prétention qui se dégage de tout cela. Et je comprends donc pourquoi les lecteurs( trices) s'attache à cet auteur. Alors que beaucoup dans ce genre de chick lit pour jeune trentenaire vont en faire des caisses, vont vouloir se faire plus fines, plus " grande auteure", plus " voyez comme j'ai de l'humour, moi !", Sophie Jomain sait rester simple et vivante, gaie et rapide, sans rouler des mécaniques. J'y ai même trouvé un petit côté caustique en croquant la bourgeoisie lilloise ( les lectrices populaires peuvent ainsi se venger gentiment) ainsi qu'une vraie ouverture d'esprit avec la banalisation de l'homosexualité dans un genre plutôt porté sur le couple hétérosexuel exacerbé.
" Fais moi taire si tu peux" , même classé dans la chick lit de luxe de chez Harlequin, n'arrive pas à la cheville d'une Bridget Jones mais reste un roman très simple, très formaté, possédant quelques petites envolées plutôt réussies ( mais avec une bonne baisse de régime sur le dernier tiers, dénouement obligatoire oblige) et qui plaira au public visé. Il n'y a pas de mal à se faire du bien et si ce roman peut y contribuer chez certain(e)s tant mieux ! 

samedi 7 avril 2018

Partie gratuite de Antoine Audouard


Antoine Audouard, auteur et éditeur connu, s'effondre à 56 ans, victime d'un AVC. C'était en juin 2012. Heureusement pour lui, dans son malheur, c'est le côté gauche qui est paralysé, le côté droit du cerveau étant celui de la mémoire et du langage. Donc, c'est en pleine conscience que l'écrivain va vivre ces longs mois "d'après coup" comme il dit et qu'il décide de les retranscrire quelques années plus tard. 
Antoine Audouard est sans doute fort sympathique, les nombreux amis qui le soutiennent, les nouveaux amis qu'il n'arrête pas de se faire au cours de ses nombreuses semaines d'hospitalisation ou de rééducations diverses en sont le témoignage. Antoine Audouard possède également une jolie plume alerte, allègre, parfois piquante, parfois sensible ( le beau portrait de son ami Guy) et rend la lecture de son récit agréable. Mais malgré le malheur de l'écrivain et toute cette bienveillance étalée à longueur de pages, j'ai encore eu l'impression d'être resté à la marge du livre, un peu comme les pauvres autochtones d'un pays de bord de mer qui ne peuvent franchir les barrières derrières lesquelles se prélassent d'autres humains, plus riches, insensibles au monde qui les entoure. 
Certes l'auteur lutte pour retrouver l'usage de ses membres et ce n'est pas une partie de plaisir. Même s'il a la pudeur de ne garder que les bons moments, de reconnaître qu'il jouit d'une certaine chance dans la vie ( celle de vivre du bon côté), jamais il n'arrive à se départir de cette suffisance de classe. C'est donc en toute normalité que sa convalescence va le voir partir souffler à Nantucket ( c'est si joli !) , faire des cures ayurvédiques d'un mois en Inde, décider de se prouver qu'il peut encore faire du jogging et donc de parcourir Brooklyn Bridge à New-York. Bien sûr, il a des tonnes d'amis aussi bien médecins, que journalistes ou d'autres bien placés pour obtenir des permis de séjour à quelque étranger en situation irrégulière mais porté sur les techniques yogis ( comme quoi , quand on est privilégié on peut aider très efficacement). Et l'on assiste donc sur plus de 400 pages, à la renaissance d'Antoine Audouard, j'en suis ravi pour lui, mais aussi, en arrière fond, en toute innocence, de l'étalage d'une vie aisée, où l'on prend l'avion comme le métro, où les amis architectes aménagent en deux temps trois mouvements son intérieur pour l'aider dans ses déplacements, où le lecteur lambda sent que vraiment le fossé s'agrandit de plus en plus...
Je reconnais toutefois qu'Antoine Audouard glorifie sur deux pages notre système de soin et le service hospitalier exemplaire ( à Paris, on va à l'hôpital, en région... les cliniques aguichent les clients pour mieux les détrousser ) qui lui a permis d'avoir les meilleurs soins et les meilleurs spécialistes sans avoir déboursé un euro de sa poche ! Il est loin d'être ingrat...
Cependant, l'AVC, ou tout du moins les suites qu'il a eu sur Antoine Audouard, sont aussi le prétexte à parler des siens ( beaux, sympathiques, généreux, fidèles) et à jeter un regard assez zen sur le monde qui l'entoure. Ce ne sont pas les quelques piques sur l'égoïsme des gens dans le métro ou le manque d'aménagements dans les villes pour les handicapés qui vont ternir ce récit chaleureux mais cultivant quand même un certain entre soi bien actuel. 


vendredi 6 avril 2018

La traversée du paradis de Antoine Rault



Charles est français, mais deviendra allemand sous le nom de Gustav et retourne vivre chez sa mère qui n'est pas sa mère, mais celle de celui dont les services français lui ont fait prendre l'identité juste après la guerre 14/18. Vous ne suivez déjà plus ? Cela n'est pas grave, Antoine Rault le raconte bien et simplement dans le roman. Pour les chanceux qui ont lu le premier tome de ce qui s'annonce comme au moins une trilogie, c'est nettement plus aisé. Pour ceux qui démarreraient les aventures de Charles/Gustave/Alt ( oui, parce qu'il sera encore un autre un peu plus tard dans le roman!), pas de panique vous serez tout de suite plongés dans ce tourbillon historico/espionno/romanesque ( et il n'est nullement nécessaire d'avoir lu le premier tome).
Après avoir décrit l'Allemagne après leur défaite en 1918, l'auteur va plonger ses personnages dans la Russie d'après la révolution de 17, dont les débuts sont on ne peut plus chaotiques. Si Charles /Gustave espion allemand accepte de devenir Alt, c'est uniquement pour retrouver Tatiana, une femme qu'il a dans la peau, rencontrée dans un bordel à Berlin et qui s'est enfuie sans un mot. L'amour fait faire des folies et, franchement s'immerger dans le cloaque des débuts du communisme à Pétrograd ou Moscou, relève de l'inconscience...ou du véritable courage, vertu que possède évidemment le héros de ce roman.
Sur un fond historique précis, documenté, où l'on rencontre aussi bien Lénine que Trotski mais où l'on va croupir dans des prisons infâmes, se faire agresser par des gamins des rues affamés, chercher vainement un semblant de vie dans une Russie exangue, gouvernée par des idéologues et en proie aux exécutions massives et à la famine, le roman ne nous épargne rien de la rudesse de l'époque. Face au tragique de l'Histoire, la romance pourtant arrive à donner un peu d'espoir et de chaleur à ce monde qui n'en a guère. Même si l'on se doute de l'issue finale, on tourne les pages prestement, car une fois embarqué, difficile de lâcher l'affaire.
Bien sûr, à cause de l'époque, de cette suite à un premier tome ( "La danse des vivants), on pense à Pierre Lemaitre, lui aussi édité chez Albin Michel. Un doublon ? Dans l'idée et le timing des parutions peut être, mais en réalité non. Antoine Rault veut lui aussi divertir le lecteur mais avec une grande histoire d'amour et en y ajoutant une bonne dose historique. Là où Lemaitre reste dans une écriture très proche du polar, c'est vers le récit d'espionnage que lorgne Rault, avec ses montages parfois un peu compliqués de missions dangereuses ( il m'a semblé que l'on perdait moins en rythme dans cette suite que dans le premier tome, les discussions politico/historiques étant amenées avec plus de verve). C'est donc un tout autre univers qui nous est proposé et une tension assez différente. Mais on retrouve conjointement, la même appétence à mettre en scène des seconds rôles bien campés qui apportent au récit une vraie dimension romanesque.
Véritable tourne-page, " La traversée du Paradis"  fera un très bon best-seller d'été, surtout qu'il y fait plus que frais durant presque 600 pages.  Le paradis du titre, c'est la Russie de 1920, dont un personnage dit ... ( et d'une actualité encore brûlante ) : " ...les russes sont incapables de comprendre  l'idée de la liberté...on ne connaît que la trique. Alors, on ne s'est pas libérés, jamais, on passe seulement d'un tyran à l'autre... Si la Russie doit naître un jour, ça sera par la liberté !") ... 

Merci à BABELIO et aux éditions Albin Michel pour la lecture de ce roman !

lundi 2 avril 2018

Quoi de neuf au mois d'avril dans la chanson française ?


Commençons par l'album qui fait déjà pas mal parler de lui et qui sortira le 6 avril, celui de Françoise Hardy. Les ondes ...heu...soyons moderne...you tube déverse le joli clip réalisé par François Ozon sur le titre écrit et composé par La Gande Sophie " Le large" , chanson un peu crépusculaire, comme un adieu, comme si cet album ( "Personne d'autre") était le dernier.
Comment ne pas relier ce clip et cet album à celui d'Alain Chamfort qui sortira deux semaines plus tard ? Autre longue tige mais en version masculine, autre chanteur qui accepte sa vieillesse mais qui continue à chanter, Alain Chamfort nous propose un clip,  "Exister", qui prend un peu les mêmes codes que celui de Françoise Hardy ( les images de sa jeunesse, même si ici elles servent aussi à nous montrer son changement physique au fil des ans)) et nous parle aussi de sa disparition prochaine. Il est difficile de ne pas être touché par la clairvoyance mais surtout le côté gonflé de ces deux artistes d'évoquer leur future mort et c'est avec grand intérêt que nous écouterons ces albums qui s'annoncent comme de troublants bilans. 



Pendant que les anciens se tournent vers le passé et font le point sur leur vie, déboulent quelques nouveaux qui vont essayer de prendre place dans la chanson française. ( Ah enfin, me disent les esprits grincheux, le titre de ce billet n'est-il pas "quoi de neuf ?!!) 
Chevalrex publie un troisième album qui a eu la chance de taper dans l'oreille des disquaires FNAC et dans celles de la critique de Télérama ( 4 croches !!!), il devrait donc connaître une plus grande visibilité que les deux précédents. Avec une voix un peu monocorde, le créneau étant déjà bien encombré, Chevalrex pourtant arrive à tirer son épingle du jeu grâce à ses compositions ( il fait tout ce garçon sur ce disque ) un poil mélancoliques et joliment écrites. Il y a un véritable univers qui se faufile entre Albin de la Simone et Dominique A cependant  il faudra sacrément jouer de l'épaule pour s'imposer. 

 


Palatine, c'est le nom d'un groupe de trentenaires qui ont longtemps fait la première partie de Feu! Chatterton ou Radio Elvis. Grâce à ces prestations scéniques qui ont montré un talent évident,  sort enfin leur premier album, " Grand Paon de Nuit" que les amateurs de sons et surtout de guitares devraient écouter avec plaisir. Bonne nouvelle, le clip qui accompagne la sortie du titre " Paris-L'ombre", premier extrait qui espère bien connaître une petite renommée, est plutôt réussi...



LA CHANSON SCIE DU MOIS

Certes cet EP de l'excellent Cyril Mokaïesh est sorti depuis quelques semaines... mais quand on entend son titre phare " Les hommes de demain" , il est vraiment difficile de ne pas avoir l'air en tête pour un bon moment. Un bon signe pour que le succès arrive enfin à un de nos chanteurs les plus prometteurs ? On ne peut que le lui souhaiter ! 




LE CLIP ET LA CHANSON LA PLUS KITSCH

Donald Pierre, également chanteur du groupe Aline, nous propose ce titre : ( Elle est partie) Ma Panthère. Que dire ? On hésite entre le gag, la folie vintage, le clin d'œil sexy. Cela reste amusant, léger, peut être addictif...



Et pour terminer, comment ne pas résister à citer le nouveau (?) groupe formé par Laurent Ruquier : les Parisiennes ! Sans doute ne s'étant jamais remis de la disparition du groupe qui enchanta les radios dans les années 60 sur des airs souvent écrits par Claude Bolling et mis en scène sur la scène par Roland Petit,  il décide de le reformer mais avec quatre chanteuses venant d'univers différents : Inna Modja, Mareva Galanter, Héléna Noguerra et...Arielle Dombasle !!!! Je vous laisse déguster le résultat.... Est-ce que le titre mis en ligne pour soutenir le spectacle qui aura lieu prochainement aux Folies Bergères est un clin d'œil ou à prendre au premier degré ? ( " Ah ce qu'on est bêtes")